Il fait partie de cette génération d’humoristes belges qui percent à l’international avec un sens de l’humour teinté de cynisme et de dérision noir-jaune-rouge. Ses racines congolaises ?  » Ça me rajoute quelque chose « , rétorque-t-il. On confirme.

Quand il entre au Jat’ Café, le snack branché où il nous a donné rendez-vous, à quelques centaines de mètres du quartier Matonge, repaire des Congolais de notre capitale, le patron l’accueille d’un chaleureux  » Bonjour Kody !  » C’est que depuis qu’il est bébé, tout le monde l’appelle ainsi, même ses parents, bien que sur sa carte d’identité figure le patronyme  » Seti « …  » Au Congo, dans notre génération, on a souvent un prénom officiel et un officieux « , décode-t-il, sourire aux lèvres. Fils d’ambassadeur, l’humoriste est né à Bruxelles, a passé quelque temps aux Pays-Bas, est revenu à Rhode-Saint-Genèse, a fait sa scolarité à Braine-l’Alleud… mais est toujours resté attaché à ses racines.  » Je me renseigne, je lis pour en savoir plus sur la culture et l’actualité de ce pays. Je regrette de ne rien avoir appris à l’école là-dessus. Nos deux nations ont une histoire commune ; une colonie, ce n’est pas rien… Pourtant, ici, on ne nous enseigne pas une ligne sur le sujet « , relève-t-il avant de partir dans un de ces petits rires communicatifs dont il ponctue régulièrement son discours, le rendant plus touchant. Le Bruxellois a découvert gamin que l’humour pouvait fédérer.  » En classe, j’avais remarqué que mes blagues n’étaient pas mauvaises mais j’étais tellement timide que je préférais les souffler à mes camarades… Un jour, le titulaire est entré et s’est écrié :  » Qu’est-ce que c’est que ce bordel, on dirait un cirque !  » J’ai proposé à un copain de répliquer :  » Alors, nous sommes les spectateurs…  » Il s’est fait virer !  »

Aujourd’hui, le trentenaire affiche un aplomb tout autre et assume seul sur scène ses vannes, baladant le public entre épisodes de la vie quotidienne ou professionnelle et allusions à ses origines. Un savoureux mélange qu’il distille dans son stand-up, A vendre(*).  » Je pars du principe que quand on est artiste, on est obligé de se vendre, explique-t-il pour justifier ce titre. Mais en même temps, on refuse d’être une marchandise. Il y a une vraie ambiguïté…  »

Comment est née cette envie de monter sur scène ?

Lorsque j’étais au collège Cardinal Mercier, à Braine l’Alleud, je suivais un cours d’art d’expression. J’étais très réservé et je me suis rendu compte que cette activité m’aidait à m’extérioriser. Plus tard, j’ai étudié les sciences-po deux ans à Louvain-la-Neuve, puis je suis entré à l’Ephec, pour suivre un cursus en commerce extérieur. Durant cette période universitaire, je faisais chaque année la revue et j’appréciais beaucoup d’écrire le spectacle, puis de jouer dedans. J’ai également fait de la figuration, notamment dans le téléfilm Le bébé d’Elsa. J’avais une seule réplique –  » On a réussi !  » -, je m’en souviens encore… Une fois diplômé, j’ai travaillé dans l’immobilier, dans le marketing, puis un jour, je me suis dit qu’il était temps de faire ce que j’aimais vraiment !

Les débuts ont été difficiles ?

J’ai commencé par enregistrer de petites capsules bricolées sur cassette, avec des potes, et à les montrer à droite, à gauche. Le hasard des rencontres m’a amené au Kings of Comedy Club, qui lance de jeunes humoristes, à Bruxelles. Ensuite, j’ai fait des premières parties et, en 2009, j’ai réalisé mon premier vrai spectacle, qui a tourné en Belgique et dans une petite salle parisienne, le Point-Virgule. En parallèle, j’ai commencé à travailler en radio pour LesEnfants de choeur, le dimanche matin sur Vivacité – et en télévision – dans Le Belge comme Eddy show, et désormais dans Le Grand Cactus, avec Jérôme de Warzée. L’équipe se connaît bien, c’est une véritable récréation à chaque fois !

Radio, télé, stand-up… Que préférez-vous ?

