Décès de Sonia Rykiel, la « Reine du tricot », à l’âge de 86 ans

La styliste française Sonia Rykiel, surnommée « la reine du tricot », est décédée jeudi à 86 ans: elle avait popularisé les vêtements souples, en maille, inscrivant sa mode chic et joyeuse dans le mouvement de libération du corps féminin.

La flamboyante Sonia Rykiel, en 2003
La flamboyante Sonia Rykiel, en 2003© Belga Image

« Ma mère est décédée cette nuit à Paris, chez elle, à 5 heures du matin, des suites de la maladie de Parkinson », a déclaré à l’AFP sa fille Nathalie Rykiel, elle aussi femme de mode.

Fine silhouette noire à la chevelure rousse flamboyante, l’inventrice de la « démode » avait fait des rayures chatoyantes une autre de ses marques de fabrique.

Née Sonia Flis à Paris le 25 mai 1930 d’un père français et d’une mère roumaine, cette fille de bonne famille débute dans la mode par hasard quand, enceinte de son premier enfant, elle ne trouve pas de vêtements à son goût.

Elle crée donc des robes pour future maman mais aussi des petits pulls moulants qui sont vendus dans la boutique parisienne de son mari. Le succès est rapide, le pull fait la couverture du magazine féminin Elle et les femmes se l’arrachent.

Six ans plus tard, en mai 1968, alors que la France vit une intense contestation sociale et culturelle, Sonia Rykiel ouvre sa première boutique, dans le Quartier latin. Elle ne connaît rien à la mode, ne sait ni coudre ni tricoter, et est assaillie de doutes. « Tous les jours je me disais: « je vais fermer, parce que je ne sais pas ce que je vais faire, je ne sais pas du tout » », confiera-t-elle bien des années plus tard.

La jeune femme met quelques vêtements en vitrine, en les accompagnant curieusement de livres. « Je n’ai jamais pu démêler la littérature de la mode, ça fait partie de la même histoire », explique cette amoureuse des mots qui s’amuse à en inscrire sur ses pulls (« amour », « artiste », « sexe »…) comme de petits manifestes.

Hédoniste et séductrice

Après avoir hésité pendant près de dix ans, Sonia Rykiel décide finalement de rester dans la mode. Une mode loin des tendances, qu’elle conçoit pour une femme active, intéressée par la marche du monde, « plutôt une intello », libre comme ces femmes qui, dans les années 70, viennent de jeter leur soutien-gorge aux orties et de proclamer haut et fort que leur corps leur appartient.

Sonia Rykiel « a inventé non seulement une mode, mais aussi une attitude, une façon de vivre et d’être, et offert aux femmes une liberté de mouvement », a salué jeudi le président François Hollande.

La créatrice privilégie la maille « pour la tendresse, la douceur », le velours, la dentelle. Elle lance les coutures à l’envers, le « pas d’ourlet », le « pas doublé ». Elle fait du noir la couleur de la féminité et de la séduction, et strie ses célèbres pulls de rayures multicolores. Des motifs ou des mots en strass brillent sur ses vêtements caressants qui dessinent une silhouette fluide, toute en souplesse.

Sonia Rykiel préconise « la démode », invitant chaque femme à refuser les diktats des créateurs pour créer sa propre garde-robe, adaptée à son corps et à sa personnalité.

Parallèlement à la mode, cette séductrice qui aime mentir, cette hédoniste qui apprécie le chocolat, le vin et les cigares, se consacre à l’écriture. Elle a notamment signé un recueil de contes écrits pour ses petites-filles, Tatiana, Acacia (1993) et N’oubliez pas que je joue, où elle se livre sur sa maladie de Parkinson (2012).

L’affaire est toujours restée familiale. Son « clan » lui était indispensable et elle s’était entourée de ses proches –sa soeur Danièle et surtout sa fille Nathalie, actuelle directrice artistique et présidente de la griffe, qui travaille avec elle depuis les années 80. Elle avait aussi un fils, Jean-Philippe, musicien.

Nathalie Rykiel, la mode en héritage

Evocation de Sonia Rykiel par sa fille, parue dans Le Vif Weekend du 22 août 2014

Décès de Sonia Rykiel, la
© Reuters
« Ma mère, Sonia, ne m’a jamais incitée à la suivre dans la mode, mais il est vrai que nous étions très proches et partagions très souvent une même vision des choses. Lorsque j’étais enfant, c’est elle qui m’habillait, très « bon chic bon genre », petits manteaux à col de velours, gants blancs, chaussures à brides, etc. Adolescente, je me suis amusée – minijupes, pattes d’éléphant, make-up outrageux et elle n’a jamais bronché. Plus tard, quand mon style s’est affirmé, elle s’en inspirait. Je me souviens de son allure incroyable en toute circonstance. A Paris, à la campagne, on ne voyait qu’elle. Une image plus forte que les autres ? Elle, dans les années 60, posant dans un de ses premiers tailleurs pantalon moulants de jersey noir, sur ses cheveux roux, béret et boucles d’oreille. Complètement actuel ! Son conseil de style que j’ai transmis à mes filles : ne pas suivre les modes mais essayer de comprendre qui on est, comment on est faite, pour savoir ce qui est juste ou pas pour soi… »

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