Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

Plus qu’une île, Madagascar est un véritable continent. Cette terre, mélange d’Asie et d’Afrique, cultive la diversité : lagons turquoise, forêts tropicales, rizières tendres… Weekend/Le Vif L’Express vous emmène découvrir le nord méconnu de l’île Rouge. Embarquement pour Diégo-Suarez au cour de l’une des plus belles baies du monde.

Une délicate empreinte de pied posée sur l’océan Indien. Voilà à quoi peut faire songer Madagascar vue du ciel. Un pied gauche situé à quelques encablures du continent africain. Si l’on poursuit l’analogie, Diégo-Suarez serait située à l’extrême pointe du gros orteil. Une situation optimale donnant l’impression d’embrasser le large. Un coin de paradis, tel une fenêtre sur l’eau, inondé de soleil et bercé par les alizés.

En ville, à l’abri de la chaleur, dans un bar où le ventilateur s’épuise, les comparaisons abondent pour tenter de retrouver ses marques. On songe à La Havane pour le charme désuet et une certaine architecture coloniale livrée à elle-même. On pense à l’Afrique pour le sourire et l’art de vivre lentement sous le soleil. Quand on regarde la mer, c’est inlassablement Rio de Janeiro qui revient en mémoire. A raison. Après la cité mythique du Brésil, Diégo-Suarez possède la plus grande baie du monde. Une sorte de lac salé gigantesque offrant un panorama qui s’étend sur plus de 150 kilomètres de côtes échancrées. Le tout relié à l’océan par un étroit passage redouté des marins. La ressemblance avec Rio ne s’arrête pas là : Diégo s’enorgueillit également d’un Pain de Sucre, Nosy Longo, posé dans la baie. Ce rocher arrondi à son sommet est considéré aujourd’hui encore comme un lieu sacro-saint par les Malgaches.

De tout temps, la situation et la beauté de Diégo û dont le nom malgache est Antsiranana û ont symbolisé un rêve de liberté inatteignable. Découverte par deux navigateurs portugais, Diego Diaz et Hernan Suarez, la ville est longtemps passée pour un eldorado des confins. Plus tard, la légende veut que Misson, un navigateur français, et Caraccioli, un dominicain défroqué, tentèrent d’y fonder un état libre, Libertalia. Cette république utopique se voulait ouverte à tous. L’idée de base étant que tout le monde y jouirait des mêmes droits.

Aujourd’hui, les choses n’ont pas tellement changé. Nombre d’Occidentaux s’installent encore à Diégo pour goûter aux fruits de cet éden préservé. Ils sont séduits par la douceur de la rue Colbert où les odeurs des échoppes témoignent de l’influence indienne. Le zoma, le marché, est un autre lieu phare de cette douceur de vivre. Son ambiance bruyante et odorante rappelle celle d’autres marchés tropicaux. Des femmes au teint doré interpellent pour vendre poissons et poulpes séchés, d’autres étalent leurs fruits et leurs légumes alors qu’une nuée d’enfants proposent, en zigzaguant entre les adultes, de délicieuses friandises de noix de coco caramélisée. Partout, des entassements de bassines colorées se mêlent à la vente de paniers tressés de mauve, de jaune ou de vert. Dans la liste des plaisirs incontournables de cette cité, il ne faut pas oublier la très évocatrice mer d’Emeraude, un magnifique lagon situé à gauche de la passe. Là, l’eau n’a pas de couleur. Elle est aigue-marine comme le ciel, dorée quand elle roule sur le sable, transparente lorsqu’on essaie de l’apprivoiser avec les mains.