Jouer la comédie, quel que soit l’endroit ! J’apparais d’ailleurs dans quelques longs-métrages, comme Le tout nouveau testament de Jaco Van Dormael. Le cinéma, c’est ce qui me faisait vraiment vibrer étant petit et je trouve toujours génial de voir comment on peut transmettre les détails d’un récit avec des musiques, des plans variés…

Pour en venir à vos origines, gardez-vous des liens avec ce pays où vous n’avez finalement pas vraiment vécu ?

J’ai la chance d’être ambassadeur du festival du rire Toseka, qui a eu lieu à Kinshasa, et dans ce cadre, j’y ai coaché un groupe de jeunes humoristes, l’été dernier. J’ai fait quatre aller-retour pour préparer tout cela.

L’humour est un genre qui a du succès là-bas ?

Il y a une tradition télévisée qui s’appelle  » le théâtre de chez nous  » ; c’est une sorte de sitcom qui plaît surtout à l’ancienne génération. Maintenant, avec le développement des technologies, les jeunes ont accès à autre chose et à ce qui se fait en Europe. Ils regardent Gad Elmaleh, Jamel… et ça fait naître des envies. Pour eux, la perspective de vivre de ça n’est certes pas évidente, il y a peu de structures pour les aider à se lancer, mais des artistes émergent néanmoins. J’ai partagé des choses très fortes pendant ce festival et j’ai donné de l’espoir à des gens qui rêvent de faire le même métier que moi. Je leur ai montré que ça pouvait être un vrai job. Et je leur ai démontré qu’ils avaient de chouettes histoires à raconter et que leur message pouvait atteindre un public, en France, en Belgique, ou même dans le reste de l’Afrique. Un des participants a pu aller ensuite au festival du rire de Marrakech. On a essayé de les faire venir ici mais ils n’ont pas eu leur visa…

Peut-on rire de tout à Kinshasa ?

C’est vrai qu’il y a certains sujets à éviter pour ne pas passer quelques jours à l’ombre. Mais en réalité, c’est la même chose partout : on peut rire de tout mais ça dépend avec qui. Si je fais un sketch devant le Ku Klux Klan aux Etats-Unis, ils se marreront, mais je pense que ce sera plus de moi qu’avec moi…

Chez nous, avez-vous beaucoup de contact avec la communauté congolaise ?

Je vais manger et me faire couper les cheveux à Matonge. J’apprécie aussi beaucoup d’aller écouter un concert de rumba chez Inzia, un restaurant sympa près de la place Saint-Boniface (lire par ailleurs). J’adore cette musique, dont on a perdu récemment un immense représentant avec le décès de Papa Wemba. Cet établissement, qui a une antenne à Kinshasa et aide en parallèle les gosses en matière de formation et de réinsertion, est un vrai lieu de multiculturalité car il est ouvert à la diversité tout en servant moambe et saka-saka. Cela dit, je constate que malgré ce quartier, la nouvelle génération ressent le besoin de se souder encore davantage. On ne sait pas ce que font les autres… Lors de la remise du Soulier d’ébène, qui récompense les meilleurs footballeurs africains, j’ai fait une performance et je me suis rendu compte que de nombreux Congolais de Belgique ne me connaissaient pas. Et pourtant, je participe régulièrement à des événements, comme le salon Ethno Tendance qui est très sympa. Tout cela est important pour moi, ça fait partie de moi.

Est-ce que vos origines ont parfois été un obstacle ?

Je crois que les gens sont tellement à l’aise face à un humoriste qu’ils en oublient la couleur. Un jour, un spectateur m’a balancé une vanne atroce sur les  » nègres « … Je pense qu’il ne s’en est même pas rendu compte ! Personnellement, je dis :  » Peu importe le drapeau !  » Je suis Belge d’origine congolaise, ce qui veut dire que j’ai les même références que les gens qui habitent ici et sont de ma génération ; mais que j’en ai aussi d’autres. Ça me rajoute quelque chose. Et j’en joue… mais pas exclusivement. Je prends également beaucoup de plaisir à prendre le contre-pied de tout ça. Dans Le Grand Cactus, j’ai la chance de pouvoir incarner des personnages aux antipodes du mien : Mylène Farmer, Claire Chazal… Je ne pourrais certainement pas tenir ce rôle dans une fresque historique, alors j’en profite !

(*) Dates à venir sur www.facebook.com/kody.officiel/

PAR FANNY BOUVRY

 » JOUER LA COMÉDIE, QUEL QUE SOIT L’ENDROIT! « 

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