Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Aux Etats-Unis, elle connaît un succès fou. Et si l’Europe est restée à la traîne jusqu’à présent, plus personne ne doute, désormais, que la technologie hybride sera la prochaine grande révolution dans le monde de l’automobile. Explications.

Le pari de la Toyota Prius ? Grâce à son ingénieux système Hybrid Synergy Drive, arriver à concilier les performances d’une puissante berline avec la sobre consommation d’une petite citadine.

Lorsqu’en 2000, le constructeur japonais a lancé ce modèle aux Etats-Unis, nombreux étaient ceux qui prédisaient un flop retentissant. Ils y voyaient là comme un délire très nippon de proposer une voiture économe à la pompe dans un pays ayant toujours fait fi du prix du carburant. Cinq ans plus tard, on en rit beaucoup moins. Le groupe Toyota est en passe de ravir au très américain General Motors la place de premier constructeur automobile au monde… et ses véhicules hybrides ont ouvert une véritable brèche dans le marché. En un lustre, ce sont près de 900.000 voitures de ce type qui ont été acquises au pays de l’oncle Sam alors que Toyota, pour sa part, multipliait ses ventes par dix.

Le principe sur lequel repose une voiture hybride est des plus simples. Il s’agit de combiner un moteur thermique à essence avec un moteur électrique. Si le concept n’est pas neuf – de tels modèles existaient déjà dans la première moitié du xxe siècle – Toyota l’a hissé à un niveau de technologie supérieur. Aujourd’hui, même Ford et DaimlerChrysler se sont lancés dans l’aventure en proposant leur vision de la motorisation hybride. Une entrée dans ce nouveau segment qui s’effectue souvent en rachetant des licences à Toyota qui a, en la matière, pris une avance considérable sur ses concurrents. Pour rappel, le constructeur japonais a lancé sur son marché son premier modèle hybride en 1997.

Pour ajouter au phénomène, certaines des stars parmi les plus en vue de l’industrie de cinéma se sont pris de passion pour cette nouvelle technologie. Leonardo DiCaprio, Julia Roberts et Cameron Diaz, pour n’en citer que quelques-uns, roulent, en effet, en Prius et se font un plaisir de le faire savoir. L’engouement s’en voit ainsi décuplé : rien de plus tendance, en effet, que de rouler dans un véhicule hybride qui garantit à son propriétaire un statut social valorisant lié à une réflexion sur les problèmes environnementaux. Les professionnels – au Japon, aux Etats-Unis ou encore en Europe -, ont eux aussi ajouté au crédit de la Prius en attribuant, une série de prix dont le fameux  » Car of The Year 2005  » attribué à l’unanimité par 58 journalistes spécialisés issus de 22 pays différents.

Une technologie époustouflante

A l’origine de cette innovation, les ingénieurs de Toyota se sont ralliés à une seule et même constatation : les moteurs traditionnels sont davantage conçus pour une conduite à puissance maximale plutôt qu’à puissance moyenne. En revanche, la puissance moyenne est utilisée au quotidien par la plupart des automobilistes en site urbain. Or, d’après des études très sérieuses, la grande majorité des conducteurs utilisent leur moteur à sa puissance optimale (et donc moins énergétivore) durant moins d’1 % seulement du temps de conduite.  » La technologie hybride mise au point par Toyota, souligne Eric Janssen, le General Manager Public Relations et Corporate Affairs de Toyota Belgique, a pour ambition de gérer ce hiatus entre besoin du véhicule et consommation de carburant à bon escient. Pour ce faire, Toyota a couplé un moteur électrique à un moteur thermique dans la perspective d’augmenter le rendement énergétique tout en faisant baisser la consommation. Sans que cela présente la moindre difficulté pour un conducteur, les deux moteurs travaillent en parfaite symbiose via l’intervention d’une gestion centrale par ordinateur. Le souci d’épargner de l’énergie est constamment dans  » l’esprit  » du système central. Il propose la meilleure configuration possible en harmonie avec les différentes phases de la conduite. Ainsi, à moins de 50 km/h, c’est le moteur électrique alimenté par une batterie qui prend le véhicule en charge. Lors d’un dépassement, les deux moteurs s’épaulent pour une accélération linéaire digne d’une voiture classique. Même le freinage et la conduite dite  » en roue libre  » participent de l’économie d’énergie. Lors de ces phases, l’énergie cinétique produite par la voiture est récupérée pour charger la batterie du moteur électrique. La boucle énergétique est ainsi bouclée. Une telle optimisation possède un vrai impact : pour la Prius, la consommation moyenne flirte à peine avec les 5 litres au 100 km et l’on effectue sans peine 1 000 km avec un seul plein d’essence.  »

