Depuis bientôt deux siècles, le hameau de Herstmonceux fait le bonheur de tous les amateurs de corbeilles fleuries. C’est en effet dans ce petit village anglais que Thomas Smith a créé le fameux  » Sussex Trug « , le panier de jardin qui a réussi à séduire la reine Victoria.

Depuis son invention au début du XIXe siècle, le  » Sussex Trug  » a fait le tour du monde et a toujours conservé la forme elliptique que lui avait donné Thomas Smith, son père spirituel. Cette appellation à la consonance étrange est en fait une altération du terme anglais  » trog « , qui signifie  » en forme de bateau « . Ce sont en effet les formes légèrement arquées des coques de canots en bois qui ont inspiré Thomas Smith lors de la création de sa corbeille.

Ce panier mettra cependant longtemps à être apprécié à sa juste valeur. Le  » Sussex Trug  » ne connaît le succès qu’à partir de 1851, lorsque la reine Victoria remarque le stand de Thomas Smith à la Grande Exposition du Crystal Palace dans Hyde Park à Londres, lors de la visite inaugurale. Séduite par la forme et la facture de ces paniers, elle en commande une petite série afin de les offrir à quelques membres de la famille royale. Rentré dans son Sussex natal, Thomas Smith se met à l’ouvrage et décide même d’enluminer ces présents en vue d’en faire des exemplaires uniques. On raconte même qu’il ne laissa à personne le soin de livrer la commande et qu’il parcourut les 60 miles séparant Herstmonceux de Buckingham Palace en tirant une charrette à bras, accompagné par son frère.

Un siècle et demi plus tard, beaucoup de choses ont changé à Herstmonceux. Mais, par beau temps, sur la pelouse voisine de l’entreprise, un vieil homme du village démontre toujours son savoir-faire. Entouré de longs copeaux de bois, il donne l’épaisseur souhaitée aux branches de châtaignier qui constituent le squelette de chacun de ces paniers traditionnels. Ce premier façonnage est suivi d’autres étapes destinées à préparer la branche grossière à être galbée. Pour ce faire, la tige de châtaignier est préalablement ramollie dans un bain de vapeur. Une fois assouplie, la branche se laisse alors appliquer sur un des gabarits de la gamme Thomas Smith.

Pour achever le panier, il suffit de clouer les planchettes humidifiées et débitées dans le bois de saule dont on fait les battes de cricket. Pour une finition impeccable, on les fixe à l’aide de superbes clous à tête en cuivre. Bien entretenue, une telle corbeille a une espérance de vie de cinquante à soixante ans, comme autrefois.

Modernité et rentabilité obligent, un second atelier est venu se greffer à l’arrière du Thomas Smith’s Trug Shop. On y réalise des paniers de forme identique, les  » South Down « . Cependant, la technique et les matériaux utilisés pour les fabriquer sont différents afin de réduire le prix de vente. La charpente est réalisée en contreplaqué de bouleau, soigneusement poncé et encollé pour garantir une bonne longévité.

La demi-douzaine d’ouvriers qui s’activent ici sont les derniers à perpétuer l’art de Thomas Smith. En effet, tous les fabricants de trugs qui exerçaient leur profession dans le sud de l’Angleterre, du Kent au Somerset, ont aujourd’hui disparu, à l’exception de celui d’Herstmonceux, sauvé du naufrage par Sue et Robin Tuppen, les propriétaires actuels. En leur achetant un trug, c’est un peu d’histoire que vous emporterez dans vos bagages…

Texte et photos : Jean-Pierre Gabriel

Carnet d’adresses en page 117.

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