Visite d’un duplex années 50 à Bruxelles

duplex Natalia Brilli
Dans son habitation fifties, Natalia Brilli associe du mobilier vintage à des créations personnelles, telles que ses tabourets habillés de cuir et de céramique. © Jan Verlinde

Après une carrière en tant que créatrice d’accessoires à Paris, la Liégeoise Natalia Brilli a pris le temps de se réinventer dans notre capitale. Son duplex années 50, situé à Forest, est un cabinet de curiosités débordant de pièces vintage et d’objets de décoration qu’elle a réalisés elle-même.

Un tapis mural en raphia. Une immense chaîne noire suspendue à la mezzanine. Des coquillages tropicaux gainés de cuir. Une tête de Vénus capturée dans un filet de pêche. Entrer dans la maison-atelier bruxelloise de Natalia Brilli revient à faire un voyage surréaliste. Son intérieur consiste en un cabinet de curiosités sexy, qui flirte avec le fétichisme, l’art primitif et la couture gothique. Presque tout ce qui se trouve chez elle a été dessiné et confectionné par ses soins. Non pas les chaises vintage, ni la table de la salle à manger. Mais bien le tabouret en bois aux pieds torsadés qu’elle a entièrement revêtu de cuir extrafin. «J’aime rendre des objets du quotidien plus luxueux, précise-t-elle. Ici, je vis au milieu de mes créations, car cette maison me sert aussi de showroom pour mes clients.»

La convoitise devrait être supprimée de la surface de la terre.

Objets de collection

Natalia Brilli naît dans une famille modeste d’immigrés italiens. Son père est musicien, mais il vient travailler en Belgique, à l’usine. «Je suis un vrai mélange des deux cultures. Le côté minimaliste sombre de la Belgique mêlé à la frivolité italienne.» Son intérieur clair-obscur en atteste. Elle combine photographies ténébreuses de Larry Clark et Paul Kooiker et éléments plus ludiques, comme les chaises en fil d’acier de Bertoia, un tableau de Walter Swennen ou la céramique en faux bois de Vallauris. «Beaucoup de meubles que je possède depuis mes études me suivent dans mes différents lieux de vie. J’ai déniché le fauteuil Preben Fabricius sur une montagne d’encombrants. Je suis une vraie collectionneuse. Ici, ça va encore, mais j’ai aussi un grenier et un garage remplis de trucs inspirants que j’ai achetés. Et quand je ne trouve pas l’objet parfait, je le fabrique moi-même.»

Dans son habitation fifties, Natalia Brilli associe du mobilier vintage à des créations personnelles, telles que ses tabourets habillés de cuir et de céramique.
Dans son habitation fifties, Natalia Brilli associe du mobilier vintage à des créations personnelles, telles que ses tabourets habillés de cuir et de céramique. © Jan Verlinde

Au printemps 2021, Natalia Brilli quitte Paris pour s’installer à Bruxelles. Cela implique un nouveau départ, sur de nombreux plans. «Quand j’ai vu que cette maison de 1958 était à louer, j’ai sauté dans le premier Thalys, car la maison-atelier de l’architecte Jules Thomas était exactement ce que je cherchais dans la capitale. Mes créations se marieraient parfaitement avec le sol en schiste noir et les plafonds en lambris», raconte-t-elle. Depuis un an, la quinqua vit et travaille à Forest, près du stade entre-deux-guerres de l’Union Saint-Gilloise. «Je connais très bien ce quartier. Quand j’étudiais la scénographie à La Cambre, j’habitais dans un appartement du coin. L’Union n’était pas encore redevenu un grand club. Mais revenir habiter ici, c’est un peu comme rentrer chez soi.»

Des masques, des chaînes, du cuir... L’univers de Natalia Brilli est plein de fétichisme et d’art primitif. Sur la mezzanine, se trouve son atelier.
Des masques, des chaînes, du cuir… L’univers de Natalia Brilli est plein de fétichisme et d’art primitif. Sur la mezzanine, se trouve son atelier. © Jan Verlinde

Avant son retour à Bruxelles, Natalia Brilli fait carrière dans le monde de la mode à Paris. Elle est d’abord scénographe pour des productions de théâtre, puis entre dans le secteur fashion par le biais d’amis belges. Après un master supplémentaire à l’Institut Français de la Mode, en 2003, elle est engagée comme créatrice d’accessoires chez Rochas, sous la direction artistique du Belge Olivier Theyskens. En 2006, elle gagne le prestigieux prix français de la mode ANDAM, que nos compatriotes Christian Wynants, Anthony Vaccarello, Stephanie D’heygere et Glenn Martens ont aussi remporté. Peu avant, en 2004, elle lance sa propre marque de bijoux et d’accessoires avec son partenaire de l’époque. Avec succès: elle peut compter sur une équipe de dix collaborateurs et vend ses créations à d’éminentes marques telles que Maria Luisa et Barneys. Certaines pièces sont même exposées au MoMu à Anvers et au Musée des Arts Décoratifs à Paris.