La technologie déployée se fait sans aucune intervention du conducteur. On consomme moins sans rien sacrifier à son confort de conduite. Ensuite, parce qu’avec une boîte automatique de vitesse à la façon d’un joystick et un écran permettant de suivre la gestion de l’énergie, la Prius s’affiche en phase avec son époque. Mais là où la voiture est la plus remarquable, c’est dans sa capacité à induire un nouveau comportement automobile. Cette voiture signe la fin de l’auto macho. Tout en souplesse et en silence, elle invite à prendre la route de façon conscientisée. Animé par la certitude de moins polluer, le conducteur se prévaut d’une certaine supériorité morale qui rompt avec des anciens impératifs de vitesse et de puissance ressentis pour le coup comme dépassés.

A l’heure où la question des réserves pétrolières et celle du réchauffement de la planète sont jugées cruciales, le système hybride apparaît comme la solution la plus crédible. Du moins, tant que les moteurs à hydrogène n’auront pas dépassé le stade de la recherche et du développement. Certains affirment d’ailleurs que la technologie hybride ne sera pas qu’une simple transition et qu’elle gardera longtemps toute sa pertinence. Elle pourrait, par exemple, devenir un système hybride reposant à la fois sur un moteur électrique et un autre à piles à combustible.

En Europe, jusqu’à présent, l’hybride a fait une entrée plutôt discrète sur le marché à l’image de la Belgique où seuls trois modèles sont disponibles : la Toyota Prius, la Lexus RH 400 X et l’Honda Civic IMA. Les spécialistes s’attendent pourtant à voir cette configuration se modifier. Ils prévoient sans conteste l’explosion du marché dans les années à venir. Et cela, même si les automobilistes européens se sont plutôt dirigés jusqu’ici vers les modèles diesel qui, à catégorie égale, s’affichent moins cher à l’achat que les modèles hybrides faisant valoir une technologie plus complexe. Pourtant, avec la montée croissante des prix pétroliers, le diesel pourrait finir par perdre son attrait. D’autant plus que ce carburant traîne derrière lui une réputation de nocivité pour l’environnement. Les systèmes hybrides, eux, ne rejettent pas d’oxyde d’azote.

Un autre facteur entre progressivement en ligne de compte : les décisions politiques. Sous la prégnance des questions d’environnement, on peut s’attendre à voir les différents gouvernements encourager l’achat des véhicules hybrides au détriment des motorisations diesel. A l’heure actuelle, le gouvernement belge permet une déduction de 15 % du montant de la Toyota Prius – avec un plafond de 4 532 euros – dans la mesure où cette voiture qui s’affiche à partir de 25.400 euros est la seule à réduire ses émissions de CO2 à moins de 105 grammes/km (catégorie environnementale Euro IV).

Il y a fort à parier qu’un autre élément encore va jouer en faveur du système hybride : la multiplication des modèles. Si la gamme est plutôt réduite en Belgique, elle va prochainement se développer en s’étendant jusqu’aux monospaces chez Toyota Belgique. Lexus a déjà montré le chemin en redorant le blason des véhicules SUV, ces gros 4 X 4 qui ne font pas l’unanimité en matière d’environnement.  » Avec le modèle RH 400 X (à partir de 58.000 euros), dont 450 modèles ont été vendus en 2005 en Belgique, s’enthousiasme Eric Janssen, la marque propose un 4 X 4 dont la consommation est réduite à 8,1 litres/100 km alors que des modèles comme la BMW X5 ou la Mercedes M affichent 13 litres…  » Mais piqués au vif, il semblerait que les ingénieurs de Porsche, Audi ou encore BMW préparent des versions hybrides de, respectivement, la Cayenne, la Q7, ou encore la X5.

Michel Verlinden

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