Après SHEIN, au tour d’une autre marque fast-fashion chérie des ados d’être dans la tourmente

Le défilé Boohoo by Kourtney Kardashian à l'automne 2022 - Getty Images
Le défilé Boohoo by Kourtney Kardashian à l'automne 2022 - Getty Images
Lotte Philipsen

Les étiquettes des vêtements de la marque de mode britannique Boohoo contiendraient de fausses informations, dénonce l’enquête menée par BBC Panorama. Des milliers de fausses étiquettes ont été cousues sur des vêtements originaires non pas de Grande-Bretagne mais bien du Pakistan.

La marque britannique de mode ultra fast-fashion Boohoo se retrouve une fois de plus dans l’œil du cyclone, après qu’une enquête menée par l’équipe de BBC Panorama a révélé que des milliers de ses vêtements étaient faussement étiquetés « Made in UK » alors qu’ils étaient en réalité produits en Asie. Une découverte qui soulève des questions non seulement sur la transparence des pratiques de fabrication de Boohoo, mais aussi sur les promesses éthiques faites précédemment par l’entreprise.

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L’enquête a ainsi révélé que les étiquettes originales apposées sur les vêtements dans l’usine britannique de Boohoo, Thurmaston Lane à Leicester, avaient été retirées l’année dernière et remplacées par des étiquettes « Made in UK ». Boohoo a répondu que les étiquettes incorrectes étaient dûes à une mauvaise interprétation des règles d’étiquetage. L’entreprise ne nie donc pas que les vêtements ont été fabriqués ailleurs que ce qui est indiqué sur l’étiquette. Et elle n’est pas la seule, puisqu’une étiquette « Made in » ne signifie pas forcément qu’un vêtement a été fabriqué de A à Z dans le pays indiqué.

Ouverte il y a deux ans, l’usine Boohoo de Leicester a été présentée comme un centre de production éthique. À l’époque, des voix encourageantes s’étaient élevées pour saluer l’idée que la marque dispose de sa propre usine… Qui n’aura pas fait long feu, car l’entreprise de fast-fashion a annoncé son intention de fermer le centre de production « dans un futur proche ». Ce qui soulève évidemment aussi des questions quant à l’intégrité des efforts éthiques de Boohoo…

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Des étiquettes mensongères

Chris Grayer, ancien responsable de la conformité éthique de la chaîne de magasins Next, a noté dans l’enquête de la BBC que l’erreur d’étiquetage indique une « défaillance significative de l’inspection ». Sylvia Rook, responsable en chef du commerce équitable au Chartered Trading Standards Institute, a quant à elle qualifié la substitution des étiquettes de faute, et a déclaré qu’elle pourrait potentiellement induire les consommateurs en erreur. Pour le député Philip Dunne, président de la commission d’audit environnemental, les conclusions relatives à l’étiquetage sont des « allégations très sérieuses ». Et il a rappelé que les consommateurs ne devaient pas être induits en erreur quant à l’origine des vêtements qu’ils achètent.

L’usine de Thurmaston Lane de Boohoo

Plus remarquable encore, malgré les promesses faites en 2017 et en 2020 de revoir ses pratiques éthiques, Boohoo fait à nouveau l’objet d’allégations de comportement douteux. La fermeture de Thurmaston Lane suggère en effet que le modèle commercial de Boohoo, qui se concentre sur la mode rapide et bon marché, n’est peut-être pas viable au Royaume-Uni. L’entreprise serait contrainte de s’appuyer sur les bas salaires et la protection sociale limitée des pays producteurs d’Asie pour pouvoir poursuivre ses pratiques commerciales.

Pour sa part, Boohoo affirme que la fermeture de Thurmaston Lane est indépendante de l’enquête de BBC Panorama. Et indique en outre qu’elle discute avec ses employés de l’avenir du site, et insiste sur la nécessité de rester une entreprise efficace, productive et solide. Et tant pis si tout semble indiquer que Boohoo privilégie la réduction des coûts au détriment d’une fabrication éthique, tant en Europe qu’à l’étranger.

Le business douteux de Boohoo

Boohoo, fondée en 2006 par Mahmud Kamani et Carol Kane, est une marque britannique d’ultra fast-fashion qui s’est rapidement développée, jusqu’à devenir l’un des principaux détaillants en ligne du secteur de la mode. L’entreprise se concentre sur les vêtements et accessoires abordables et tendance destinés aux jeunes consommateurs. Boohoo est connue pour son cycle de production rapide, qui lui permet de répondre dans les meilleurs délais aux dernières tendances de la mode. Elle se situe ainsi dans la même catégorie que SHEIN en termes de prix et de rapidité de production.

Au fil des ans, Boohoo a lancé plusieurs sous-marques et racheté d’autres marques, dont BoohooMAN, PrettyLittleThing et Nasty Gal, élargissant ainsi sa portée sur le marché. L’entreprise utilise des stratégies de marketing en ligne et des influenceurs pour promouvoir ses produits, en particulier sur les réseaux sociaux… où elle a traversé de nombreuses controverses. L’entreprise a ainsi été critiquée pour les mauvaises conditions de travail et les bas salaires pratiqués dans les usines produisant ses vêtements. Des abus ont été découverts à la fois dans des pays producteurs comme le Pakistan et dans des usines plus proches de chez nous.

En 2017, la série documentaire télévisée Dispatches de Channel 4 a découvert que les usines de Leicester qui fournissaient Boohoo (ainsi que New Look, River Island et Missguided) payaient leurs travailleurs moins que le salaire minimum national. Boohoo a déclaré que le travail avait été externalisé à son insu, et qu’elle n’avait donc aucune visibilité sur les salaires des travailleurs.

En 2020, de nouveaux cas d’exploitation de travailleurs dans une usine de Leicester ont été signalés, ce qui a donné lieu à une enquête interne et à la promesse de Boohoo de revoir ses pratiques de production. L’entreprise a ensuite créé sa propre usine, Thurmaston Lane, en 2022, mais elle s’apprête déjà à la fermer. Toujours en 2022, elle a nommé Kourtney Kardashian ambassadrice du développement durable. Une sorte de paratonnerre pour les critiques qu’elle a dû essuyer. La star de la téléréalité a ensuite sorti des collections capsules, fabriquées à partir de fibres recyclées… Mais les critiques ont fait remarquer à juste titre que cela ressemblait beaucoup à de l’écoblanchiment. En février 2023, Boohoo a organisé une table ronde sur les vêtements éthiques, au cours de laquelle l’entreprise a refusé de répondre à des questions critiques. Certains militants de la mode durable, dont Venetia La Manna, ont tenté de demander des comptes à l’entreprise, mais ils ont été escortés par la sécurité.

De récentes enquêtes menées par BBC Panorama ont révélé que Boohoo faisait pression sur ses fournisseurs pour qu’ils accordent des remises alors que des accords avaient déjà été conclus, et que des commandes devant être exécutées par l’usine de Boohoo à Thurmaston Lane étaient sous-traitées au Maroc. La BBC a également révélé que Boohoo apposait des étiquettes « Made in the UK » sur des vêtements en provenance d’Asie, ce qui a encore entamé la crédibilité de la marque. Cette série de controverses soulève des questions quant à l’engagement éthique de Boohoo et à sa transparence dans l’industrie de la mode.

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