Il y a 50 ans disparaissait Coco Chanel

Obsèques de Coco Chanel à l'église de la Madeeine, le 13 janvier 1971. Au centre, Yves Saint Laurent.

Elle a révolutionné la mode avec son tailleur et symbolise l’élégance à la française. Ce 10 janvier 1971, Gabrielle Chanel fait un malaise dans sa suite de l’Hôtel Ritz, à Paris. La « Grande Mademoiselle » tire sa révérence, elle a 87 ans.

Celle que tout le monde appelle Coco Chanel s’éteint à 21 heures, un dimanche… jour de la famille et du repos. Tout ce que honnit cette grande solitaire qui, toute sa vie, s’est perdue dans le travail.

La veille encore, à quelques encablures, les employés de sa maison de couture de la rue Cambon l’ont vue mettre la dernière main à sa nouvelle collection. Elle sera présentée le 26 janvier. Perfectionniste, elle a revu les moindres détails, choisi encore des tissus, vérifié tous les boutons…

La dépêche de l’AFP – un bulletin, très court – tombe en pleine nuit sur les téléscripteurs: « Melle Coco Chanel est morte dimanche soir à Paris. Elle était âgée de 87 ans ».

« Noir indémodable »

Ce sont ses familiers du palace qui ont donné l’information: « Sa fin a été très douce. Nous sommes atterrés car rien, dans les jours précédents, ne nous laissait supposer une telle issue ».

Ici, tout le monde a l’habitude de voir revenir chaque soir la fine silhouette de la demoiselle au collier de perles et au sempiternel canotier, cigarette aux lèvres.

Gabrielle Chanel portant la fameuse marinière qu'elle a fait entrer dans le vestiaire féminin et largement popularisée
Gabrielle Chanel portant la fameuse marinière qu’elle a fait entrer dans le vestiaire féminin et largement popularisée© Wikicommons
Coco Chanel en 1962
Coco Chanel en 1962© Getty Images

Un rituel immuable entamé en 1937. « Le Ritz, c’est ma maison », dit-elle. Avec toutefois une grosse interruption. D’une dizaine d’années, après-guerre, quand elle prend le large en Suisse pour faire oublier ses liens avec l’occupant allemand.

Elle loue une suite de 188 m2 au deuxième étage. Avec vue sur la place Vendôme. La couleur noire – « le noir est indémodable », dit-elle – domine. Un sanctuaire peu fréquenté que l’amazone solitaire a, au fil des ans, revisité. Ramenant de la rue Cambon son canapé en daim ou ses paravents chinois en laques de Coromandel.

Superstitieuse, Coco Chanel a posé des talismans par-ci par-là. Il y a son signe astral, le lion protecteur, mais aussi le blé, symbole du bonheur et de la prospérité et décliné en tableau, une oeuvre de son ami Dali.

Selon sa volonté expresse, personne n’est admis dans la suite et seule sa famille peut s’incliner devant sa dépouille: deux nièces et un neveu.

Le lundi matin, rue Cambon, parmi les 250 membres du personnel, c’est la consternation. « La hâte qu’elle mettait à son travail » ces derniers jours, note-t-on, « semble maintenant comme un présage. Elle a tenu à mettre tout au point avant de disparaître ».

Mademoiselle Chanel dans ses appartements de la rue Cambon, en 1959
Mademoiselle Chanel dans ses appartements de la rue Cambon, en 1959© Getty Images

Les hommages affluent, y compris de ceux qu’une Coco à la dent dure ne ménageait pas. « Chanel est venue avec sa ligne fine, moderne, adaptée à la vie et a soufflé tout le monde par sa modernité. Je l’admirais parce qu’elle était la sobriété. Elle meurt en pleine gloire », réagit Paco Rabanne, qu’elle traitait volontiers de « métallurgiste ».

