Benoît Deneufbourg: retour sur le travail d’un grand cœur du design belge récemment disparu

© Photos: Renaat Nijs / SDP

Son design était franc et simple, fonctionnel et d’une grande agilité technique. Discrètes et ingénieuses, ses scénographies servaient les objets exposés et prenaient le public par la main. Une œuvre à l’image d’un homme attentif, humble, doué et généreux. Un homme drôle et festif aussi, parti bien trop tôt.

«J’essaie que mes pièces ne soient pas bavardes, qu’elles soient discrètes, pas clinquantes», déclarait-il en 2018 en marge de Process, sa rétrospective organisée au CID du Grand-Hornu. Dans cette expo, Benoît Deneufbourg avait choisi de ne pas traiter ses objets comme des œuvres dont il faudrait admirer la perfection inspirée. A l’opposé, il détaillait le chemin lent et sinueux qui avait mené à ce résultat final, à la fois sobre et fonctionnel. Un choix qui témoignait de son souci de pédagogie et de partage, ainsi que d’une sincère humilité. Benoît Deneufbourg s’est éteint brutalement le 9 mai dernier. Ce drame a évidemment été un choc pour ses proches, mais aussi pour la scène du design belge, où tout le monde se connaît un peu.

Accessoires de bureau pour Another Country.

Au gré des hommages sur les réseaux et ailleurs, il ressortait avec évidence combien l’homme avait marqué par son attention à l’autre, sa convivialité, sa douceur. «C’était une crème», dit-on. Au-delà de ce que raconte cette belle unanimité au plan privé, elle reflète le rapport que l’homme entretenait avec son métier. Elle parle de son design. «Quand je vois un objet de Benoît, c’est lui que je vois, nous confie son ami et confrère Jean-François D’Or. Il y avait chez lui ce mélange de désinvolture et d’engagement complet. Il travaillait toujours très sérieusement, sans se prendre au sérieux. En se mettant au service des éditeurs et des fabricants plutôt de mettre en avant sa signature, il créait des objets d’une grande générosité.»

La ligne claire du design belge

Né en 1977 à Louvière, il a commencé par étudier l’architecture à La Cambre avant de bifurquer vers l’architecture d’intérieur à Saint-Luc. Après avoir été l’assistant du designer Xavier Lust, il a fondé son propre studio en 2004. Son premier objet édité, l’étagère Shelf, produite la même année par le label liégeois Vange, s’illustre par son intelligence structurelle et constructive, ainsi qu’une économie des matériaux répondant à une ambition écologique. Ces traits seront des constantes dans ce qui va suivre. «Benoît incarne à merveille cette ligne claire du design belge, très BD, simple mais efficace, qui caractérisait la génération de l’Atelier A1 (NDLR: un atelier qu’il partageait avec ses pairs Sylvain Willenz, Nathalie Dewez, Marina Bauthier…). Il a clairement apporté sa pierre à l’édifice», commente Marie Pok, la directrice du CID.

Table Twist pour Interni.
Table Twist pour Interni. © Photos: Renaat Nijs / SDP

Sa table Twist pour les Belges d’Interni (2009) est un exercice d’équilibriste parfaitement maîtrisé. Devenue un petit classique de la déco, sa patère Sticks, produite depuis 2012 par les Danois de Normann Copenhagen, est un précis d’ingéniosité. Ses accessoires Another Desktop Series (2012) pour les Britanniques d’Another Country ajoutent une note chaleureuse à votre bureau. Citons encore la chaise Paddle (2016), chef-d’œuvre de confort élaboré en synergie avec l’approche artisanale de l’éditeur bruxellois Cruso.

Benoît Deneufbourg a aussi enseigné (Saint-Luc et La Cambre) et réalisé des intérieurs frais aux accents scandinaves, notamment avec son ex-compagne Kelly Claessens. Il a également été «le scénographe parfait», comme le glisse encore Marie Pok qui fit plusieurs fois appel à lui avec le CID. «Il se remettait sans cesse en question. Ouvert à la critique, il l’utilisait pour avancer.»

Patères Sticks pour Normann Copenhagen.
Patères Sticks pour Normann Copenhagen. © Photos: Renaat Nijs / SDP

Hanne Debaere, de Flanders DC, en a fait la même expérience lors des divers Contemporary Design Market (désormais For the Now, lire par ailleurs): «Nous arrivions avec cinquante créateurs et Benoît trouvait des solutions esthétiques pour chacun. Il avait le sens du détail et connaissait extrêmement bien son métier. A côté de cela, il pouvait prendre le temps d’aller parler à un jeune designer pour lui dire d’avoir confiance en lui. Il était extrêmement gentil. Peut-être trop pour ce monde.»

Etagère Shelf pour Vange.
Etagère Shelf pour Vange. © Photos: Renaat Nijs / SDP

Dans le catalogue de l’expo Process, Nathalie Dewez le décrivait ainsi: «Benoît, c’est le tatoué au grand cœur.» Ce cœur s’est éteint. Pensées émues pour lui et ses proches, particulièrement son épouse Rebecca et son fils Leon.

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