L’éternelle résilience du luxe

isabelle.willot@levif.be © KAREL DUERINCKX

« Le luxe est là pour que l’on se sente vivant, pour répondre à ce désir que nous avons tous d’espérer quelque chose de mieux », nous assurait en juillet dernier Thomas du Pré de Saint Maur, flamboyant directeur des ressources créatives Parfums Beauté et Horlogerie Joaillerie de la maison Chanel, interviewé dans les pages de ce magazine. Quelle que soit l’époque, le luxe de l’un n’a jamais été celui de l’autre. Aujourd’hui plus encore, la santé et l’amour de ceux qui nous sont proches tiennent assurément lieu de socle commun. Le coeur n’est plus à la dépense insouciante, les grands noms du secteur l’ont bien senti d’ailleurs, eux qui d’ordinaire traversent toutes les crises en affichant une santé financière que l’on croyait, jusqu’ici du moins, à toute épreuve. C’est qu’ils ont tous pris cher en ce début d’année, avec des reculs de chiffres d’affaires frisant les 50%, à peine compensés par un rebond des ventes en Chine et en Amérique du Nord entre juillet et septembre.

Les marques qui n’ont pas attendu la crise pour mau0026#xEE;triser leur impact sur l’environnement ont une longueur d’avance.

Face à la crise sanitaire qui s’offre un deuxième acte dont nous nous serions bien tous passés, le milieu s’interroge, sonde ses adeptes, loin d’être tous prêts à dégainer à nouveau le portefeuille comme si de rien n’était. « La relation à l’argent a changé, inévitablement, constatait Meryam Schneider, vice-présidente d’Altiant, société spécialisée dans les études de consommation, à l’occasion du dernier Salon du Luxe de Paris, dont l’édition 2020, opportunément sous-titrée « Edition Résilience », s’est tenue entièrement online en septembre dernier. Une crise de cette ampleur, qui implique une récession qui sera probablement longue et dure, amène à réfléchir et à agir. »

L’enquête réalisée auprès des « individus à patrimoine élevé » à l’ère du Covid-19 révèle, et c’est heureux, que nombre de consommateurs se sont, à l’image des grandes maisons, investis dans des actions caritatives. Mais elle démontre aussi le souhait d’un bon tiers des clients du luxe de se tourner vers des produits confectionnés localement. Voire même de privilégier le « pre-loved luxury », autrement dit les achats qualitatifs de seconde main, « un business qui connaissait déjà une croissance quatre fois supérieure à celle du marché primaire », notait encore Meryam Schneider. « Ceux qui s’en sortiront devront intégrer l’écoconception dans leur processus créatif, plaide Eric Briones, directeur de la rédaction du Journal du Luxe. Arriver à faire du durable quelque chose de désirable et d’émotionnel. La vraie disruption, ce ne sera pas le digital, mais l’écologie. »

En ce sens, les marques qui n’ont pas attendu la crise pour maîtriser leur impact sur l’environnement auront demain une longueur d’avance. Comme le rappelle The Goodgoods, le média digital spécialisé dans la mode et le lifestyle écoresponsable, elles ont déjà tissé des liens étroits avec leurs communautés qui, plus que jamais, ont besoin d’être rassurées sur leurs achats. Le client du luxe de demain voudra non seulement savoir comment a été fabriqué ce qu’il achète mais aussi ce que l’entreprise fera de la somme, même élevée, qu’il aura accepté de payer. Le logo devenu totem d’engagement ne survivra que s’il parvient à prouver qu’il subsiste encore de bonnes raisons d’être fier de le porter.

isabelle.willot@levif.be

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