L’empire du (presque) milieu

Isabelle Willot, Journaliste © FRÉDÉRIC RAEVENS

D’ici 2025, les clients Chinois pèseront pour près de la moitié du marché mondial du luxe et réaliseront d’ici là 50 % de leurs achats dans leur pays. Le moindre faux pas, culturel ou diplomatique, se paye cash, comme ont pu le constater, cette année, Coach, Versace et Givenchy. En cause : l’édition de tee-shirts pouvant laisser croire que Hongkong mais aussi Taïwan seraient des territoires indépendants, ce que la Chine réfute plus que jamais aujourd’hui. Les tops ont bien sûr été immédiatement retirés de la vente – Versace d’ailleurs n’en était pas à une coquille près puisque la capitale de la Belgique était rebaptisée… Brusells ( sic) sans que quiconque chez nous ne s’en émeuve -, mais cela n’a pas suffi. Malgré des excuses appuyées, les marques ont aussi perdu leurs ambassadeurs locaux, un pas de côté forcé pour ces stars obligées d’affirmer haut et fort sur les réseaux sociaux leur amour indéfectible de la patrie.

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A l’heure où de nombreuses maisons se prononcent en faveur du climat, de l’égalité homme-femme ou de la lutte contre le racisme et l’homophobie, la parole politique revendiquée par la mode s’engage pourtant avec grande parcimonie sur un terrain qui pourrait contrarier ses intérêts financiers. De là à la taxer d’opportunisme, il n’y a qu’un pas qu’une multitude d’associations dénonçant le green/pink/rainbowwashing ont déjà franchi. Le slogan militant ou le hashtag vengeur se portent mieux en démocratie, fût-elle menacée par Trump, que là où se font désormais les plus gros profits.

La récente sortie de Nicolas Ghesquière, directeur artistique de Louis Vuitton, suite à la présence du président américain lors de l’inauguration d’une nouvelle usine de la griffe au Texas, en est le parfait exemple. Posté sur Instagram, son  » refus de s’associer à toute forme d’action politique  » – soit dans ce cas particulier le décompte des emplois créés par le malletier français dans le futur bilan électoral du républicain – lui a valu l’approbation de ses pairs et le soutien tacite de son employeur qui, en se gardant bien de le désavouer, s’offre une opération win-win sur le front des pro comme des anti-Trump. Cette opposition passive sur fond de pseudoneutralité permet en tout cas à ceux et celles que cela gênerait aux entournures de se retrancher dans le silence quand il s’agit d’évoquer la répression brutale des forces prodémocratie à Hongkong. Le fait est depuis longtemps établi : même légitime, la colère populaire est rarement bonne pour les affaires…

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