A Uccle, une maison aux allures modernistes dans un paradis de verdure
Cachée dans un îlot verdoyant, la maison bruxelloise, de la graphiste Nathalie Pollet réinterprète l’architecture moderniste de façon contemporaine: elle va à l’essentiel. Elle est signée L’Escaut Architectures.
C’est une maison refuge qui, à l’envi, s’ouvre sur un petit bout de campagne préservée et se ferme sur une intimité élégamment agencée. De la ruelle qui serpente sur les hauteurs d’Uccle, on ne devine rien. La porte enserrée entre deux maisonnettes d’ouvrier ouvre sur un îlot de verdure.
Juste après les bambous, on entre dans un jardin luxuriant avec vue sur une maison très franchement moderniste. Elle jouxte un pavillon semi-enterré au toit végétalisé où poussent sedums, marguerites et plantes sauvages. Les bruits de la ville se sont soudain tus. Le vent joue dans les arbres fruitiers. Nathalie Pollet a trouvé son bonheur ici.
En 2006, elle achetait ce terrain pas tout à fait vierge. «Une dalle de sol y était déjà coulée. Le gabarit de la maison était fixé, sur 150 mètres carrés, avec un permis de construire en largeur, hauteur et profondeur. Mais le projet architectural ne me convenait pas», se souvient-elle.
Une maison qui s’ouvre et se ferme
Qu’à cela ne tienne, dans ces limites imposées, avec exigence communale d’«une maison en apparence en bois pour s’intégrer au mieux dans cet îlot de jardins», elle rêve tout haut d’un chez-elle minimal et contemporain. Et fait appel à L’Escaut Architectures.
Un seul mot d’ordre: «Une maison qui s’ouvre et se ferme, avec des volets, que l’on puisse moduler en fonction de la luminosité, du temps qu’il fait, de l’humeur. Parfois j’ai envie d’être dans un cocon.»
Résultat: un parti pris graphique sans fioritures, avec six coulissants en lames de mélèze brut. Ceux-ci prolongent le bardage en bois ajouré et peuvent venir occulter les baies vitrées de 6 mètres de hauteur montant ouvertement à l’assaut de la façade.
«J’adore tout ce qui a été créé durant l’époque moderniste, précise l’heureuse propriétaire. L’idée n’était pas de faire une fausse vieille maison moderniste mais de s’inspirer des règles de base, de la façon dont les fenêtres sont travaillées et dont l’espace peut être ouvert ou fermé. Puis de les réinterpréter de façon contemporaine.»
Le béton sculptural
Pour l’intérieur, où elle ne voulait surtout pas se sentir à l’étroit, Nathalie Pollet a ciselé son briefing. «Perdre le moins de place possible, optimiser l’espace au maximum.»
Un escalier central flottant structure donc le lieu et y organise harmonieusement la circulation. Il a des airs de sculpture. En béton coulé sur place, il fait écho au sol, dans le même matériau lissé qui, par capillarité et de manière inerte, réchauffe la maison. Dans la foulée, elle imagine sa cuisine ouverte, avec un principe de plan de travail en béton. «Il est conçu comme une seule pièce qui commence au mur, descend, tourne et redescend au sol.»
Dans la même veine moderniste, elle a laissé le plafond brut. C’est à peine si elle y a passé une couche de peinture, mais c’était un choix raisonnable avant d’être esthétique, «une limite imposée par un budget ric-rac».
Savante accumulation
Pour meubler ce volume, elle accumule judicieusement les plantes, une collection de céramiques et du mobilier souvent vintage. Un buffet «de style danois» déniché chez Troc International accueille ses œuvres d’art. La coffee table d’Isamu Noguchi et le Bit Stool en polyéthylène de Normann Copenhagen font face à un Togo vraiment déglingué qui sert de panier pour chien.
Le fauteuil F588 de Geoffrey Harcourt pour Artifort daté des années 60 et trouvé patiné chez un antiquaire parisien côtoie le Tufty Time de Patricia Urquiola pour B&B Italia, une réinterprétation d’un classique des années 70.
«J’aime tout ce qui a été créé à l’époque, on n’a rien fait de mieux, sourit Nathalie Pollet. C’est le moment où le mobilier est enfin devenu confortable, beau, pur et est allé à l’essentiel… Depuis, on ne fait que revisiter.»
Dedans dehors
Il n’était pas besoin, à l’étage, que la chambre soit grande. La vue plongeante sur tant de verdure volontairement ensauvagée vaut tous les mètres carrés. Les oiseaux qui traversent le cadre font l’enchantement du matin.
Et pour compléter le tableau, dos au lit, sur le mur, Nathalie Pollet a posé une photo XXL de l’Américain George Shiras (1859-1942), pionnier de la pratique du «camera hunting» qui troqua un jour son fusil contre un appareil photo.
Le monde animalier était son terrain d’émerveillement, une passion partagée, qui trouve son prolongement dans les moindres détails de l’ornementation de cette maison où la faune et la flore sont les bienvenues. «Gamine, ma chambre était tapissée de chiens, de chats, de lions et de chevaux. J’ai remplacé les posters par des céramiques, des peintures, des photos et de vrais animaux.»
On ne s’étonnera pas qu’à la nuit tombante, par les baies grandes ouvertes sur le printemps léger, les renards soudain enhardis viennent lui souhaiter le bonsoir.
Nathalie Pollet (56 ans)
Elle naît à Ixelles et étudie le graphisme à Saint-Luc de 1989 à 1992.
En 2010, elle fonde son studio de communication et de design graphique Pam&Jenny.
Elle signe l’identité graphique et visuelle de Charleroi, de Lille Métropole, Capitale du design en 2020, des Brigittines, de la Museum Night Fever, de l’Institut Culturel d’Architecture Wallonie-Bruxelles et de Charleroi Danse pour la saison 23-24.
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