Sophie Moens

© Frédéric Raevens

Aux manettes de l’émission Bientôt à table !, sur La Première, Sophie Moens s’emploie depuis treize ans à réenchanter nos assiettes. En lanceuse d’alerte bienveillante, elle plaide pour une alimentation saine, simple mais gourmande. Produite au plus près et, pourquoi pas ?, chez soi.

La gourmandise est dans mon ADN. Je viens d’une famille italienne où l’art de la table ne se négocie pas. Partager un repas, ce n’est pas que manger, c’est retrouver les gens qu’on aime, discuter, s’engueuler même, de temps en temps. Quand l’émission a été mise à l’antenne, nous étions les premiers dans le paysage radiophonique belge à parler d’alimentation. Nous ne voulions pas proposer des recettes mais nous intéresser de près à ce que l’on ingurgite trois fois par jour. Aller dans les coulisses, mettre en avant le bon, pointer le mauvais mais surtout proposer des pistes pour que l’on puisse chacun aller vers un mieux.

Prendre conscience du temps de la nature, c’est apprendre l’humilitu0026#xE9;.

Le temps de la conscience est venu. Au fil des années, mon discours et celui de mes chroniqueurs est devenu plus militant, tout en restant dans la modération. Toutes les crises, celle de la dioxine, de la viande de cheval mais aussi les images insoutenables d’abattoirs qui circulent sur les réseaux sociaux n’ont fait que renforcer nos convictions. La plupart des gens ne savent pas ce qu’ils mangent. Les emballages sont tellement séduisants qu’ils croient acheter du bon alors que la vérité est tout autre. Refuser d’acheter un plat ultratransformé, se contenter de quelques oeufs et d’une purée de légumes frais ou d’un potage avec une poignée de noix, c’est déjà faire un pas dans la bonne direction.

Nous devons repenser complètement le schéma de l’assiette. Déconstruire le trio viande-féculent-légume avec lequel nous avons grandi. Quand on regarde le coût écologique et les conditions de vie des animaux dans les élevages intensifs, on ne peut plus continuer à dire aux gens :  » Allez-y, manger de la viande, elle est là à votre portée.  » Mais je ne la bannis pas totalement pour autant : mon propos est de convaincre que nous n’en avons pas besoin tous les jours, que l’on peut compenser les besoins en protéines avec des céréales et des légumineuses, qui en plus ne sont pas chères. Tout cela passe aussi par un retour aux circuits courts et aux petites exploitations.

On ne va pas se mentir, la qualité a un coût. Mais la malbouffe aussi ! Je conçois que le pouvoir d’achat de beaucoup de gens est en baisse, que les produits des petits artisans ont un prix plus élevé. Mais si l’on ne peut pas se les offrir tous les jours, c’est possible de temps en temps, à condition de se pencher sérieusement sur le contenu de son caddie. Prenez certains aliments transformés et regardez les ingrédients qui les composent : de l’eau, du gras, du sucre, des additifs. Au final, ça fait cher du kilo pour des crasses, non ? Bien sûr, les denrées brutes, il faut les cuisiner mais l’argument du manque de temps, je ne peux plus l’entendre : on ne veut juste plus le prendre pour certaines choses. Je sais que ce n’est pas tous les soirs une partie de plaisir de se mettre aux fourneaux après huit heures de boulot, mais on peut privilégier des plats sans chichi.

Pour ma génération, la salade s’achetait en sachet et ne se lavait même plus. Je vis au rythme de mon potager. Produire ses légumes, ses fruits, son miel au plus près de chez soi, c’est être dans l’ultralocal. Bien sûr, ce n’est pas en cultivant trois plans de tomates sur son balcon que l’on va arriver à l’autonomie alimentaire. Mais ce n’est pas le but. Se lancer dans l’aventure d’un potager, ou faire pousser des herbes aromatiques sur son balcon, c’est se reconnecter à la terre, reprendre conscience du temps de la nature et apprendre l’humilité, ce qui n’est ni accessoire ni anodin. Car la nature ne fait pas de cadeau, un jour ça prend, le lendemain pas, rien n’est acquis, il faut tâtonner.

Dans quelques années, on ne parlera plus ni de radio, ni de télé mais de contenus. Le podcast fait déjà partie intégrante du quotidien média des jeunes. Et de plus en plus d’auditeurs de tous âges écoutent désormais l’émission de cette manière. Nos audiences d’ailleurs ne cessent de grimper. Le canal de diffusion importera de moins en moins. Ce qui comptera, c’est le sens. Nous serons à la fois plus volatils et plus sélectifs dans nos choix pour devenir les programmateurs de nos envies.

Bientôt à table !, tous les samedis à 11 heures sur La Première.

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