L’épreuve du maillot de bain vous donne des sueurs froides ? Et si le secret des vacances réussies était le lâcher prise… immédiat.

Avouez-le : en découvrant le maillot rétro et la culotte haute présentés dans les magazines comme le top de la tendance cet été, vous avez jubilé. Du moins, si vous êtes une femme. Parce que cette mode balnéaire  » petit bedon friendly  » vous a permis d’amoindrir le stress lié à l’épreuve du maillot de bain. Pourtant, chaque année, c’est le même cinéma : ceux et celles qui ont abusé des plats réconfortants le regrettent amèrement, et pestent devant leur carte d’abonnement à la salle fitness trop rapidement désertée. Mais pourquoi ce gentil bourrelet, toléré en hiver, devient-il insupportable à l’approche de l’été ? Comment peut-il vous rendre aussi (biffer les mentions inutiles) désespéré/triste/honteux ? Rassurez-vous, vous n’êtes pas seul(e) dans le cas. Si certains focalisent sur leur ventre trop moelleux, d’autres font une fixette sur leurs bras flasques, leurs genoux cagneux, leur peau blanche ou flétrie… Trop ou pas assez, les complexes sont divers et variés. Mais tous émergent à l’heure de la baignade. Parce que ce dévoilement intime, cette quasi-nudité, cette transparence sur nos petites disgrâces fait paniquer la majorité d’entre nous.

 » Le problème de la plage ? La cruauté ! explique le sociologue Jean-Claude Kaufmann. Le regard qui s’y exerce est plus dur que dans la vie de tous les jours. Nous évoluons habituellement dans une logique favorable : si l’on fait attention à ce que l’on porte ou si l’on se maquille, c’est pour se positiver soi-même, grâce à des compliments ou un coup d’£il que l’on pense approbateur. Mais sur la plage, pour beaucoup, c’est plus difficile parce qu’il y a cette mise à nu… et ce jugement souvent très autocritique par rapport à son propre corps.  » Notamment pour le moindre petit kilo en trop. Raison pour laquelle certains vont jusqu’à s’interdire les plaisirs balnéaires. Que ce soit en évitant la plage ou en restant… habillé.

C’est le cas de Dominique qui a pourtant perdu 20 kilos et a aujourd’hui une taille 38-40 (soit pile dans la moyenne belge) :  » Je ne me mets jamais en maillot. Je suis trop complexée, le déclic ne se fait pas dans ma tête. C’est parfaitement ridicule et cela me pourrit la vie, puisque je ne profite jamais de la piscine. On a beau me dire d’oser, qu’on ne m’observera pas, ou qu’il y a pire que moi… Impossible, je bloque complètement ! L’envie est là, mais la peur est trop forte. En fait, je rêve de vacances dans un club d’obèses américaines pour être enfin la plus mince… « 

COQUILLAGES ET SIMPLICITÉ

De fait, pour se soustraire à la pression visuelle de la plage, il suffit d’être dans la  » norme  » : ni trop beau, ni trop gros. Malheureusement, les canons esthétiques de notre société sont de plus en plus stricts : la minceur est devenue extrême, le jeunisme totalitaire et le bronzage une religion partagée. Le fameux regard de la plage, pointé par le sociologue, instaure aussi ses règles, ses codes, ses limites.  » J’ai découvert, l’année dernière, en analysant un sondage, que de nombreuses femmes portaient un maillot une-pièce, non pas pour une raison de mode ou de tendance, mais parce qu’elles se sentaient un peu plus protégées… de ce soupçon de critique « , confie Jean-Claude Kaufmann. Une vision pesante qui ne disparaîtra probablement jamais, parce qu’elle est étroitement liée à la construction de l’estime de soi.

