Adrien Naselli

© KEVIN FAINGNAERT

Têtu reparaît depuis quelques mois sur papier, après plus d’un an et demi d’absence dans les kiosques. Le nouveau rédacteur en chef du magazine LGBT, passé par France Inter, France Culture et Canal+, explique ce pari osé.

Pourquoi relancer le print à l’ère du tout-au-numérique ?

Sans un magazine papier, nous ne serions pas complets. Têtu.com est un canal fantastique pour de la communication rapide, mais pas pour des articles plus longs, de fond, qui demandent du temps. Le journalisme lent est la mission de titres spécialisés comme le nôtre. Les médias mainstream n’ont pas les moyens ou les connaissances pour analyser les thèmes LGBT en profondeur. Investir dans le print semble risqué, mais nous avions de bonnes raisons de nous lancer.

Une première cover surprenante, loin des habituels gars tout en muscles et torse nu…

Nous avons supprimé les Unes avec des mannequins à moitié nus. Elles n’ont plus d’utilité, car Internet et Instagram pullulent d’images de ce genre. Nos lecteurs ne se reconnaissent pas dans ces figures idéalisées. Nous changeons de cap en mettant des gens normaux en couverture. Qu’on nous qualifie de sérieux ne me fait pas peur : je préfère ça à l’idée d’être considéré comme frivole ou vide de contenu.

Quel message vouliez-vous faire passer à travers cette une, montrant un Noir, une fille et un transsexuel ?

La tolérance commence avec soi-même. Les nombreux groupes d’action et associations socio-culturelles LGBT travaillent bien ensemble – encore plus quand il s’agit de combats concrets et de défilés de type Pride – mais d’un point de vue individuel, il y a encore beaucoup d’incompréhension. Les homos, lesbiennes, bi et transgenres peuvent parfois dire les pires choses les uns sur les autres. Les différences d’âge et d’origine n’aident pas non plus à convaincre les gens de leurs intérêts communs. Mais on ne peut pas prôner la diversité et la solidarité tout en rejetant l’autre.

Le contenu plus politique ne risque-t-il pas d’effrayer les lecteurs ?

Dénoncer ce qui ne va pas ne représente qu’une partie du travail. Têtu doit traduire les préoccupations des LGBT et poser des questions difficiles, mais en pratiquant un journalisme de solutions. Rester positif n’est pas toujours facile mais est indispensable pour être entendu. Se plaindre ne fait pas vendre.

W.D.

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