Mix Bruxxles Lionel Jadot La Royale
L'emblématique façade de la Royale belge, à Bruxelles, réhabilitée en un projet multifonctionnel. © Mireille Robbaert

Le Mix à Bruxelles, projet phénoménal de Lionel Jadot et de plus de 50 artisans designers belges

Dans l’ancien immeuble de La Royale Belge, le Mix ouvre ses portes en ce mois de juin 2023. Mélange d’hôtel, d’espace sport et wellness, de bar, de food market et de bureaux, l’endroit se veut aussi une vitrine du savoir-faire de designers makers belges. Un menu osé composé par Lionel Jadot.

Erigée entre 1967 et 1970 pour l’assureur La Royale Belge, la croix de béton et d’acier aux vitres fumées dessinée par Réné Stapels et Pierre Dufau est une icône de l’architecture fonctionnaliste belge. Occupée jusqu’en 2018, elle a failli être la nouvelle ambassade américaine avant que le projet soit abandonné. Ses quelque 54 000 m2 appelaient à une alternative d’envergure.

Le Mix, qui ouvre ses portes le 30 juin, investira l’essentiel du site. Pour rénover ce vaste vaisseau désormais protégé, les propriétaires se sont tournés vers le bureau londonien Caruso St John. Mais l’habillage, lui, a été confié à Lionel Jadot.

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L’ancien immeuble iconique de La Royale Belge, à l’orée de la forêt de Soignes, abrite désormais The Mix, dont l’habillage a été confié à Lionel Jadot. Photo : DR © DR

Une équipe de choc

Connu pour son approche bricolo-expressionniste, ce dernier a décidé de ne pas la jouer solo et a proposé de faire du Mix une vitrine du design collectible belge. Son équipe et lui ont ainsi convié les 25 studios occupant leurs Zaventem Ateliers, ainsi que 27 studios extérieurs.

Lionel Jadot Mix
© Tim Van de velde

«L’idée est de faire comprendre qu’un hôtel contemporain peut faire appel à des créateurs locaux afin d’offrir quelque chose qui n’existe pas ailleurs. Nous avons assuré la curation, la préparation et la mise en œuvre du projet – et c’était beaucoup de travail – mais, pour le reste, nous avons laissé le client acheter et facturer les pièces directement aux créateurs», nous expliquait Lionel Jadot quand nous avons visité le chantier.

Les 180 chambres au décor feutré, le lobby aux interventions monumentales, l’élégant espace sport et wellness, les salles de réunion et de co-working décontractées, ou encore le restaurant à la cuisine enrobée de céramique forment un ensemble à la fois cohérent et kaléidoscopique.

Mix Bruxelles Lionel Jadot
© Mireille Robbaert

Un engagement local

«Le cadre était d’une telle force que nous avons favorisé les interventions sculpturales, tels ces comptoirs ornés de laiton. Nous avons aussi joué sur un côté science-fiction, que j’aime bien. Surtout, nous voulions créer l’impression d’être dans les années 70, et cela sans rien utiliser de vintage. A l’intérieur, tout est contemporain et local», poursuit Jadot.

Il y a là pour lui une forme d’engagement. «Soutenir ce qui est produit localement a tellement plus de sens que d’importer des choses de l’autre bout du monde. Pour beaucoup de ces créateurs, c’était en outre l’occasion de passer à un échelon supérieur en termes de production, en réalisant parfois des centaines pièces. Cela aussi peut participer à installer leur studio.» Bref, un Mix qui est à la fois un espace unique en son genre et un catalyseur de talents.

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Le hall sculptural rénové de la Royale Belge. Photo : Mireille Roobaert © Mireille Roobaert

mix.brussels

Les lampes en marbre de sel de Roxane Lahidji

C’est l’une des créatrices les plus présentes au Mix, puisque ses lampes sphériques au délicat aspect marbré se retrouvent à la fois dans le lobby et dans toutes les chambres. La particularité du travail de Roxane Lahidji est ce matériau qu’elle a élaboré: un marbre de sel, développé dès ses études à la Design Academy d’Eindhoven. Basée depuis aux Zaventem Ateliers, elle y assure la création et la production.

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Roxane Lahidji Royale belge Mix Bruxelles
Les lampes de Roxane Lahidji pour le Mix. Photo: Mireille Roobaert. © National

«Il y avait plus de trois cents lampes à livrer, et nous devions assurer en parallèle des commandes de tables pour des galeries et des architectes.» Pour fabriquer son «marbre», la créatrice utilise du sel belge récolté en France, qu’elle mouille et mélange avec des pigments, avant de le mouler et de le faire sécher. La finesse des sphères – entre 1 et 1,5 cm d’épaisseur – permettait un séchage rapide, à savoir deux jours par lampe.

Nous restons donc loin des rythmes industriels, ce qui s’inscrit pleinement dans une démarche volontairement lente autour d’un matériau naturel, doux tant en termes d’extraction que de mise en œuvre. Autant de facteurs qui réduisent l’impact carbone. Ajoutez à cela la poésie de voir un matériau «qui ne vaut rien» transformé en «matière précieuse» par la magie d’un processus artisanal, et vous obtenez un bijou de design contemporain.

