Départ surprise d’Alessandro Michele de son poste de directeur artistique de Gucci

Alessandro Michele
Alessandro Michele © Getty Images

Alessandro Michele quitte Gucci, après sept ans en tant que directeur de la création durant lesquels il a « grandement contribué à faire de Gucci ce qu’elle est aujourd’hui », mais sans parvenir toutefois ces dernières années à relancer les ventes avec la même vigueur que ses concurrents.

« Il y a des moments où les chemins se séparent en raison des perspectives différentes que chacun de nous peut avoir », a déclaré Alessandro Michele dans un communiqué du groupe Kering, propriétaire de la marque italienne qui, à elle seule, représente 55% des 17,6 milliards d’euros de ventes du groupe affichées en 2021. « Aujourd’hui se termine pour moi un voyage extraordinaire qui a duré plus de vingt ans », a-t-il poursuivi. « Gucci a été ma maison, ma famille d’adoption ».

« Sa passion, son imagination, sa fantaisie et sa culture ont contribué à remettre Gucci sur le devant de la scène, où se trouve sa place », a salué le PDG du groupe de luxe, François-Henri Pinault. 

Aucun remplaçant n’a été annoncé, et le studio de création de Gucci « continuera à assurer la responsabilité créative de la Maison jusqu’à ce qu’une nouvelle organisation soit annoncée. »

Alessandro Michele, qui fêtera ses 50 ans vendredi, avait succédé à Frida Giannini en 2015 alors qu’il travaillait déjà pour la marque depuis 12 ans. 

« Une prise de risque à l’époque, vu qu’il était complétement inconnu », a indiqué à l’AFP Serge Carreira, maître de conférence à Sciences Po Paris au sein du Master Mode et Luxe. Pour lui, Alessando Michele « a incarné le nouveau chapitre de la maison Gucci, s’engageant sur les sujets sociétaux, inscrivant la marque dans son époque. Il a fait revivre l’héritage de la maison en lui donnant une modernité ». Son départ est une « surprise ».

Lors du défilé printemps-été 2023 à Milan, Alessandro Michele avait encore étonné lorsque, à la fin de la présentation de 68 modèles, un mur s’était soulevé au centre du podium révélant qu’un autre public avait regardé le même spectacle de l’autre côté… sur des jumeaux identiques.

Ou encore en affichant des slogans anti-extrême droite sur certaines tenues d’un défilé de mode qui se déroulait à la veille de l’élection du parti de Giorgia Meloni en Italie.

Après un bond de ses ventes entre 2015 et 2019, Gucci a marqué le pas par rapport à aux concurrents, ralenti notamment par le Covid et sa forte dépendance au marché asiatique (44%).

« Les observateurs considèrent qu’après des débuts tonitruants et une croissance assez rapide, on arrive à un effet de palier qui peut créer un sentiment d’impatience par rapport à la nécessité d’un nouvel élan », analyse Serge Carreira, rappelant que Gucci « est l’une des trois, quatre plus grandes marques de l’industrie du luxe ».

« La marque n’est pas en crise »

Mercredi matin, après l’annonce du départ d’Alessandro Micheleque par le site spécialisé dans le monde du luxe Women’s Wear Daily, citant des sources anonymes, les analystes financiers ne cachaient pas leur satisfaction. 

« Une très bonne nouvelle », soulignait une note de Bernstein: « Gucci souffre de la fatigue de la marque et Alessandro Michele fait la même chose depuis sept ans ». Selon la banque RBC, « les investisseurs institutionnels semblent d’accord sur le fait qu’une nouvelle approche est nécessaire pour relancer la marque ».

Interpellé par des analystes financiers, le directeur financier de Kering, Jean-Marc Duplaix, s’était défendu en octobre. « Vous savez que dans le luxe ce qu’il faut considérer c’est le long terme (…) Au cours des dernières années, la croissance de la marque Gucci a été très cohérente avec celle de nos principaux concurrents, quelle que soit la surperformance de ces concurrents au cours des deux, trois dernières années », avait-il dit.

En 2021, Gucci a réalisé un chiffre d’affaires en hausse de 31,2% par rapport à 2020, contre une progression de 41% pour Prada et 49,6% pour Chanel. LVMH ne communique pas sur ses marques mais les ventes de sa section mode et maroquinerie (largement dominée par Louis Vuitton) ont grimpé de 47%.

Serge Carreira nuance: « sa croissance est plus faible que celle de ses concurrents mais ce n’est pas une baisse de chiffre d’affaires. La marque n’est pas en crise ».

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