à quoi servent les défilés (à part exhiber des tenues extravagantes sur des créatures de rêve) ?

Le défilé de Stella McCartney, l'une des marques du géant Kering. © photos : imaxtree / getty images

A l’origine, il y a 160 ans déjà, le défilé de mode avait pour vocation de présenter les nouvelles idées et tenues d’un créateur, que les acheteuses pouvaient ensuite commander à leur taille. Au fil du temps, l’événement s’est transformé en show, avec musique, lumières et célébrités. Internet et les puissants réseaux sociaux ont aussi changé la donne, permettant de découvrir en temps réel les dernières collections, immortalisées et partagées par tout qui est convié à la fête. Une multiplication des points de vue qui génère un buzz énorme autour des Fashion Weeks et une visibilité bienvenue pour les labels.

Jusqu’il y a peu, c’était donc à celle qui produirait le contenu le plus original / impressionnant / démesuré pour se faire remarquer dans l’avalanche des clichés postés sur le Net. Préférence à des maquillages ultrasophistiqués, aux mannequins les plus en vogue (et ayant le plus de followers), à des looks extraordinaires pensés pour convenir au format carré d’un post Instagram. L’occasion de récolter des (dizaines) de milliers de likes, mais aussi une manière de construire l’aura de l’enseigne, son exclusivité, sa désirabilité.

A force, si ce procédé est bénéfique pour l’image (en échange de moyens financiers indécents, cela s’entend), il n’en va plus de même pour le vêtement en tant que tel. Ainsi, on estime que 30 % seulement des silhouettes montrées sur les podiums seront effectivement commercialisées, les autres rejoignant le cimetière des créations éphémères, conçues expressément pour le show et non pour la rue. Autre fait surprenant, confié par Luca Solca, managing director en charge du secteur luxe pour BNP Exane Paribas, au site de référence The Business of Fashion : les principaux groupes de luxe européens cotés en Bourse vendent finalement très peu de vêtements, comparé aux bénéfices que leur procurent la beauté et les accessoires. Pour Prada, Hermès ou les griffes du géant Kering (Saint Laurent, Gucci, Balenciaga, Stella McCartney…), on tourne autour des 10 %. Il est vrai que contrairement aux sacs et aux chaussures, dont les logos sont facilement reconnaissables, le prêt-à-porter est plus difficilement utilisé comme un marqueur social…

Bref, les raisons d’être d’un défilé ont évolué et continuent à le faire, encore aujourd’hui. Car à la longue, face à cette cohue virtuelle, plusieurs marques vont jusqu’à remettre en question l’existence même de leur show. Ainsi Zac Posen et Rag & Bone, qui ont opté, pour dévoiler leur automne-hiver 2017-2018, pour une expo photo. Même logique pour Hogan, qui a dévoilé ses nouveautés sur écrans géants, avec images animées. Du côté de Sophie Theallet, place à une série de clichés de célébrités portant des pièces de sa nouvelle collection, le tout posté sur le Net. Même les présentations, autrefois réservées aux jeunes créateurs en manque de moyens, suscitent l’intérêt de plusieurs griffes, qui y consacrent autant de budget qu’à un show classique. Moins catégoriques, il y a enfin les labels qui se contentent de déménager leurs festivités, comme Lacoste, Altuzarra ou Thom Browne, qui défileront à Paris et plus à New York, en septembre prochain. Remises en question (de façade), #épisode2.

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