Collectionnite aigüe: portait de quatre passionnés

© DAMON DE BACKER

Sneakers addict, buxidaferrophile, fanatique de Star Wars ou féru du génie créateur de l’homme : voici quatre profils très différents mais consumés par le même feu, celui de la collection. Une passion muée en philosophie de vie et en quête perpétuelle faite de joies et de déceptions.

Willem Lecluyse (36 ans), collectionne les sneakers

 » Enfant, je jouais au basket et je rêvais d’avoir les chaussures de Michael Jordan. J’ai commencé à travailler chez Footlocker à 16 ans, et depuis, je collectionne les sneakers. Aujourd’hui, j’en possède environ 500 paires. Evidemment, ce ne sont pas de simples chaussures de sport, je m’intéresse surtout aux éditions limitées.

J’ai passé la majorité de ma carrière à travailler dans ce milieu. Quand j’étais représentant pour Nike, ma collection a décollé. Je savais toujours quand les éditions spéciales Nike ou Jordan allaient sortir. Lorsque la filiale belge a fermé ses portes, j’ai reçu un merveilleux cadeau de départ : la Jordan 2 Just Don, avec broche, pochette et casquette. Un lot très spécial.

Quand je m’habille, je sélectionne d’abord mes sneakers, puis mes vêtements. Pour pouvoir toutes les porter, j’ai élaboré un système de roulement. Je place quatre-vingts paires à côté de mon lit, et je les change de temps en temps. Ma collection a atteint son sommet il y a déjà un bout de temps, et j’essaie maintenant de transmettre ma passion à mon fils. Il a presque 5 ans, et il possède presque cent paires. C’est de l’argent jeté par les fenêtres puisque, après un mois, elles sont trop petites. Mais je ne peux pas l’envoyer à l’école avec de simples chaussures, c’est plus fort que moi.

Aujourd’hui, les collectionneurs comme moi ont de plus en plus de difficultés à trouver de nouveaux modèles. Des revendeurs ou des robots se ruent sur les éditions spéciales, dès leur arrivée sur le marché, pour les revendre trois fois plus cher. Je reste un de ces types  » old school  » qui achètent par amour. Mon saint Graal ? La Jordan 11. Mon plus grand rêve serait de posséder un exemplaire signé par Michael Jordan en personne. « 

Tibère Bayet (82 ans), collectionne la porcelaine de Tournai, l’art contemporain, l’art primitif et les bijoux ethnographiques

 » Il y a deux catégories de collectionneurs : le passionné et le spéculateur. Ça se voit tout de suite, à la manière dont l’un va regarder, sentir, toucher les choses, alors que l’autre se contentera de demander si c’est rare. Moi, je n’ai aucun carnet, aucune note, je me souviens à qui j’ai acheté, mais ne me demandez pas à quel prix, je l’ai oublié depuis longtemps. Je me suis toujours intéressé à l’art, aux peintures et sculptures. Le fil rouge de ma collection, le lien entre la porcelaine de Tournai, l’art contemporain ou primitif et les bijoux ethnographiques, c’est le génie créateur, la main de l’homme. Une question de ligne : matière et forme, ancienneté et patine.

Tibère Bayet
Tibère Bayet© DAMON DE BACKER

Chaque oeuvre a une histoire, celle d’une rencontre, d’une découverte, d’une réflexion, d’un achat. Avec le temps, on se rend compte que certains objets vous sont destinés, vous attendent, et qu’il vaut mieux regretter de ne pas avoir acheté plutôt que d’acheter et d’être déçu. Ça m’est rarement arrivé : je ne fonctionne jamais au coup de coeur. Je vois un objet une première fois, puis j’y retourne une seconde, voire une troisième fois, et si l’émotion est la même, c’est bon. Le risque, c’est évidemment qu’il nous échappe, mais c’est ça, la vie d’un collectionneur. Une vie très difficile. On est toujours à la recherche de quelque chose et quand on l’a, c’est le grand bonheur. On se dit :  » Maintenant, c’est terminé.  » Et quelques mois après, si pas le lendemain, on retombe sur une pièce et c’est reparti. Une collection n’est jamais complète. Pour moi, c’est une maladie… mais je ne me soigne pas ! « 

