L’État le plus riche des États-Unis est aussi un paradis pour les amoureux de la nature. Bio, très beau, et furieusement bobo !

Comme presque toujours lorsqu’on débarque aux États-Unis, cela commence par un décalage horaire et un breakfast-XXL. Nous sommes à l’Orchard Garden, à San Francisco, hôtel flambant neuf situé entre Chinatown et Union Square, au c£ur de la ville. Premier établissement bâti selon les règles de l’US Green Building Council, une association non gouvernementale qui ne rigole pas du tout avec la protection de l’environnement, l’Orchard présente le parfait profil écolo : le bois et la moquette des chambres proviennent du recyclage, les ampoules sont à basse consommation, les produits de nettoyage ne contiennent aucune substance chimique et les vins de la cave affichent le label bio, forcément. Mais, nous, c’est le petit déjeuner que l’on préfère, omelette, nachos, pancakes arrosés de confiture de mûre, le tout  » organic « , comme on dit ici, histoire de faire le plein de vitamines avant les réjouissances des prochains jours : une promenade à travers Frisco, puis le nord de la Californie, cet eldorado écolo et relativement économe (merci, la chute du dollar), qui fait la fierté de  » Governator  » Schwarzenegger. Malgré une passion assumée pour les Hummer, ces énormes 4 x 4 gloutons en carburant, l’ancien acteur se situe en effet à la pointe de la politique environnementale.

Près de 60 % des foyers américains équipés en énergie solaire se trouvent dans le seul État de Californie. Mais, assez de théorie, passons à la pratique. Le fog fait relâche ce matin, c’est le moment idéal pour une petite heure de croisière à bord d’une navette hybride dans la baie de San Francisco. Les façades victoriennes et modernes de la ville, l’ancienne île pénitencier d’Alcatraz, dont les geôles ont été définitivement fermées en 1963, et, bien sûr, le Golden Gate Bridge, qui relie la péninsule à Sausalito, découpent leur élégante silhouette dans le ciel azur. Vu du ponton de notre embarcation, le géant de fer aux habits vermillon impressionne. Vu de près, quelques heures plus tard, et équipé d’une bicyclette, il est à couper le souffle. Ce qui ne pose aucun problème : les revigorants 5 kilomètres de l’aller-retour sur la mythique passerelle sont à la portée de tous les mollets (pour les plus audacieux, on conseille l’ultrapentue Filbert Street, dans le centre-ville).

Autre bijou – de verre, celui-ci – toujours dans le nord de la cité, la nouvelle Académie des sciences.£uvre de l’architecte italien Renzo Piano, formidable ode à la nature avec son toit vivant (1,7 million de plantes y poussent, attirant oiseaux et papillons), son planétarium, sa forêt tropicale, ce musée unique au monde chasse en quelques heures les pires souvenirs de cours de sciences nat’ de nos années d’humanités. Depuis l’ouverture du musée, il y a tout juste un an, plus de 1 million et demi de visiteurs s’y sont déjà pressés. Chercheurs, petits et grands, cracks ou nuls en sciences s’initient à la biodiversité en écarquillant les yeux, devant ceux, impavides, de la mascotte des lieux, un alligator albinos baptisé Claude. Autour de l’édifice tout en ombre et lumière, les milliers d’eucalyptus, de cyprès et de pins du Golden Gate Park, le plus vaste des espaces verts sanfranciscains, font leur travail de sentinellesà

Même impression de douceur de vivre en centre-ville. Ce n’est pas un hasard si Frisco a servi de décor, en 1968, à Bullitt,  » coolissime  » polar de Peter Yates, avec Steve McQueen : plus de quarante ans après les glorieuses sixties, celle qui a quasiment vu naître le mouvement hippie a développé un sens très américain du business sans renier son âme baba cool. Le résultat est une offre green qui, loin de se résumer au muesli du matin et aux boutiques surparfumées à l’encens, se décline pour toutes les étapes de la journée et de la vie. Ici, on peut s’offrir une manucure green (au salon Kamalaspa, sur Stockton Street), habiller son bébé green (avec les bodys siglés A Happy Planet), offrir à son toutou des douceurs bio de la pâtisserie pour chiens et chats Bella & Daisy’s, se marier écolo grâce à l’agence Vibrant Events… et même dormir pour l’éternité dans un cercueil biodégradable de la maison Colourful Coffins.

On peut surtout manger et boire écolo, et plutôt très bien. Comme chez Dosa, savoureuse table indienne située dans le quartier de Fillmore, ou, plus extrême, au Café Gratitude, dans le très vivant quartier de Mission, qui propose une cuisine essentiellement crue à base de produits locaux.  » Une expérience !  » avaient prévenu des amis résidents. Lumière douce, jolies tables en bois, clientèle plutôt jeune et chevelue, le décor est gentiment branché. La vraie surprise vient avec la carte qui décline, en guise d’intitulés, des petites formules positives tout droit sorties d’un manuel de Deepak Chopra. En réprimant un fou rire, on opte pour un jus  » I am charismatic  » (tant qu’à faire) et un hamburger aux graines de tournesol  » I am cheerful  » ( Je suis joyeuse). Quelques minutes plus tard, retour les mains chargées de notre serveur à bandeau :  » Vous êtes charismatique « , puis  » Vous êtes joyeuse « , murmure-t-il, en posant délicatement – les gestes brusques doivent être interdits, ici – les deux plats sur la table. Tout cela est bien entendu délicieux.

Parce qu’on est joyeuse (et charismatique, donc), on a poussé les festivités un peu plus loin. Jusqu’à Berkeley, l’intello-bio, et son maire, Tom Bates, qui a troqué sa Volvo contre la marche et les transports en commun. Puis, sur la côte Nord, le long des vallées viticoles de Sonoma et Mendocino. Au fil des kilomètres, le vert dérive lentement vers les ocres chers à Edward Hopper, Steinbeck et John Fante. Le vin est sucré, comme celui de Quivira, délicieuse propriété au charme provençal plantée dans la vallée de Dry Creek. Andrew, le jardinier, connaît ses préceptes biodynamiques sur le bout des gants, et le cochon Ruby, mascotte des lieux, est charmant. Dans la région, on peut faire des balades à pied, à vélo ou à cheval, s’exercer au canoé sur la Big River, s’offrir le meilleur de la gastronomie californienne au French Laundry, à Yountville, ou au Ravens’, à Mendocino, tous deux d’une prodigieuse inventivité. On peut aussi ne rien faire. Rien, face au crépuscule enflammant la baie de Mendocino, c’est vraiment quelque chose.

Par Géraldine Catalano

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