Restaurants: nos 10 adresses super coups de coeur de l’année

A la table de Lombric, à Forest © Anne-Sophie Guillet
Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Il nous a semblé pertinent de se gargariser façon « merci pour ce moment » des 10 expériences marquantes de 2021. Notre parti-pris ? Le refus de les hiérarchiser, ne vous fiez donc pas à la logique fallacieuse du scrolling, tant il est déplacé de déballer l’attirail scolaire pour rendre compte des exploits de ces héroïnes et héros de l’assiette résistante.

C’est le moment traditionnel, un peu vertigineux, où l’on se retourne sur l’an écoulé. A dire vrai, cette fois ce que l’on observe n’est pas joli à voir : une année amputée de 6 mois durant lesquels on s’est longtemps empiffré d’ersatz (le take-away est à la gastronomie ce que le visionnage d’un film sur un smartphone est à la cinéphilie). Oublier tout cela et regarder droit devant ? N’y pensez même pas. Avec l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête des chefs, le futur de la bouffe est plus incertain que jamais. Alors, comme un digestif que l’on ressasse en bouche avant d’en sentir la brûlure dans l’oesophage, il nous a semblé pertinent de se gargariser façon « merci pour ce moment » des 10 expériences marquantes de 2021.

Notre parti-pris ? Le refus de les hiérarchiser, ne vous fiez donc pas à la logique fallacieuse du scrolling, tant il est déplacé de déballer l’attirail scolaire pour rendre compte des exploits de ces héroïnes et héros de l’assiette résistante (cela dit, si vous y tenez vraiment, rien ne vous empêche de les agencer dans l’ordre qui vous sied). Le tout non sans rappeler les règles de déontologie élémentaires qui sont les nôtres : travailler le plus possible dans l’anonymat et, à tout le moins, payer les additions. Il est aussi utile d’avouer les limites de l’exercice : la plupart des adresses n’ont été visitées qu’une seule fois (O tempora, o mores).

Lombric

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.© Anne-Sophie Guillet

Sybille Kowalski et Anthony Jaeger se sont inspirés de l’humilité du ver de terre, dont on connaît la contribution souterraine à la perpétuation du vivant, pour signer une adresse imparable. Logé dans un ancien commerce des années 30, l’intérieur se découvre épuré : un quadrilatère terminé par un comptoir carrelé.

On y revient pour la cuisine de Camille Cosnefroy, une cheffe qui aligne de petites assiettes que l’on se partage avantageusement. Les influences ? Elles sont variées. Bien sûr, il y a le goût du légume, ainsi de navets préparés comme des bonbons caramélisés. Mais on rencontre aussi la régression sous la forme par des préparations issues du répertoire des pubs britanniques, comme ce « scotch egg » à base d’oeuf, de viande hachée et de chapelure. Même la Bretagne y passe, par le biais d’une galette de sarrasin aux pleurotes et à la sauce bleue Sans oublier, le Moyen-Orient dont la jeune femme fait infuser l’incroyable générosité dans un labneh aux betteraves rôties et à l’orange, voire en revisite la street-food par le biais de pittas au levain.

15, avenue Everard, à 1190 Forest, Bruxelles.

Saussice

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.© DR

Au centre de ce concept dont on n’a testé que la version « à emporter » (la partie restaurant n’ouvrira qu’en janvier) ? Un comptoir en bois clair derrière lequel se cache un grill au feu de bois réglable utilisé pour emmener le végétal du côté de la réaction de Maillard, cette caramélisation des sucs aux allures de fondamental gourmand. L’approche culmine dans des « miamiches », un néologisme annonçant la singularité du projet et désignant des pains fourrés (excellent « bun » de chez Boulangier) aux légumes qui peuvent, si affinités, être rehaussés d’une saucisse fumée du boucher-star Dierendonck. Vins au naturel et gueuzes à gogo.

54-56, rue de Roumanie, à 1060 Bruxelles.

Crab Club – Effets Mer

Restaurants: nos 10 adresses super coups de coeur de l'année
© DR

Indubitablement, Crab Club a ouvert un nouveau registre gastronomique à Bruxelles, celui d’une cuisine de la mer en phase avec son époque. En raison d’importants travaux, l’enseigne s’est téléportée en périphérie, à Drogenbos pour être précis. Et ce, jusqu’au 1er février 2022. Situé quelque part entre le club nautique et le bungalow de pêcheur, Effets Mer, tel est le nom de ce pop-up bien balancé, désarçonne. Le décor vaut son pesant d’éperlans, qu’il s’agisse des beaux poulpes bleus peints sur les fenêtres ou des crabes géants qui colonisent le plafond en bois. Dès l’entrée deux hublots affichent le menu. Attention, les fusions dépotent, ça tangue sous les pieds, on déconseille donc à qui n’aurait pas le pied marin sous peine de se faire rincer : huîtres/canard/foie ; oursin/burrata/potiron ; cochon/poulpe/chicons ; voire une plus urbaine pièce de rubia galega aux anchois (36 euros) ou une anguille laquée à la japonaise.