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Roxane Lahidji dans son atelier. Photo : SDP

roxanelahidji.com

Les bas-reliefs organiques de Papier boulettes

Une «invasion végétale», où surgissent trèfles, amarantes et autres pissenlits… Réalisés avec du carton récupéré sur le chantier, les bas-reliefs monumentaux (3 x 28 m!) qui ornent le lobby du Mix illustrent bien l’approche de Papier boulettes, projet initié par Zélie Boulestreau et Maud Bocquet. Plasticienne pratiquant la microédition, la première avait commencé à produire son propre papier quand elle a rencontré la seconde qui, de son côté, réalisait des graffitis en papier glané.

Papier boulettes Royale belge Mix Bruxelles
Les bas-reliefs de Papier boulettes pour le Mix. Photo: Romain Cavallain © Romain Cavallain

«Nos approches se sont complétées, explique Zélie, j’ai apporté ce côté all-over, consistant à couvrir des murs entiers comme avec du papier peint, Maud a induit un côté plus abstrait et plus performatif.» Depuis, Papier boulettes signe des interventions «à partir de vos vieux papiers, des lettres d’amour ou des factures, auxquels vous voulez dire adieu».

https://www.instagram.com/p/Cqi5E1Bs3t9/?hl=fr

Maud n’étant pas disponible, Zélie a collaboré ici avec Aele, artiste vivant comme elle dans les Pyrénées. Ce dernier a proposé des formes abstraites et minérales qui se sont mêlées à celles des plantes médicinales communes utilisées par Zélie en herboristerie. «Nous étions chaque jour cinq à la tâche. En tout, une quinzaine de membres du collectif a participé. Un peu comme une friche qui se végétalise, ces déchets de papier laissent apparaître une nouvelle forme de vie.»

aelegraffiti.com

Les tabourets et chaises de Thomas Serruys

Si les tabourets en bois de Thomas Serruys décorent les chambres du Mix, ses chaises métalliques, elles, sont présentes en nombre dans le lobby. «Je n’avais jamais dû livrer des meubles en de telles quantités. Il a fallu optimiser pas mal de choses, tant dans mon atelier à Bruges, qu’auprès de mes fournisseurs.»

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Thomas Serruys. Photo : Jana Pollet

Les pièces disposées ici existaient… mais en partie seulement. «Lionel avait retenu mon tabouret parce qu’il fonctionnait bien avec le reste, et le client l’a suivi dans son choix. Ce dernier m’a toutefois demander d’adapter les chaises métalliques, j’y ai donc ajouté des accoudoirs pour plus de confort.» Autodidacte, Thomas Serruys est entré dans l’univers du design en revendant du vintage dès l’âge de 19 ans.

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Dans le lobby, un tabouret de Thomas Serruys. Photo : Mireille Roobaert © Mireille Roobaert

Cette page est tournée depuis que son beau-père lui a proposé d’occuper un espace à Ostende en 2016, où il a commencé à créer. Entre 2018 et 2020, il s’est installé aux Zaventem Ateliers, avant d’ouvrir son propre espace de travail à Bruges, où il réside. «C’est un autre bâtiment qui a du caractère. J’y réalise tous mes prototypes. Ce qui est en bois est fait ailleurs, de même que les structures en acier, mais les parties pliées, les finitions et l’assemblage se font ici. Cette commande était pour moi une commande rêvée.»

thomasserruys.com

Le mobilier brutaliste d’Arthur Vandergucht

Avec son allure architecturale, inspirée de ces anciennes gares en acier qui exhibaient leurs rivets géants, le mobilier en aluminium du jeune Arthur Vandergucht semblait prédestiné à trôner au Mix. Le bâtiment n’est-il pas lui-même basé sur ces principes brutalistes et fonctionnalistes voulant que tous ses éléments structurels soient mis à nu?

Arthur Vandergucht Mix Bruxelles Royale belge
Des tables d’Arthur Vandergucht. Photo : Photo : Mireille Roobaert © Mireille Roobaert

Il y a en tout cas pour nous une évidence à croiser ici, après les avoir vus au salon Collectible ou à Milan, les meubles en tôles pliées de ce designer émergent. Fasciné dès l’enfance par les métaux, il a étudié la soudure avant de passer à l’architecture d’intérieur et à la création de mobilier. Le geste artisanal demeure central à sa pratique. Jusque dans sa répétition! Il a ainsi appliqué lui-même, avec une petite machine, les 9 000 rivets des dix-huit tables basses réalisées pour le lobby du Mix.

Arthur Vandergucht
Arthur Vandergucht. Photo : SDP © SDP

«Celles-ci sont la traduction d’un modèle préexistant, plus grand. C’était ma première commande et cela m’a fait quelque chose. Je connaissais le bâtiment et plusieurs designers impliqués, et je ne m’attendais pas à les rejoindre. J’ai d’ailleurs envie de remercier Cristina Gusano, que je ne connaissais que via Instagram et qui a présenté mon travail à Lionel. Cela ne fait qu’un an et demi que j’ai débuté mon studio et la presse, des galeristes ou des gens comme lui s’intéressent déjà à ce que je fais.»

arthurvandergucht.com

Le Mix, Boulevard du Souverain 25, 1170 Bruxelles, mix.brussels

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