Ancien complexe industriel minier, le Grand-Hornu accueillera le MAC’s, le musée des Arts contemporains. Le chantier, mené avec virtuosité par l’architecte liégeois Pierre Hebbelinck, avance à toute vitesse. L’ouverture, très attendue, est prévue pour 2002.

Le Grand-Hornu s’apprécie d’abord de loin. Il a cette allure impressionnante, empreinte de grandeur et d’élégance, dont la Wallonie a le secret. Arcades, colonnades, frontons et fenêtres à demi-lunes se succèdent à l’infini, imposent la vérité de l’histoire… Le site est composé de deux ensembles de bâtiments industriels, s’enroulant autour de deux cours, une elliptique, dite cour ovale, l’autre carrée. Les cours se suivent le long d’un axe qui débouche sur un portail d’entrée à triple arcade, surmonté d’un fronton. Ici, on se promène au coeur d’un fabuleux héritage. On assiste, aussi, aux métamorphoses qui feront du Grand-Hornu un site digne du XXIe siècle.

Le musée des Arts contemporains occupera la moitié des bâtiments situés dans la prestigieuse cour ovale. Le chantier est encore très impressionnant, il y a du bruit et de la poussière, les structures en béton sont apparentes, des câbles courent partout. L’ambiance est un peu surréaliste, onirique. Pourtant, on pressent déjà la configuration définitive, on devine chaque élément à sa place, logiquement, harmonieusement. On imagine une intervention forte, vigoureuse et, en même temps, subtile, juste, très respectueuse du patrimoine. Lieu emblématique, le Grand-Hornu est l’un des sites majeures sur le plan européen. Ses vestiges évoquent le riche passé de la région.

Le charbonnage connaît, ici, un démarrage fulgurant au début du XIXe siècle. A l’origine ? La personnalité exceptionnelle d’Henri De Gorge, riche commerçant lillois qui rachète la concession en 1810. Il a du flair et du talent. Entreprenant, visionnaire, doué d’un grand sens de marketing, il hisse le Grand-Hornu au top des centres miniers. De Gorge est aussi un bâtisseur. Il souhaite fondre, dans une même entité architecturale, travail, administration, habitat, éducation, santé et loisirs. Deux architectes, Pierre Cardona et Bruno Renard, sont aujourd’hui cités comme auteurs du projet. Pourtant, leurs rôles restent l’objet de doutes. Peu importe… L’ensemble, dessiné dans le style néoclassique, tel que l’on peut encore le voir aujourd’hui, est sobre et harmonieux, imposant et gigantesque. Presque une ville. Ses dimensions illustrent clairement les visions ambitieuses de De Gorge.

Le traité de la CECA (Communauté européenne du charbon et de l’acier), signé par la Belgique en 1951, entraîne la fermeture du Grand-Hornu en 1953. Plus tard, il est question de le raser… Sauvé de justesse, il est racheté, en 1971, par l’architecte Henri Guchez qui lui offre un premier coup de jeune. L’arrivée de l’association Grand-Hornu Images, puis les premières animations culturelles et touristiques, annoncent un changement de destin pour le site. En 1989, il devient la propriété de la Province de Hainaut. Consciente des fabuleuses potentialités du Grand-Hornu, la Province de Hainaut veut y installer la modernité. En développant, notamment, le tourisme intelligent,  » nouvelle génération « , en encourageant des manifestations culturelles pointues, dans leurs dimensions les plus avant-gardistes. Les premières expositions de design confirment la justesse de ce parti pris. Puis germe l’idée d’un musée d’Art contemporain. La Communauté française de Belgique caresse ce projet depuis sa  » naissance « , en 1981. Le défi est de taille. Enfin, une dizaine d’années plus tard, il est gagné… par le Grand-Hornu ! Laurent Busine, directeur des expositions du palais des Beaux-Arts de Charleroi est désigné comme « l’idéologue » du projet. Le choix de Pierre Hebbelinck s’impose d’emblée. A charge pour le talentueux architecte liégeois de métamorphoser le prestigieux édifice ! Mais par où commencer ?  » En Belgique, nous avons très peu d’expérience dans ce domaine, explique Pierre Hebbelinck. Ainsi, nous avons commencé par consulter et visiter les musées à Paris, à Nîmes et à Bordeaux, pour nous forger sur l’art contemporain des optiques différentes . »

La tâche de l’architecte consiste à aménager une surface de 8 000 m2 comprenant la partie muséale, la réserve, l’administration et la partie dédiée à la communication et à la pédagogie. Il n’était pas question d’enlever au site sa majesté originelle, témoignage de la prospérité passée de la Wallonie industrielle.  » Ma préoccupation première était de concevoir une architecture qui fait le lien avec la construction datant de 1820, souligne Pierre Hebbelinck. Or c’est une architecture fragile, d’où le parti pris d’une intervention avec peu de discours, silencieuse, simplissime, mais puissante. « 

L’architecte a imaginé un parcours logique et cohérent, doté de tous les espaces de la muséographie moderne : une boutique-librairie, une cafétéria, une salle de projection, un auditorium, puis les salles d’exposition sur 3 000 m2, dont deux, très belles, seront aménagées dans la  » maison des ingénieurs « . Le visiteur cheminera donc dans des parties anciennes, rénovées avec beaucoup de rigueur et dans des constructions neuves.  » Nous manquions de place à l’intérieur des lieux existants, note Pierre Hebbelinck. A l’arrière, dans la zone du parc, nous avons donc développé les nouvelles parties: des extensions, notamment des réserves et des nouvelles salles. L’une d’entre elles forme un pont qui passe de la maison des ingénieurs vers les nouvelles salles en franchissant les ruines. « 

Légère et très dynamique, l’architecture du Grand-Hornu sera également hautement technologique.  » Citons un seul exemple, poursuit Pierre Hebbelinck. Les deux salles d’exposition, situées dans la maison des ingénieurs, sont orientées plein sud. Ce qui représente bien entendu une contrainte importante. Au lieu d’envisager des solutions multiples et classiques, à savoir l’utilisation de stores ou de volets, nous nous sommes adressés à des spécialistes capables de résoudre ce problème à l’aide d’un seul matériau. Il s’agit d’une feuille de verre qui contrôle la pénétration de la lumière, évite les UV, filtre les infrarouges et empêche les reflets.  » L’acoustique, elle, a été étudiée avec les spécialistes de l’Université de Liège. Notons enfin que l’aménagement intérieur, dessiné par Pierre Hebbelinck, associe des matériaux nobles, lisses et sobres : de l’acier couleur noir de fusil, du granit du Brésil pour la plupart des sols et de l’afzélia (un bois exotique) pour les banquettes.

Barbara Witkowska Photos : Sven Everaert

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