Un dépaysement par le vert

Le charme de Diégo ne se limite pas à son littoral. Depuis peu, sous l’effet de la montée en puissance de l’écotourisme, la région s’ouvre aussi à la découverte nature. A proximité de la ville, un très beau parc national, celui de la Montagne d’Ambre, comble cette nouvelle demande. Olivier Toboul, un Français impliqué dans le tourisme malgache, a profité de cet essor pour mettre sur pied un lodge à l’esprit 100 % nature. Adéquatement titré  » Nature Lodge « , cet hébergement situé aux portes du parc national est une halte parfaite avant d’entreprendre une expédition. Judicieusement implanté sur les hauteurs, ce lodge tout en bois permet au regard de porter d’un côté jusqu’au canal du Mozambique et de l’autre jusqu’à l’océan Indien. Plutôt audacieux, le pari d’Olivier Toboul est néanmoins réaliste. Il explique :  » Madagascar est un pays avec un potentiel inouï. Jusqu’ici, cela n’a pas vraiment pris en raison d’une situation politique instable et d’un transport aérien peu attractif. Le premier point est résolu, le second le sera tôt au tard. Une fois l’aérien normalisé, Madagascar va exploser. A nous de nous y préparer. Quand on connaît la valeur et la fragilité du patrimoine naturel exceptionnel de cette île, il est impératif de jeter dès aujourd’hui les bases d’un tourisme respectueux de ces richesses.  »

Un trekking dans le parc s’impose. La forêt se répartit tout autour de la Montagne d’Ambre qui culmine à 1 475 mètres. A la façon d’une oasis luxuriante, elle se dresse en plein milieu d’une région de savane sèche. Avec son taux annuel de 3 585 mm de pluie par an, cet écosystème offre toute la biodiversité d’une forêt pluviale recouverte d’un épais manteau vert. La beauté sauvage de ses paysages s’étend sur près de 18 000 hectares de végétation dans laquelle se dessine de longs fleuves reliant plusieurs lacs : le lac Maudit, le lac Texier, le lac Fantany et le Grand Lac. En raison de la nature volcanique de ce massif basaltique, torrents et cascadent jaillissent un peu partout. Ceci ajoutant une aura mystérieuse à ces paysages brumeux.

Un des atouts majeurs du parc national de la Montagne d’Ambre réside dans sa faune. En plus d’une série impressionnante d’oiseaux, d’amphibiens et de reptiles, cette forêt est l’habitat du plus improbable des animaux, l’aye-aye. Avec ses oreilles immenses, ses poils noirs et hirsutes, ses yeux globuleux et sa queue touffue, il ne ressemble à aucun autre lémurien. Craint par les Malgaches, la superstition veut que le troisième doigt qu’il possède long et fin lui serve à désigner celui qui va mourir. Pour le voyageur, apercevoir un aye-aye est un privilège. On l’a cru longtemps disparu. Il fut redécouvert en 1956. C’est un spectacle unique que de pouvoir en observer un spécimen se livrer à son passe-temps favori : la recherche de larves d’insectes qu’il déniche, grâce à son doigt démesuré, sous l’écorce des arbres.

Extensions plage

Le nord de Madagascar réserve d’autres bonnes surprises. On peut, si on le désire, tirer un bord à l’ouest, du côté de Nosy Be où il est possible de trouver des coins peu touristiques. L’un des bons plans, version soleil et plage, est assurément Tsarabanjina. Il s’agit d’une île privée située au large de Nosy-Be. Cet îlot de 22 hectares est au c£ur de l’archipel des Mitsio, un groupe de petites terres perdues en mer dont une seule est peuplée. Latitude 13°01′ Sud û longitude 48°32′ Est sont ses seules coordonnées. Au départ, cerise sur le gâteau, on n’y accédait qu’en hydravion. Pour des raisons de sécurité, aujourd’hui on s’y rend en bateau après une traversée longue d’une heure trente.

