Épure rétro

Dans le séjour avec son sol en pierre de Tournai, on retrouve, à gauche, un siège signé Eames et, à droite, un fauteuil de Poul Kjaerholm. La boîte murale en marbre, elle, est de Muller Van Severen et la table de salon - un exemplaire unique - de Pieter De Bruyne. © JAN VERLINDE

Ce pavillon des années 60 offre un écrin parfait à la collection d’art et de design de l’architecte d’intérieur Philip Simoen. Une perle architecturale, aux lignes élémentaires et baignée de lumière, qui entretient une relation privilégiée avec son jardin.

Àl’origine, cette maison fut construite à la demande d’un collectionneur d’art, dans un style pavillonnaire, très en vogue à l’époque, fait de volumes étirés et offrant une perméabilité importante avec l’espace vert environnant. Grâce aux grandes fenêtres, la frontière entre intérieur et extérieur disparaît presque ; la lumière et les lignes horizontales jouent un rôle phare tandis que le toit plat contraste franchement avec les classiques habitations couvertes de deux pans en ardoises ou tuiles. Une composition remarquable que le propriétaire actuel, Philip Simoen, continue à mettre en valeur avec ses propres objets et meubles, eux aussi issus d’une riche collection.

Le studio, avec son sol en briques, est décoré de peintures murales de Perry Roberts. La table de salon est l'oeuvre du créateur japonais Isamu Noguchi et date de 1944.
Le studio, avec son sol en briques, est décoré de peintures murales de Perry Roberts. La table de salon est l’oeuvre du créateur japonais Isamu Noguchi et date de 1944.© JAN VERLINDE

Dans les années 60, les lotissements étaient dominés par deux grands courants architecturaux. Si la majorité des constructeurs restaient fidèles à la fermette traditionnelle, quelques-uns optaient pour un modernisme à la sobriété stricte. Et c’est ainsi que naquirent ces petites villas au gabarit atypique, sous l’influence du modèle scandinave. Nombreux étaient en effet les Suédois et les Danois qui se rendaient à la campagne ou dans les bois pour passer leurs vacances d’été dans des bungalows minimalistes. Eux-mêmes s’inspiraient, pour ériger leur lieu de villégiature, des Case Study Houses américaines de Richard Neutra et Charles Eames entre autres, ces petites bâtisses à toit plat, entièrement vitrées et en lien direct avec le végétal. C’est dans cette mouvance qu’est né ce projet belge, fruit d’une réflexion du concepteur Arthur Degeyter, s’inscrivant dans cette tendance venue du Nord, tout comme nombre de ses confrères de la région côtière du Zwin à cette même période.

La cuisine et la salle à manger sont lumineuses et en lien direct avec le jardin grâce aux larges baies vitrées.
La cuisine et la salle à manger sont lumineuses et en lien direct avec le jardin grâce aux larges baies vitrées.© JAN VERLINDE

Entamé en 1962, le bâtiment, qui s’intègre parfaitement dans le paysage, fut terminé en 1973 avec l’installation d’un studio dans le jardin, qui sert aujourd’hui d’atelier à Philip Simoen.  » Plus d’un demi-siècle après sa construction, cette maison reste extrêmement moderne, constate le maître des lieux. Arthur Degeyter était en avance sur son temps. Cela se remarque dans les proportions, les jeux d’ombre et de lumière et les perspectives, mais aussi dans le dialogue avec l’environnement. Je ne m’en lasse pas. Ici, je retrouve l’influence de grandes icônes telles que Mies van der Rohe et Oscar Niemeyer qui ont imaginé des ouvrages similaires et toujours composé avec le site qui leur était proposé.  » L’architecte d’intérieur n’a d’ailleurs que sensiblement touché aux bases du projet. Les espaces originels ont été conservés et seul un carport a été ajouté, en suivant cette même logique d’horizontalité.

Ce pavillon d'Arthur Degeyter reste remarquable aujourd'hui. Sa structure minimaliste est un clin d'oeil à l'architecture des maisons de vacances scandinaves.
Ce pavillon d’Arthur Degeyter reste remarquable aujourd’hui. Sa structure minimaliste est un clin d’oeil à l’architecture des maisons de vacances scandinaves.© JAN VERLINDE

Élégance parisienne

Le pavillon est installé dans un imposant jardin, qui a été divisé en différentes zones. Des perspectives ont été créées tandis que le studio se trouve à l’abri des regards. Cet espace annexe, équipé d’un feu ouvert et dont les murs et sols sont en briques laissées apparentes, affiche un caractère très contemporain et est occupé de temps à autre. Son plafond, haut et boisé, apporte encore une touche chaleureuse au vaste séjour.

Dans le bâtiment principal, à la volumétrie plus basse, le salon et la salle à manger s’ouvrent sur la cuisine et la terrasse semi-couverte. Philip Simoen a opté pour un nouveau revêtement de sol en pierre de Tournai, comme initialement prévu par l’architecte mais jamais réalisé.  » C’est ce délicat contraste entre aspects brut et pur qui donne à l’habitation son caractère artistique « , analyse notre interlocuteur, qui a vécu à Paris pendant ses études à l’école d’art et architecture Camondo.  » Je pouvais passer des heures à flâner dans la rue Jacob, qui compte une foule de lieux exquis parmi lesquels la galerie de Madeleine Castaing, raconte-t-il. Le style bohème chic parisien me fascinait et m’inspirait. Il m’a assurément influencé.  » Et on retrouve en effet ici clairement un petit quelque chose de cette élégance à la française, classe et faussement négligé, où Le Corbusier et Charlotte Perriand voisinent le Danois Poul Kjaerholm et les frères Bouroullec.

Philip Simoen
Philip Simoen© JAN VERLINDE

En quelques mots

Installé à Jabbeke, en Flandre-Occidentale, Philip Simoen a étudié l’architecture à la Haute Ecole Saint-Luc, à Gand, et à l’Ecole Camondo, à Paris. Outre des dizaines de réalisations résidentielles et de bureaux, il est aussi connu pour ses projets horeca tels que le Zet’Joe de Geert Van Hecke, à Bruges, L’Aperovino, à Maldegem, le bistrot L’Echiquier à Knokke, ou encore la Guesthouse Cabosse, à Anvers.

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