 » L’estime de soi se forge toujours sous le regard des autres, souligne Jean-Claude Kaufmann. On se construit une image positive en mettant des mauvais points aux autres ! Nous sommes sans cesse dans un jeu de compétition, de comparaison, de notation mutuelle pour se positiver soi-même. Sur la plage, c’est absolument terrible, puisque c’est sur l’apparence physique que cela se joue.  » Et les plus sévères, ce sont les femmes.  » Elles se permettent d’examiner les autres plus longtemps que les hommes, parce qu’il y a souvent un effet miroir, embraie le sociologue. Il existe toutefois deux catégories de femme : celles qui recherchent le beau pour grappiller de bonnes idées, et les autres, plus méchantes qui voient des horreurs partout. En même temps, cette façon de fustiger est souvent pour elles un besoin de se rassurer… parce qu’elles ne sont pas bien dans leur peau.  » Il n’empêche, ce sont ces coups d’£il perfides qui font peur… Comble de l’ironie : plus on doute, on est craintif, plus on est maladroit, ridicule. Or, une des clés pour être à l’abri des remarques déplaisantes, voire parfois même d’être admiré, c’est l’aisance.

 » Quand vous êtes à l’aise et naturel, les gens le ressentent, souligne Jean-Claude Kaufmann. Tout passe beaucoup mieux. Lors de mon enquête sur les seins nus à la plage (*), j’ai constaté qu’une femme qui enlève le haut avec beaucoup de simplicité ne dérange personne alors que celle qui hésite sera immédiatement repérée. Et plus on est mal dans ses pompes, plus on imagine être la cible d’appréciations négatives, plus on se sentira mal… C’est un cercle vicieux.  » D’un côté, la gazelle galopant jusqu’à la mer, seins nus et tanga échancré. De l’autre, Madame Complexe, enroulée dans son paréo se déplaçant à petits pas sur le sable chaud.

KEELY SHAYE SMITH, PRÉSIDENTE !

L’interprétation du regard des autres dépend donc étroitement de la représentation de soi. Keely Shaye Smith en est la preuve vivante. À 44 ans et deux grossesses derrière elle, la femme de Pierce Brosnan a totalement perdu les mensurations de rêve qu’elle arborait le jour de son mariage. Pourtant, contrairement à la majorité des femmes dans son cas, elle n’a pas troqué son Bikini contre une combi de plongée. Mieux encore, elle se fiche complètement du zoom des paparazzi sur sa cellulite. Son secret ? L’amour ! Son James Bond de mari continue, malgré ses rondeurs XXL, à l’idolâtrer posant sur elle des yeux emplis de fierté, ce qui permet à Keely Shaye de profiter d’un bain de soleil zéro complexe. Voilà la clé pour que le mot vacances prenne enfin tout son sens : apprendre à se ficher de l’avis des autres. Libérez votre esprit. Certes, vous ne pourrez pas plaire à tout le monde. Mais après tout : à quoi bon ?

L’essentiel est de se plaire à soi-même.  » La première chose à faire, c’est d’essayer de rester vous-même, conclut Jean-Claude Kaufmann. Profitez à plein de l’eau, du soleil, de buller, etc. Cultivez ce plaisir et ne subissez pas la pression du regard extérieur. C’est difficile, mais c’est possible !  » Peur de ne pas y parvenir ? Enfilez dès maintenant votre maillot et rendez-vous à la piscine pour éviter, le jour J, un blocage psychologique. Voilà, le plus dur est fait. Encore un peu d’entraînement, et bientôt, vous pourrez jouir de tous les bonheurs balnéaires sans vous soucier de votre posture. Même sur les plages les plus sélectes de la Côte d’Azur. Toutefois, n’oubliez pas : soyez indulgents… avec les autres aussi.

(*) Corps de femmes, regards d’hommes : sociologie des seins nus sur la plage, par Jean-Claude Kaufmann, éd. Pocket, 2001.

PAR VALENTINE VAN GESTEL

 » LE PROBLÈME DE LA PLAGE ? LA CRUAUTÉ ! LE REGARD QUI S’Y EXERCE EST PLUS DUR QUE DANS LA VIE DE TOUS LES JOURS. « 

 » ET PLUS ON EST MAL DANS SES POMPES, PLUS ON IMAGINE ÊTRE LA CIBLE D’APPRÉCIATIONS NÉGATIVES, PLUS ON SE SENTIRA MAL… « 

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