Les maisons saoudiennes se mettent aux tendances

La maison de Haitham Al-Madini a longtemps ressemblé à toutes celles de son quartier à Ryad : une façade beige, presque sans fenêtre, isolant sa famille du monde extérieur, dans la capitale d’un pays très conservateur.

Mais en 2020, en plein confinement, ce Saoudien de 52 ans a décidé de donner un coup de jeune à sa demeure : un patio donnant sur la rue, des murs en travertin gris et des fleurs dans le jardin.

« Nous avions deux choix : construire une nouvelle maison ou rénover l’ancienne », confie ce responsable des ressources humaines, en faisant visiter sa maison.    

« Nous avons fait un pas vers l’amélioration de notre mode de vie », se réjouit-il.

Ce père de famille a également égayé son jardin avec une piscine, un hamac et des amandiers importés de Thaïlande : un nouveau lieu de détente pour sa femme et ses sept enfants. « Maintenant, il y a une utilisation optimale de l’espace », se félicite M. Madini.

Selon des architectes et ingénieurs locaux, ces nouvelles tendances sont devenues l’archétype des projets de rénovation et de construction en cours à Ryad, avec des Saoudiens en quête de maisons chaleureuses plutôt qu’imposantes.

villa arabie saoudite
Haitham al-Madini à l’entrée de sa villa

Grand impact social

Dans un contexte de réformes sociales ces dernières années, l’Arabie saoudite a ainsi connu une « ouverture architecturale », constate Abdallah al-Jasser, propriétaire de l’agence de design qui s’est occupée de la maison de M. Madini.  

« Les gens sont plus ouverts au changement et aux tendances », observe M. Jasser, ajoutant qu’ils y sont d’autant plus incités que l’achat de terres pour construire de nouvelles maisons est devenu très coûteux à Ryad.

A l’image du pays, l’architecture de la capitale reste très austère avec pour seule fantaisie de minuscules fenêtres triangulaires typiques du Najd, la région centrale du royaume.

La petite taille de ces fenêtres s’explique par le besoin de s’isoler du soleil, dans un pays où les températures tournent autour des 40 degrés Celsius une grande partie de l’année.

Ces petites fenêtres offrent également « une plus grande intimité aux familles », ajoute Ali al-Luhidan, un architecte saoudien.

Mais selon lui, et d’autres défenseurs d’une architecture plus moderne, ces espaces de vie mal éclairés et mal ventilés ont eu « un grand impact social » en contribuant à « une culture de fermeture sur soi ».

En 2018, les autorités ont rendu obligatoire, pour les nouveaux bâtiments, la présence de fenêtres plus grandes, en partie au nom de la santé publique, le soleil étant jugé essentiel au bon fonctionnement de l’organisme.

De plus en plus de salons disposent ainsi de « baies vitrées donnant sur l’extérieur », se réjouit M. Luhidan : « tout est ouvert et c’est une nouvelle culture en Arabie saoudite ».

Sans restriction

D’autres évolutions viennent aussi avec l’assouplissement des normes sociales promu par le jeune prince héritier Mohammed ben Salmane, dirigeant de facto qui, depuis cinq ans, tient son royaume d’une main de fer.

Auparavant, la plupart des maisons comportaient des entrées et salons séparés pour les hommes et les femmes. Alors que la mixité se banalise dans les lieux publics, les villas n’abritent qu’une seule salle de réception pour optimiser l’espace, observe l’architecte M. Luhaidan.

Et les nouvelles tendances ne se limitent pas qu’aux quartiers résidentiels, les grands centres commerciaux et d’autres espaces publics s’y mettent aussi. 

L’une des principales causes du changement : la fin, depuis 2019, de l’obligation de la ségrégation sexuelle, qui imposait aux restaurants d’avoir des entrées et espaces strictement séparés entre les familles et les hommes seuls.

« Les anciens designs répondaient à une culture de la séparation et de la ségrégation », explique Mohammed Abdelmoneim, chargé du design professionnel au sein d’une société de développement immobilier. Pour lui, la réforme a provoqué un « changement radical ».  

Le Riyadh Front, un complexe commercial et gastronomique haut de gamme doté de fontaines et d’une promenade bordée d’arbres, rassemble ainsi des clients de tous âges, hommes et femmes, surtout après le coucher du soleil. « Ces espaces ouverts connaissent un grand succès », assure M. Abdelmoneim, car « les gens y communiquent tous entre eux sans aucune restriction ». 

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