Où est l’Arlésienne qui a crié  » olé !  » au premier défilé haute couture de Christian Lacroix ? Pendant plus de vingt ans, elle sera le personnage principal de ses défilés.

Le 1er avril 1987, un trentenaire un peu chauve aux oreilles décollées (qu’il ne changerait pourtant pour rien au monde, la force de l’habitude) s’installe dans l’immeuble du 73, rue du Faubourg-Saint-Honoré, à Paris. Il n’est pas seul, il s’est entouré de gens qui lui évoquent un univers couture qu’il a fantasmé toute son enfance – Madame Janine, qui a commencé chez Jacques Fath en 1943, Monsieur Mario qui a débuté chez Christian Dior. Il lui reste exactement trois mois pour dessiner, patronner, couper, coudre, broder sa première collection haute couture. En guise de thème, il dévide le fil – ce sera Arles, sa ville natale, ses grands-parents, la corrida, les santons, la feria. Le jour J, en ce début du mois de juillet, il est plutôt calme et le public enthousiaste devant sa collection autoportrait financée par Bernard Arnault et LVMH. A chaque passage, on crie  » olé ! « , le mythe Christian Lacroix est né. Lui qui a vu le jour sous le signe du Taureau, ce n’est pas rien d’être sanguin, c’était en 1951, déboule sur la scène mode avec cet univers solaire et arlésien qu’il finira par détester, plus tard quand il se sera rendu compte qu’il a laissé le style Lacroix se  » kitschiser  » à son insu, trop tard hélas. Mais on n’en est pas encore là. Il lui faudra d’abord écrire quelques belles pages emplies de dentelles, de croix, de robes de mariée, de références (il se voyait conservateur de musée, son mémoire portait sur  » la couleur dans le costume de la peinture du XVIIe siècle « ), de Carmen fantasmées, de gravures saintes et de crépuscules camarguais. Toucher à tout aussi, rhabiller le TGV Méditerranée, les hôtesses d’Air France, quelques opéras, Phèdre et Cyrano, Madonna, d’autres trains, les collections Pucci, 3 Suisses, La Redoute et même Les Rencontres d’Arles. Et puis quitter la scène, en juillet 2009, avec un défilé haute couture quintessence qui fichera des frissons à tous ceux qui auront la chance d’en être. C’est qu’avec onze PDG en vingt-deux ans d’existence et des pertes cumulées de 150 millions d’euros depuis sa création, le pronostic vital sera forcément engagé, la maison au bord du gouffre. Mais pas Christian Lacroix, parfait en phoenix designer scénographe que l’on retrouvera à la tête de la création de la Monnaie de Paris et en relookeur de la bouteille de bière 1664 ou de l’hôtel So de Bangkok. C’est la vie.

ANNE-FRANÇOISE MOYSON

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