L’histoire de Tsarabanjina est passionnante. L’initiateur du concept est Richard Walker, un Sud-Africain dont l’école de plongée a prospéré dans les années 1980 aux Maldives, sur l’île mythique û pour les plongeurs du moins û de Rihiveli. Souhaitant investir ailleurs dans l’océan Indien, Walker a trouvé Tsarabanjina le dernier jour de sa prospection. Flairant la bonne affaire, après plusieurs péripéties, il s’est associé à un investisseur français pour consolider le projet. L’infrastructure est légère, 18 bungalows au total, face à la mer et répartis sur deux plages. L’intégration est complète pour ces maisonnettes en bois du pays surmonté d’un toit en feuilles de ravinala. Tsarabanjina offre un panorama très marqué  » océan Indien « , on pourrait être ici aux Seychelles ou aux Maldives. Cette extension n’en est pas moins tentante û particulièrement pour les fans de plongée et de pêche au gros û qui a déjà séduit des voyageurs prestigieux tel que Thierry Ardisson, Serge July, Edwy Plenel, Bernard Kouchner et Christine Ockrent, Joanna Lumley (Absolutely Fabulous et  » Purdey  » dans Chapeau Melon et Bottes de Cuir)…

L’autre destination à découvrir est celle-là plus exclusive. Anjajavy est un hôtel étonnant ouvert sur le canal du Mozambique, au nord-ouest de Madagascar. Cette perle vient d’être nommée premier  » Relais & Château  » de l’île. Isolé, cet hôtel pas comme les autres l’est définitivement : on se trouve ici à sept jours de marche de Majunga, la ville la plus proche. Pas la peine de chercher la route, il n’y en a pas, seule une piste défoncée rattache cette presqu’île bordée de mangroves au reste de Madagascar. L’établissement se situe en plein c£ur du territoire Sakalava du Menabe, soit une partie du pays restée totalement intacte et devenue réserve naturelle. Dans ce coin de pays laissé en friche, il n’y a que deux villages û Ambondro Ampassy et l’éponyme Anjajavy û pour témoigner d’une activité humaine minimale. Pour amener les voyageurs à Anjajavy, il a fallu créer une compagnie aérienne, Air Hotel, qui fait la navette entre Anjajavy et Antananarivo. Deux avions de sept places font le transfert environ trois fois par semaine en se posant sur la piste en terre battue de l’hôtel souvent squattée par les zébus. Le tout pour un acheminement royal qui donne une grosse impression de privilège au voyageur. Le ton est donné avec cet aéroport improvisé : à son instar, il a fallu tout créer ex nihilo.

L’inspecteur  » Relais & Château  » n’a eu aucun mal à faire entrer Anjajvy dans la prestigieuse appellation tant les moindres détails ont été soignés. D’abord, l’environnement. Il est remarquable : il s’agit d’une réserve naturelle qui condense les différentes richesses de l’île en matière de faune et de flore. On y trouve tant la mangrove que les fameux lémuriens et plus de 1800 espèces végétales, pour la plupart endémique. L’archi-tecture a été, elle aussi, soignée. Vingt-cinq villas situées face à la mer sont réparties autour du bâtiment central. Elles ont été bâties avec deux matériaux locaux, soit une structure intégralement en bois de palissandre qu’orne une couverture de satrana. Côté style, on est dans une approche épurée à mi-chemin entre des contours balinais et des lignes européennes.

Rayon loisirs, Anjajavy déploie un attirail de séductions impressionnant au-delà des plages de sable blanc face à l’océan Indien. Birdwatching û observation des oiseaux û , pêche à la petite traîne, ski nautique, rien ne manque au plaisir. Pour ceux qui sont tentés par les formules bien-être, la table de massage se trouve sur la plage. Mais c’est bien ailleurs, dans ce véritable isolement, que se trouve la véritable force d’Anjajavy. Une vraie solitude qui garantit un vrai dépaysement. Jean-Marie Gras, le gérant, l’a bien compris. Il dépose ses hôtes qui veulent jouer les Robinson plusieurs heures dans des criques désertes. Ils peuvent même y pêcher leur repas de midi. Enfin, Anjajavy a adopté sa propre heure û soit une heure de plus que celle de Madagascar û afin de faire profiter les visiteurs des bienfaits du soleil plus longuement dans la journée.

Michel Verlinden

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