BFA: Voici les lauréats des Belgian Fashion Awards 2021

Walter Van Beirendonck © DR

Ce 25 novembre, les Belgian Fashion Awards ont rendu leur verdict. Le jury, composé de professionnels de la mode, récompensait les créateurs et les maisons belges qui ont marqué l’année écoulée, malgré son étrangeté covidée. Un palmarès prestigieux, porteur d’espoir.

Depuis 2017, les Belgian Fashion Awards mettent à l’honneur ce qui se fait de mieux sur la planète mode. L’idée est de mettre en lumière la créativité et la diversité de la Belgique, tant sur le plan national qu’international ; de révéler les talents qui oeuvrent dans l’ombre, les créateurs émergeants et les futurs grands de demain. Mais aussi (surtout ?) célébrer notre belgitude et affirmer encore et toujours que la mode belge est synonyme d’indépendance, de personnalité, qu’elle est teintée quelquefois de surréalisme, toujours d’avant-gardisme.

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.© Wouter Hoste

Depuis le début, les Belgian Fashion Awards traversent les frontières linguistiques, organisés conjointement par Le Vif Weekend, Knack Weekend, Flanders DC (Flanders District of Creativity), MAD Brussels et WBDM (Wallonie-Bruxelles Design Mode). Le jury était présidé cette année par Chris Dercon, historien de l’art né à Lier et actuellement président de la Réunion des musées nationaux-Grand Palais, à Paris. Avec professionnalisme, les experts réunis en amont ont décerné leurs titres parmi les sept catégories en lice. Cette quatrième édition couronne ainsi ceux qui ont su faire la différence, avec énergie et inventivité. La cérémonie de remise de ces Awards noir-jaune-rouge se tenait à la Bourse du Commerce d’Anvers, à l’issue des Fashion Talks organisés par Flanders DC. Vive la mode. Vivent nos lauréats.

Nicolas Di Felice

Designer of the Year

Nicolas Di Felice
Nicolas Di Felice© DR

Vous venez de vivre votre première année chez Courrèges. Dans quel état d’esprit êtes-vous ?

Je suis galvanisé. Je ne m’attendais pas à un retour aussi rapide et aussi positif sur notre première collection automne-hiver. Des stars belges, mais aussi américaines ou anglaises nous portent. C’est excitant. Je sais aussi que l’on a récupéré la cliente historique et je remarque autour de moi, dans la rue, que celles qui portent Courrèges ont tous les âges et tous les corps. Les chiffres en boutique et en wholesale sont plus qu’encourageants, on va pouvoir aménager des postes clefs pour m’accompagner dans la création, on aura du renfort. J’ai la chance d’être bien entouré et je garde les pieds sur terre : à part bosser et voir mes amis de temps en temps, je suis à fond dedans.

Comment vous êtes-vous glissé dans les pas d’André Courrèges ?

Je me sens proche de l’esprit de la Maison, et à l’aise avec son héritage. Je l’avais apprivoisé avant d’y entrer. Les détails que je découvre au fil de mon travail ne cesse de me surprendre, je les mets très naturellement en relation avec ce que j’ai envie d’exprimer dans les collections. Cet héritage fait comme partie de moi, je ne me force en rien à l’adapter ou à ne pas m’en inspirer…Je travaille pour le moment sur la troisième collection et je me rends compte que je vais vers ce vocabulaire instinctivement, que j’emprunte les codes naturellement, sans pression aucune. Il y a une réelle légitimité dans cet héritage.

Nicolas Di Felice, final du défile Courrèges SS2022 / Vogue
Nicolas Di Felice, final du défile Courrèges SS2022 / Vogue© DR

Vous êtes le lauréat des Belgian Fashion Awards, catégorie Designer of the Year, à la suite de Raf Simons et de Glenn Martens, notamment. Quel sentiment ?

Je suis honoré d’être à la suite d’une telle lignée. J’ai été dans l’ombre pendant longtemps et durant cette première année chez Courrèges, j’étais enfermé au studio. Je n’ai pas l’habitude d’être mis en avant, encore moins d’être nominé à quoi que ce soit. La surprise est d’autant plus grande.

Vous sentez-vous Belge dans cette maison éminemment française ?

