Mathieu Lehanneur
Mathieu Lehanneur photographié par Renaud Callebaut pour Le Vif Weekend DR

Rencontre avec Mathieu Lehanneur, le designer de la torche olympique

Fin juillet, le monde aura les yeux rivés sur la torche olympique que Mathieu Lehanneur a dessinée, mais 2024 toute entière sera faste pour celui qui conçoit des meubles, des lampes poétiques et des espaces luxueux.

Après l’ouverture à Paris de sa Factory, un studio doublé d’une fabrique, le Designer de l’année de Maison&Objet inaugurera sous peu un showroom à New York. Mais Mathieu Lehanneur a tout de même trouvé le temps de répondre à nos questions, et à poser son regard singulier sur une série de sujets. Rencontre.

Mathieu Lehanneur et… la torche olympique

C’est un moment fraternel. D’où mon envie de symboliser une idée d’apaisement et d’égalité. L’égalité était une des valeurs affirmées par le comité organisateur et ça m’a parlé… peut-être parce que j’ai toujours vu ce mot gravé sur le fronton des mairies. Exprimer des notions abstraites et humanistes était un défi qui me plaisait. Cela a donné cette forme symétrique qui s’éloigne de la vision traditionnelle évoquant plutôt le sceptre ou l’objet de conquête.

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La France

C’est un pays merveilleux convaincu de vivre dans un pays catastrophique. Dès qu’on propose quelque chose, cela donne lieu à des débats. Ils sont parfois intéressants, parfois partisans. Les discussions actuelles autour des Jeux sont à la limite du ridicule. Ces polémiques (NDLR: autour de l’affiche ou du choix de la chanteuse Aya Nakamura pour la cérémonie d’ouverture) sont tellement absurdes que, pour moi, ceux qui les portent se tirent une balle dans le pied.

La foi

Il existe une transcendance dont nous avons tous besoin. C’est pour ça que la magie m’intéresse. J’ai reçu une éducation religieuse. Or que fait la religion ? Elle joue sur la magie : elle vous parle de miracles, vous demande de croire à ce que vous n’avez jamais vu. Je suis désormais athée mais j’aspire toujours à cette transcendance. Je crois que les objets, paradoxalement, ont ce pouvoir: ils peuvent vous amener à voir ce qui n’est pas là, vous faire vous interroger, vous permettre d’échapper à cette triste condition de terrien soumis à la gravité, dans tous les sens du terme.

La science

Notre cerveau a la capacité de nous mentir consciemment. C’est l’un des phénomènes scientifiques qui m’intrigue le plus. Vous voyez ces mouches sérigraphiées dans les urinoirs? Elles sont là pour aider l’humain mâle à viser en le ramenant à sa condition de chasseur. En urinant, il va tout faire pour dégommer la mouche avec ce qui lui tient lieu de fusil. Son cerveau est conscient de la supercherie, mais il l’accepte. L’effet placebo fonctionne pareil. Même si on vous dit qu’on vous a administré un faux médicament, votre cerveau accepte le jeu et fait en sorte qu’il agisse. 

Le design

Rêver de créer des objets destinés à tous les foyers de la planète est un ego trip à ranger au placard de l’histoire. Produire massivement, rapidement et pas cher pour le plus grand nombre, c’était le credo des Trente Glorieuses. Et c’était légitime à l’époque. Au sortir de la guerre, fournir une table, des chaises et une lampe à tout le monde faisait sens. Mais pour un designer actuel, à l’heure du septième continent de plastique, l’enjeu est de produire beaucoup moins. Avant d’entrer dans nos vies, chaque artefact se doit d’être choisi, pensé et produit consciencieusement.

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La société

On n’a pas évolué d’un millimètre depuis l’homme et la femme des cavernes. On a inventé des trucs pour mieux se chauffer, s’éclairer et éviter de se trucider, mais nos pulsions, nos quêtes sont identiques. On a besoin de se protéger, de rêver, de sens… Dessiner des mammouths dans les grottes, ce n’était pas pour décorer: c’était apprivoiser ses peurs et ses désirs, se dire: «Je suis un être vivant sur cette planète et je dois y prendre part.» Peut-être est-ce présomptueux, mais quand je crée un objet, j’aspire à faire vibrer ce noyau profond qui est en chacun de nous.

L’intelligence artificielle

La première bonne nouvelle avec l’IA est qu’on n’a jamais autant parlé d’intelligence. Les gens deviennent méfiants des images, ce qui est plutôt une bonne chose. Dans mon métier, qui consiste à créer ce qui n’existe pas, l’IA m’inquiète peu car elle ne fait que compiler ce qui existe. Tout au plus, elle est le meilleur stagiaire du monde.

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Le processus créatif

Si vous assénez une solution à quelqu’un, vous allez avoir des réactions de rejet. Si vous impliquez la personne, il y a des chances que ça marche. Délivrer des messages ou des solutions clés en main ne m’intéresse donc pas. Mon travail consiste à concevoir des formes capables de vous toucher au niveau émotionnel pour que vous vous posiez vous-mêmes des questions.

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