234, Grand’Route, à 1620 Drogenbos. Tél. : 0472 55 46 95. www.crabclub.be

Pinart le Bistro

Pinart Le Bistrot
Pinart Le Bistrot© Facebook

Ne cherchez pas adresse liégeoise plus conviviale que celle-là, il n’en existe pas. Surtout le dimanche, jour du marché de La Batte, quand, dès 11h, le chef envoie son « brunchic » selon l’humeur. La formule est irrésistible qui laisse la place à l’improvisation et aux produits du marché. Sous forme de tapas canaille, ce sont palourdes au paprika fumé, tartare de boeuf, sandwich bavette sauce échalote et autre gâteau carotte au rhum qui se succèdent à table. Bon sang, mais qui est capable d’envoyer ça ? C’est bien sûr Laurent Balancy, chef unique dans le paysage gastronomique, plus généreux tu meurs, qui a quitté son Bout de Gras bruxellois pour restaurer à l’ombre de la Cité administrative. Bien sûr, cet ogre, biberonné aux tripes et aux piments créoles, n’aurait jamais quitté son antre si Pinart le Bistrot ne faisait pas le plein de flacons nature (Gramenon, JeanPaul Brun, Zusslin…).

23, rue de la Boucherie, à 4000 Liège.www.pinart-bistrot.be

Rebelge

Parmi les chefs adoubés par le petit écran, Jean-Philippe Watteyne n’appartient pas seulement au cénacle des élus qui n’ont pas pris le melon. Le « sale djône de la région de Mons », comme il se désigne lui-même, possède également une vraie vision gastronomique salutaire et réjouissante. Celle-ci tord le cou aux assiettes-jardins tondues trop court et aux harmonies radotées. Débarquer un soir dans son restaurant aux contours contemporains et s’envoyer la quasi-totalité de ses créations sous forme de tapas relève de l’expérience inoubliable. « Être à la fois pertinent et impertinent » revendiquait Alexandre Gauthier. C’est exactement ça.

Les révélations ? Avant tout le ravissement paléo fourni par cet os à moelle rôti coiffé d’un tartare de boeuf flanqué d’un toast imbibé de sucs de cuisson. Mais aussi des « mortelleries » façon petits gris en tempura, poulpe au pesto et crumble de parmesan ou agneau aux aubergines nappé de fromage local fondu. La coolitude du service, les bières du Borinage et les vins naturels font mettre le genou à terre.

31, avenue Reine Astrid, à 7000 Mons. www.re-belge.be

Tuck Shop

Tuck Shop
Tuck Shop© Facebook

Tuck Shop, un nom qui évoque ces magasins britanniques de confiserie situés près des écoles, vaut le détour avec son intérieur épuré articulé autour d’un comptoir en bois clair et sa petite terrasse à front de rue. L’offre calibrée est pensée pour le déjeuner. Outre les excellents sandwichs, on pointe la « daily salad » à base de risoni, ces pâtes italiennes ressemblant à des gros grains de riz effilés aux extrémités, mélangés entre autres à de l’aubergine, du pesto et de la tomate séchée.

Envie de régression ? Le tableau affiche également un délice trop rare sous nos latitudes, un « bacon & egg roll » qui accourir les foules. Enfin, côté boissons, mention pour la présence des cidres, totalement atypiques, du collectif suédois Fruktstereo.

190, rue Théodore Verhaegen, à 1060 Bruxelles.www.tuckshopbxl.be

TOMA !

TOMA !
TOMA !© Anthony Florio

En quittant Waimes pour Liège, Thomas Troupin a emporté dans ses valises un peu de l’air vivifiant des tourbières du plateau des Hautes Fagnes. Quoique enroulé dans des lignes et des matériaux contemporains, son restaurant ouvert sur une magnifique terrasse faisant place à un carré de simples évoque une classieuse hutte de chasse. Agencée autour d’une cuisine ouverte bardée de bois brûlé et d’un rassurant four à bois en forme de dôme, la salle invite le convive à se tenir à l’affût. Le répertoire des saveurs distillées ? Il convainc en ce qu’il émane de compositions immersives qui dessinent la diversité des terroirs à même l’assiette et entonnent les louanges des producteurs locaux – poisson de la Truite d’Ondenval, veau signé Lothar Vilz, fruits rouges de La Framboiserie de Malmedy… Anticonformiste, le chef signe de véritables moments gastronomiques. On pense entre autres à une inoubliable tombée de légumes sertie de fleurs et d’un jus réduit ou encore un cochon sur paille parfumé à la menthe. TOMA ! est « le » restaurant gastronomique qui a fait battre notre coeur en 2021.