Oui. Je pense vraiment comme un créateur belge ! Nous sommes habitués à travailler dans de petites structures et sur un univers total, que ce soit Raf, Glenn ou Ann Demeulemeester dont j’ai toujours été fan. Ce sont des créateurs qui réfléchissent vraiment à tout, pas uniquement à dessiner de beaux vêtements, ils ont une vraie patte, un vocabulaire de coupe et une construction. Cette manière d’envisager leur création s’inscrit dans la longueur : nous avons tous une signature qui traverse les saisons. Nous avons, comme André Courrèges, quelque chose de sériel, qui est le fruit d’un travail personnel – on travaille sur ce que l’on est, ce que l’on aime et parce que cela a un sens de le faire. C’est en ça que je suis vraiment un créateur belge. Et si je me sens bien dans cette maison, c’est qu’elle s’inscrit dans cette lignée de pensée.

Benoît Béthume, directeur artistique

Professional of the Year

Benoit Bethume
Benoit Bethume© DR

Qui ? A 16 ans à peine, Benoît Béthume (1979, Namur) entre à La Cambre mode(s) à Bruxelles où il étudie le stylisme. Très vite, il comprend que ce qui le meut, ce n’est pas de designer des vêtements mais de travailler les codes, les silhouettes, l’image globale, la narration.

Quoi ? Il entame sa carrière comme styliste pour plusieurs magazines internationaux. En 2009, Manuela Pavesi, bras droit de Miuccia Prada, styliste légendaire du Vogue Italie et photographe fait appel à lui pour la seconder comme styliste sur ses shootings de mode pour ID, Pop, Purple et Vogue Japon. Il sera, dans le même temps, responsable image des boutiques Prada à l’international et consultant en images pour Carven, Nina Ricci, Paule Ka et Véronique Leroy.

Pourquoi ce prix ? Pour sa façon d’inventer ce métier qui n’entre pas dans les cases. Et parce qu’il croit à la collaboration et aux grands esprits qui se rencontrent. Pour l’heure, Benoît Béthume cumule les rôles d’ombre. Il est consultant pour de nombreuses marques prestigieuses – Lemaire, Patou, Officine Générale, Uniqlo et Marine Serre, depuis ses débuts. Il prodigue ses conseils aux jeunes créateurs prometteurs, Ester Manas en tête. Il donne des conférences à La Cambre, à la Parsons et à l’Institut Français de la Mode à Paris, à l’université IUAV de Venise. Enfin, il poursuit un travail d’édition original et ambitieux depuis 2011, baptisé Mémoire universelle, où se mêlent photos, textes, art, mode et philosophie. Le tout sous la forme d’une encyclopédie en neuf tomes.

Lili Schreiber

Most Promising Graduate of the year

Lili Schreiber
Lili Schreiber© DR

« Quand j’ai commencé à travailler sur ma collection de fin d’études, on était en plein Covid, je rêvais de m’échapper et de créer quelque chose d’assez ludique. Je suis donc partie de la joie. Et de mon musée imaginaire, de ces artistes que j’aime et qui tous travaillent sur l’identité, la couleur, les oppositions, la juxtaposition. La plupart des pièces de ma collection peuvent se porter différemment. La chemise, par exemple, embrasse la veste tailleur, c’est comme un baiser, celui de Brancusi, et elle se porte comme on veut. Depuis la fin de mes études, je travaille pour Kenzo, au studio Femme. Et j’ai collaboré avec la chanteuse Reinel Bakole. Dans ses vidéos, elle danse avec mes pièces. J’aime ça, voir vivre mes vêtements. Avec le recul, je me sens fière de ma collection. C’est un honneur d’être lauréate : c’est la mode belge qui m’a donné envie de faire de la mode, surtout les Six d’Anvers. Grâce à eux, il y eut un renouveau. J’espère faire partie d’un nouvel élan belge. »

Imprévu

Fashion Brand of the Year

Imprevu
Imprevu© DR

« Quand j’ai lancé Imprévu, il y a cinq ans, précise la créatrice Justine God, je savais que cet anniversaire serait un tournant. Nos racines commencent à s’ancrer, avec une jolie communauté existante et nos boutiques partenaires fidèles au projet. Projet qui a beaucoup grandi depuis ses débuts. Malgré cette année bizarre, on s’est développé en France, en Irlande et même à Dubaï. On a également lancé notre webshop en avril dernier. Au départ, je souhaitais lancer une ligne éthique, produite localement en Europe, Italie et Portugal absolument éviter la surproduction. Ces valeurs sont toujours présentes, et c’est ma fierté. »

Walter Van Beirendonck

Jury Prize

Walter Van Beirendonck ,
Walter Van Beirendonck ,© Filep Motwary

Chris Dercon, directeur du Grand Palais à Paris et président du jury, justifie ce choix.