Sa tapisserie en raphia et son ensemble de salle à manger vintage de Rud Thygesen et Johnny Sorensen semblent avoir été spécialement pensés pour les lieux.
Sa tapisserie en raphia et son ensemble de salle à manger vintage de Rud Thygesen et Johnny Sorensen semblent avoir été spécialement pensés pour les lieux. © Jan Verlinde

Sur le plan commercial, l’aventure parisienne connaît une fin malheureuse en 2012. La créatrice perd même le contrôle de sa propre marque. «C’était une période difficile, mais je me suis reprise en main en me tournant de nouveau vers des projets dans le théâtre et le cinéma. J’ai rencontré le photographe Larry Clark, qui m’a confié la direction artistique de son film The Smell of Us. Comme je n’avais plus créé moi-même depuis dix ans, le moment était venu de me relancer dans cette activité. Doucement et prudemment. Je ne répéterai pas les erreurs du passé. Je veux travailler de manière plus sélective, avec moins de points de vente.»

Le flair d’un esthète

En janvier dernier, Natalia participe pour la première fois au salon parisien Maison & Objet. Non pas avec des accessoires et des bijoux, mais avec sa propre collection d’objets de décoration en cuir, raphia et céramique. Une victoire personnelle… et un succès instantané. «Les galeries, ainsi que les boutiques de déco internationales et les décorateurs qui m’ont contactée pour des projets d’intérieur sur mesure ont manifesté un vif intérêt. Mais je voudrais freiner un peu les choses. Je dois d’abord m’assurer que la production et les commandes suivront.» La confection a lieu en partie dans son atelier, dans la mezzanine de son duplex. Mais aussi à Madagascar, où des artisans réalisent à la main tous les objets en raphia, selon ses indications.

L’habitante aime les contrastes noir et blanc. Elle a habillé de cuir cette ancienne Corner Chair britannique, dénichée au Sablon. Ce sac en raphia est une trouvaille à Paris, où elle a longtemps vécu et travaillé.
L’habitante aime les contrastes noir et blanc. Elle a habillé de cuir cette ancienne Corner Chair britannique, dénichée au Sablon. Ce sac en raphia est une trouvaille à Paris, où elle a longtemps vécu et travaillé. © Jan Verlinde

S’il est un personnage récurrent dans la carrière de Natalia Brilli, c’est bien Thierry Struvay. Ce Bruxellois est connu pour être un esthète au réseau gigantesque et au flair indéniable. Il vend les accessoires de la designer dans ses propres boutiques Natan XIII et Beau, tout en l’encourageant à se remettre à la création. Même quand elle met fin à son label. En 2019, il la présente lors de Collectible et à la maison de vente aux enchères Native. «Le thème de mon expo était le sacré. J’ai réalisé une série d’œuvres en lien avec le vaudou, le fétichisme et la spiritualité, notamment l’énorme chaîne et un moteur Kawasaki, habillés de cuir. Thierry m’a redonné l’envie de créer des objets, sous mon propre label. Depuis Bruxelles, bien entendu. Avoir un atelier à Paris n’est plus à l’ordre du jour.»

Bien que Natalia affirme ne plus vouloir vivre à Paris à temps plein, le cordon n’est pas complètement coupé. Elle y passe encore deux jours par semaine, notamment pour donner cours à l’Institut Français de la Mode. «Par le biais de mes étudiants, je reste en contact avec ce milieu. Mais je ne voudrais plus y travailler. Paris a beaucoup à offrir aux trentenaires. Mais à 50 ans, on a d’autres aspirations: le contact avec la nature, le calme et l’équilibre.»

En bref Natalia Brilli

Née à Liège, de parents italiens.

Elle étudie à l’Institut Français de la Mode à Paris, avant d’être engagée comme créatrice d’accessoires chez Rochas en 2003, sous la direction artistique d’Olivier Theyskens.

En 2004, elle lance sa propre marque de bijoux et d’accessoires.

En 2006, elle est la lauréate du prestigieux prix français ANDAM.

Après une pause de dix ans, elle crée, à l’occasion du salon Maison & Objet qui s’est tenu en janvier dernier, une collection d’objets de déco en cuir, raphia et céramique, signée de son propre nom.

@nataliabrilli_paris

Le travail de Natalia Brilli sera exposé dans le cadre de Collectible: The Gift be simple à l’Atelier Jespers (du 8 au 18 mars) et Homies by Coseincorso (du 6 au 12 mars), 71, quai au Bois de Construction, à 1000 Bruxelles.

Natalia Brilli a travaillé comme créatrice d’accessoires pour différentes maisons de mode et a attendu dix ans avant de relancer sa marque de déco.
Natalia Brilli a travaillé comme créatrice d’accessoires pour différentes maisons de mode et a attendu dix ans avant de relancer sa marque de déco. © Jan Verlinde

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