Yvette Dardenne (81 ans), collectionne les boîtes en fer-blanc

 » Je n’avais aucune volonté de collectionner, tout est parti d’un pur hasard. J’avais récupéré une boîte parce que son contenu – de vieilles photos de ma belle-famille – m’intéressait. Une tante de mon mari y a été sensible et m’a offert sa boîte de toujours – cadeau de l’épouse du médecin – avec une petite fille au chapeau bleu. Ça m’a rappelé celle qu’il y avait chez mes parents, avec la reine Astrid. Enfant, je n’avais jamais compris qu’une reine puisse mourir et qu’un prince soit orphelin, ça me dépassait. C’est ma véritable première pièce, elle m’a donné envie de rechercher celle de mes parents. Puis un monsieur m’a cédé ses 164 ou 166 boîtes, parce qu’il collectionnait aussi les souvenirs militaires, et que sa femme lui avait demandé de choisir entre les deux. Et c’est devenu une addiction ; mon mari aussi en avait  » ras-la-boîte  » d’ailleurs.

Collectionnite aigüe: portait de quatre passionnés
© DAMON DE BACKER

Etre le conjoint d’un collectionneur, ce n’est pas rien. A un moment donné, ça augmentait de dix par jour, la folie délirante. En trente ans, je suis à près de 60000 boîtes. J’ai été inscrite deux fois auGuinness Book, mais toute la procédure est très contraignante. Le journalLibérationm’a consacré un article, mais il m’a appelée  » la pie stockeuse « . Or, je ne stocke pas. Je recherche la qualité ou la rareté, eux ont juste vu le nombre.

Tom Boute
Tom Boute© DAMON DE BACKER

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Tom Boute (43 ans), collectionne les figurines Star Wars vintage

 » Il y a huit ans, j’étais en vacances et je suis entré dans un magasin de seconde main rempli de jouets Star Wars. La nostalgie m’a submergé. Je n’ai rien acheté, mais le soir même, je surfais sur le Net à la recherche des figurines de ma jeunesse. Je collectionne les silhouettes vintage, fabriquées entre 1977 et 1985. Aujourd’hui, j’en possède presque 1000. J’ai un peu perdu le contrôle (rires). La rareté d’une figurine fait sa valeur. Prenons par exemple un Jawa, un personnage portant une cape. Les premiers modèles avaient une cape en vinyle, mais les fabricants ont très vite opté pour du tissu. Un Jawa avec une cape en tissu coûte environ 35 euros, mais pour une édition avec vinyle, il faudra débourser 1200 euros.

Personnellement, je me concentre pour l’instant sur les figurines japonaises avec l’emballage d’origine.  » The First Twelve  » sont les premières pièces à avoir été produites. Il en existe douze modèles, mais seulement dix étaient disponibles au Japon. J’en ai déjà acquis huit, et je cherche donc les deux derniers. Il y a peu, après des années de quête en vain, je suis tombé sur l’une d’entre elles, mais le vendeur me demandait 3500 livres, et c’était trop pour moi.

Grâce à cette collection, j’ai des amis partout dans le monde. Il y a deux ans, j’ai lancé un groupe Facebook pour les collectionneurs belges de figurines Star Wars vintage. Aujourd’hui, nous sommes plus de 500. Se créer des contacts, trouver les pièces, négocier, je trouve cela encore plus satisfaisant que d’avoir enfin une statuette entre les mains. La  » chasse  » et tout ce qui tourne autour me donnent envie de continuer. Ma figurine préférée ? La prochaine sur la liste.  »

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