Dans la famille de Castelbajac, je demande l’oncle et la nièce, Jean-Charles de Castelbajac et Fanny Karst. Deux générations, deux visions de la femme, mais un même amour pour la création, la mode, la famille, ses petits bonheurs simples. à gauche, Jean-Charles de Castelbajac, presque 60 années au compteur, dont 40 dédiées à la création. Célèbre pour son univers pop, ludique et naïf, ses robes-tableaux, ses robes parées de cheveux, son poncho à deux places. Puise son inspiration dans l’enfance, ses couleurs acidulées, son insouciance, ses personnages enchanteurs, Mickey et Kermit la grenouille en tête. A travaillé pour SportMax ou Iceberg. Dessiné des vêtements liturgiques pour Jean Paul II, des costumes pour les séries télévisées Drôles de dames, Chapeau melon et bottes de cuir et Sex and the City. Se distingue aussi pour sa collection d’art contemporain, débutée en 1974, et ses talents de parolier, repéré chez Mareva Galanter – sa chérie. A dernièrement inventé le concept du low cost luxury, soit un design exceptionnel à un prix accessible par tous.

Face à lui, Fanny Karst, 25 ans et toute l’insouciance de la jeunesse. Formée au prestigieux Central Saint Martins College of Art & Design, à Londres. A présenté sa première collection, The Old Ladies’Rebellion, l’été dernier. Puise son inspiration auprès des demoiselles de plus de 50 ans, sa grand-mère Françoise de Crèvec£ur en tête, pour qui elle crée des robes et tenues sur commande. Vit entre la France et la Grande-Bretagne, où elle a installé son atelier. Confidences à deux voix.

Ce que vous appréciez chez l’autre ?

Jean-Charles de Castelbajac :  » Il y a chez Fanny, comme chez tous les vrais créateurs, une vision, une détermination, une audace, un travail et une intransigeance. Son propos est aussi fort et interpellant que le punk à son époque. Elle nous dit : « Let’s start by the end » dans une société qui porte aux nues la jeunesse et la beauté plastique… « 

Fanny Karst :  » L’été, il nous raconte des histoires de fantômes, nous fait boire de l’eau de vie dans laquelle baigne le spectre d’un fruit moyenâgeux, nous fait écouter les derniers groupes en vogueà Ce que je n’ai pas apprécié, par contre, c’est qu’un jour il m’ait fait croire que Morrissey (des Smiths) venait de s’installer dans le Gers, à 15 kilomètres. J’y ai vraiment cru, je prépare ma vengeance. C’est un bon designer car il nous permet de porter nos rêves et nos idolesà et de les animer. « 

Si vous deviez décrire son style ?

J-CdC :  » Karst est très marquée par des univers dont je me sens proche, comme le dadaïsme ou le surréalisme. Je vois une filiation avec Elsa Schiaparelli et mon travail sur l’absurdisme. Cependant, bien au-delà de toutes influences, Fanny possède un style très personnel, aux coupes irréprochables, d’une étrange féminité victorieuse. J’aime ses robes. Ce sont des pièces de collection. Il y a le tailleur Chanel et la robe Karst (sic).  »

FK :  » Le style Castelbajac est cool. Il ne se ressent qu’une fois la robe enfilée : l’expérience de la liberté, le sentiment étrange d’être cool et l’envie soudaine d’être désobéissante. J’aime particulièrement la robe-pull créée pour Iceberg en 1984, à quatre manches : on enfile la première paire, et on peut nouer la seconde autour de la taille (ou la laisser pendre). Si j’avais eu cette idée, je prendrais ma retraite, satisfaiteà « 

Les femmes qu’il/elle devrait habiller ?

J-CdC :  » Je dirais plutôt les femmes qui devraient porter Karst : Jeanne Moreau, Juliette Greco, Vanessa Redgrave, Michelle Obama, sa maman Mai Karst, Mathilde de Belgique, Andrée Putman, la reine Elizabeth d’Angleterre, Louise Bourgeois… Des femmes de vision, de force calme, de talent. Des femmes qui écrivent ce début de siècle. « 

FK :  » Aujourd’hui, apparemment, et d’après les grands dictateurs du style, il faut s’habiller en  » femmes de pouvoir « , dans les tons noirs façon ténèbres, avec des chaussures à talons en peau de hyènes pour écraser les chiens, un pantalon irrespirable en cuir, une fourrure de ragondin et un sac en requin rare, pour faire peur aux hommesà Les robes Castelbajac sont un remède à cette menace, le baume au c£ur, de l’airà Castelbajac ne choisit pas ses muses, ce sont elles qui le choisissent. « 

Dans cinq ans ?

J-CdC :  » Fanny vient d’une famille de militaires. Comme moi, elle est fidèle à ses racines. J’attends qu’elle se dépasse et qu’elle me surprenne encore longtemps. Je suis, je crois, le seul homme à avoir un vêtement de Fanny. Et ce n’est pas une robe… « 

FK :  » Dans cinq ans, entre la  » Cruise collection « , et la  » Chillin in da club collection « , j’imagine qu’il mettra au point les dernières touches de la recette des nems au foie gras, sa vraie fierté. « 

Par Catherine Pleeck

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