70bis, boulevard de la Sauvenière, à 4000 Liège. www.toma-restaurant.be

Lire aussi notre reportage : De A à assiette, où l’on a suivi le travail de Thomas Troupin du champs à l’assiette. Passionnant

Les Potes au feu

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En entrant chez Les Potes au feu, confessons que l’on craint un peu le « restaurant avec la raie au milieu », ce genre d’adresse de premiers de classe où pas un poil ne dépasse. Le décor léché panachant le bois clair et le végétal comme il se doit, l’accueil trop poli, la scénographie réglée comme du papier à musique, tout cela laisse à penser que l’on va s’ennuyer. En réalité, pas du tout. S’il s’agit bien de sujets appliqués, la haute qualité des assiettes en témoigne, Damien Gorjanec et François Schepens possèdent la dose d’impertinence nécessaire pour signer un propos terriblement gourmand – notons que l’équipe entière fait preuve de cette bienveillance qui manque si souvent. Tout commence avec un tataki de boeuf génial. Rafraichi au fenouil et à la sauce chimichuri au piment dosé avec tempérance, la viande se fait aérienne. On adore, clin d’oeil bien tapé, les fins tronçons de poireaux qui sont… du concombre. En plat, les moules au piment doux sortent le mollusque de sa routine.

4, avenue de la Plante, à 5000 Namur.www.lespotesaufeu.be

Maloma

Maloma
Maloma© Facebook

Attention, talents. Georges Athanassopoulos et Victor Deramay savent tout faire, de la pâtisserie à la street-food en passant par le pain au levain. Il faut dire que ces deux jeunes chefs prometteurs ont bien roulé leur bosse : École Hôtelière de Namur, Sea Grill, De Pastorale, Air du temps, Bon Bon, traiteur événementiel, palace en Suisse… Dans une petite et chaleureuse adresse schaerbeekoise, le duo déploie une haute gastronomie décoincée, fouineuse et irrésistible. Le menu quatre services montre toute l’étendue de leur savoir-faire.

On s’émeut encore en repensant à ce lard de porc Duroc beurré au miso. Une mousse de carottes rôties, marquée par le gingembre, et la saveur d’estragon de juteux choux de Bruxelles sautés aspirent la préparation carnée du côté du végétal. Sans oublier ce dessert, construit à la façon d’un « freddo cappucino », dansant avec le café, le chocolat, le « sponge cake » à la cannelle et à la fève tonka. Carte de boissons décalée qui passe du cidre au kéfir.

3, rue Josse Impens, à 1030 Bruxelles. www.comptoir-maloma.be

Savage

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.© Facebook

Savage s’apparente à un écrin d’un genre nouveau. Pourquoi nouveau ? Parce que l’on peut y faire un repas gastronomique 100% végétal. Cette approche « plant-based » culmine le soir avec un menu 4 services (deux entrées, un plat et un dessert). Celui-ci nous a cueillis aussi facilement qu’une serpe du gui. Pas dogmatique, l’enseigne propose aux indécrottables des portions de viande ou de poisson en extra, qu’il s’agisse de biche, de l’excellent hamachi, un poisson gras japonais proposé avec une marinade au yuzu, voire d’Holstein maturé. Il reste que ces « side dishes » ne sont absolument pas nécessaires. Le menu végétal tient parfaitement la route. C’est d’ailleurs le coeur explosif de la proposition. Nommés à la façon d’euphémismes – ce soir-là « Moutarde poire », « Brebis poivrons », « Patate 12 » et « Chestnuts » – les différentes assiettes se découvrent comme des feux d’artifice gustatifs. Servies dans un service revisitant le fameux « Delft » de manière rock’n’roll, les compositions s’apparentent à des jardins zen. Notre préférée ? Le choix est difficile, mais on retient surtout le mariage entre une crème onctueuse de fromage de brebis et du poivron rouge grillé. Le tout est réveillé entre autres par du gingembre, une note de croquant et de la roquette.

22, rue de la Paix, à 1050 Bruxelles. Tél. : 02 513 41 65. www.savage.restaurant

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