« J’ai moi-même suivi Walter de près. De ses défilés controversés à Paris et de sa présentation au musée Boijmans Van Beuningen dans la seconde moitié des années 90, aux expositions internationales qu’il a organisées d’Anvers à Sydney, en passant par son engagement dans l’Académie des beaux-arts d’Anvers. Le style international de Walter et surtout son influence sur la mode actuelle font de lui un visionnaire qui a repoussé les frontières du secteur. Les figures carnavalesques, le streetwear, les slogans et les silhouettes oversized, les couleurs vives et les motifs intéressants… Je pense que nous ne voyons et comprenons vraiment le travail de Walter Van Beirendonck que depuis peu. Personnellement, je ne peux que le remercier. Avec Martin Margiela, il m’a appris comment exposer la mode dans un musée et aussi que : « fashion is not art, but sometimes it is » (NDLR: la mode n’est pas de l’art, mais l’est parfois). »

Resortecs

Changemaker of the Year

Cedric Vanhoek de Resortecs
Cedric Vanhoek de Resortecs© DR

Qui ? Cédric Vanhoeck, designer industriel, et Vanessa Counaert, son amie d’enfance, ont lancé Resortecs en 2017. L’entreprise vise à révolutionner le recyclage des textiles. En 2018, le duo a déjà remporté le H&M Global Change Award.

Quoi ? Resortecs développe des fils et des boutons qui fondent à des températures de 150 à 200 °C. Un seuil suffisamment élevé pour pouvoir passer à la machine à laver sans danger et suffisamment bas pour ne pas endommager les autres matériaux lorsqu’ils se retrouvent dans le four de recyclage. C’est souvent le problème : avant de pouvoir être recyclés, les vêtements doivent être débarrassés de tous les boutons, fermetures Eclair et étiquettes. Cette méthode nécessite beaucoup de main-d’oeuvre et est donc coûteuse.

Resortecs
Resortecs© Supernova in Antwerp

La majeure partie des vêtements finit ainsi de toute façon à la poubelle. L’invention de Resortecs devrait résoudre ce problème. Ses créateurs ont récemment collecté 1 million d’euros pour la construction d’un four de désassemblage dans lequel 1 500 vêtements peuvent être traités par heure. La start-up originaire de Flandre-Orientale a lancé des projets pilotes avec toute une série de grandes marques européennes et quelques labels américains.

Pourquoi ce prix ? Leurs recherches innovantes pourraient à jamais changer l’industrie du vêtement et du recyclage.

Meryll Rogge

Emerging Talent of the Year

Meryll Rogge
Meryll Rogge© Sloan Laurits

Les débuts de Meryll Rogge ne sont pas passés inaperçus. Après avoir travaillé pour deux des créateurs les plus influents du monde, Dries Van Noten et Marc Jacobs, elle a lancé son propre label, avec succès. Christian Wijnants, designer de l’année en 2019 et membre du jury, nous en dit plus.

Meryll Rogge
Meryll Rogge© DR

« Tout le monde parle de Meryll. Son succès est incroyable. Malgré la crise sanitaire, elle est vendue dans les meilleures boutiques du monde. Pourtant, ce n’est pas évident quand il faut convaincre les acheteurs d’investir dans votre marque en n’utilisant que des photos. En peu de temps, elle a réussi à développer un style très personnel, avec des pièces signatures que l’on remarque immédiatement. Elle représente également parfaitement l’air du temps : ses créations sont cool, positives et sans prétention. Tout est jeune et très coloré. Ses collections regorgent de créativité: elle présente chaque saison une collection complète avec des broderies, des imprimés et des tricots. Meryll a beaucoup d’expérience, bien sûr, et ça se voit. Elle ne sort pas tout juste de l’école. Elle connaît les rouages du secteur. Son approche professionnelle et charmante la mènera loin. Un avenir brillant s’ouvre à elle. »

Toute les infos sur l’évènements et les lauréats sur www.belgianfashionawards.be

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