Grégory Van Aelbrouck, conservateur de la Maison Hannon: ”L’Art nouveau, ce n’est pas que Horta, ni que des fleurs”

Grégory Van Aelbrouck
© Laetitia Bica
Anne-Françoise Moyson

Il veille à la destinée de la Maison Hannon depuis novembre 2021, un bijou d’Art nouveau signé Jules Brunfaut, une icône d’un style architectural inventé à Bruxelles. L’historien Grégory Van Aelbrouck (38 ans) ouvre grand les portes de cette merveille désormais rénovée pour partie, restaurée et conservée avec une fougue contagieuse.

L’Art nouveau, ce n’est pas que Horta

L’Art nouveau, ce n’est pas que Horta. Pour certains, c’est l’horizon indépassable, c’est l’Everest. Mais c’est une construction historiographique ; il y a en réalité une pluralité et une diversité dans l’Art nouveau. D’ailleurs, à l’époque, l’architecte le plus populaire, c’est Paul Hankar. C’est un leader et lors de l’exposition coloniale de Tervuren en 1897, il a l’intelligence de vouloir fédérer les talents. Horta n’aura même pas la politesse de répondre à son invitation, au contraire de Gustave Serrurier-Bovy, Henry Van de Velde et Georges Hobé. Il a marqué toute une génération d’architectes et posé les bases de la modernité. 

L’Art nouveau ce n’est pas non plus que des fleurs

L’Art nouveau, ce n’est pas des fleurs. On n’est pas dans l’imitation, Horta lui-même le disait : « De la fleur, je ne garde ni les pétales ni les corolles, je ne garde que la tige. » C’est donc un état d’esprit qui essaie de transcender les styles en capturant la force vitale de la nature. Elle est utilisée stylistiquement pour générer une architecture nouvelle. Dans les maisons Art nouveau, vous voyez des dégradés de couleurs, en partant des sombres vers les plus clairs, en ascension. C’est un rapport très organique au monde. L’idée est de recréer un paradis perdu dans son intérieur, avec comme force vitale la lumière. 

© Grégory De Leuuw

Un patrimoine longtemps oublié

Le Belge n’a jamais ancré son identité dans l’architecture et le patrimoine. Au Nord, on a construit l’identité sur la langue, au Sud, sur une histoire sociale et la Région de Bruxelles a choisi l’Art nouveau, qui n’est pas ancré dans une histoire nationale, c’est bizarre… Il faut aussi rappeler que dans les années 60, pratiquement au même moment où la commune de Saint-Gilles achète la maison Horta, on détruit la Maison du Peuple de Horta… Beaucoup de monde s’en désintéressait à l’époque, on appelait l’Art nouveau le style nouille ou de grand-mère. C’est intéressant, c’est juste l’opposé de la France qui a toujours cultivé la question du patrimoine, le rôle de l’artisan et du savoir-faire ancestral. 

Réconcilier patrimoine et technologie

On peut réconcilier les contraires. La technologie a-t-elle sa place dans une maison Art nouveau ? Oui, si elle est discrète ou si elle apporte une plus-value. Je n’ai pas voulu faire comme si elle n’existait pas, c’était d’ailleurs la philosophie d’Edouard Hannon, qui était ingénieur chez Solvay et associa les nouvelles technologies à sa maison. On sort donc une collection de NFT, en partenariat avec la start-up belge Artts, soit quatre motifs de notre maison-musée réinterprétés par des artistes contemporains dans le but de créer un alphabet d’Art nouveau. Cela permettra de financer la restauration de la serre, le gros chantier de l’année prochaine, et de promouvoir autrement la Maison Hannon. 

“On ne se satisfera plus de juste rénover, on doit conserver les traces, car on n’est qu’une étape de l’histoire.”

L’importance de la transmission

Au XXIe siècle, on doit préserver et transmettre. On ne se satisfera plus de juste rénover, on doit conserver les traces, car on n’est pas à la fin de l’histoire, on n’est qu’une étape et sans doute que, dans vingt ans, on dira que ce n’est pas comme ça qu’il aurait fallu restaurer… Plus on avance, plus les sciences nourrissent la question de la restauration. L’incendie de Notre-Dame à Paris fut un drame mais aussi une opportunité exceptionnelle, la restauration du monde médiéval a bougé à tous les niveaux, depuis le bois jusqu’aux peintures. Ce malheur a été transformé, c’est un vrai exemple à suivre. 

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Un travail d’archéologue

Les maisons trouvent leur propriétaire. J’ai visité la mienne par hasard, elle était dans un état pas possible mais quand j’y suis entré, je me suis fait happer. J’avais envie de la sauver. C’est une maison Art nouveau rationnel, il n’y a pas de courbes et de contre-courbes, ce n’est que de la ligne droite et du cercle. Elle a été construite par un disciple d’Hankar, Fritz Seeldrayers. Je la rénove petit à petit, en scrutant le moindre indice mais sans photo, ni facture, ni description, contrairement à la Maison Hannon. Bizarrement, elle est passée sous tous les radars, même à l’époque. Ce n’est donc que par l’archéologie qu’on peut la comprendre, c’est-à-dire en grattant, en regardant les reliefs, l’emplacement des meubles qui laissent parfois des traces dans les surpeints, on voit alors leur fantôme. 

Le Beau comme thérapie

Le beau vient du juste. Et un ornement, quand il n’est pas gratuit mais utile, est beau par définition. Le beau fait du bien à l’âme. Pour moi, il embrasse la question de l’idéalisme. Il n’y a que les idéalistes qui trouvent le beau utile. 

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