Pierre Balmain retient lui de la dame aux ciseaux, qui a pour devise – « toujours ôter, toujours dépouiller, jamais ajouter; il n’y a d’autre beauté que la liberté du corps » -, « une personne intelligente ». « Elle s’exprimait avec une rare acuité. Sa transcription de l’élégance, dans ses robes, avait cette même qualité ».

Lady Pamela Smith aux côtés de Mademoiselle Chanel, dans le salon de mode de cette dernière, à Londres, dans les années 30
Lady Pamela Smith aux côtés de Mademoiselle Chanel, dans le salon de mode de cette dernière, à Londres, dans les années 30© Getty Images
Paris, 1960, tailleurs en tweed avec une silhouette ajustée, épaules et manches étroites, le style conçu par Coco Chanel.
Paris, 1960, tailleurs en tweed avec une silhouette ajustée, épaules et manches étroites, le style conçu par Coco Chanel.© Getty Images

N°5, parfum du siècle

Mercredi 13. Il y a foule devant l’église de la Madeleine pour les obsèques. Plusieurs milliers de personnes. Toute la haute-couture est venue ou presque – « Pierre Cardin, que Coco Chanel avait maintes fois fustigé, n’était pas là », relève l’AFP – les journalistes de mode, des clientes, des mannequins et, bien sûr, toute la maison Chanel, des vendeuses aux premières d’atelier en passant par les cousettes.

Tous rendent hommage à celle que Jean Cocteau appelait « le petit cygne noir ». L’orpheline aux origines modestes, la demoiselle aux amours malheureuses, l’une des premières femmes à couper court ses cheveux – « parce qu’ils m’embêtent » – en un temps où c’est si inconvenant, la créatrice du N°5, parfum du siècle…

Obsèques de Coco Chanel à l'église de la Madeeine, le 13 janvier 1971. Au centre, Yves Saint Laurent.
Obsèques de Coco Chanel à l’église de la Madeeine, le 13 janvier 1971. Au centre, Yves Saint Laurent.© Getty Images

Le prêtre salue « son esprit mordant » et « son optique d’une mode décente »: « elle était croyante, à sa façon peut-être, mais réellement ».

Et le cercueil disparaît après l’absoute, sous un amoncellement de fleurs blanches, dont une immense couronne de camélias des producteurs de l’opérette « Coco », jouée à Broadway. Avant de gagner le cimetière de Lausanne (Suisse), pour une inhumation dans l’intimité.

Chanel N°5, le parfum des parfums, glamour, mythique et dramatique

Que portez-vous au lit? « Seulement Chanel N°5 », confiait Marilyn Monroe. Immortalisé au cinéma et incarné par des stars comme Catherine Deneuve ou Nicole Kidman, le parfum créé il y a 100 ans est le plus connu et l’un des plus vendus au monde.

En 1921, Gabrielle Chanel, qui casse les codes du vestiaire féminin, arrive avec un parfum tout aussi révolutionnaire. « Son nom, sa senteur associés à la radicalité des lignes du flacon contribue à en faire une icône des Années folles. Par ce simple chiffre qui désigne le numéro de l’échantillon retenu, Chanel rompt avec les tendances et entre dans l’abstraction« , estime Julie Deydier, chargée de patrimoine chez Chanel.

Chanel N°5
Chanel N°5© DR

La couturière souhaite se distinguer de la tradition naturaliste et florale du 19e siècle et concevoir cette fragrance « à odeur de femme » comme une robe haute couture. « Un parfum artificiel, je dis bien artificiel comme une robe, c’est-à-dire fabriqué. Je suis un artisan de la couture. Je ne veux pas de rose, de muguet, je veux un parfum qui soit un composé ». Chargé de cette mission, le parfumeur Ernest Beaux crée une composition qui ne reproduit pas une odeur existant dans la nature.

Le N°5 sent Chanel, immédiatement identifiable par son odeur atypique due à une surdose de molécules de synthèse, les aldéhydes qui apportent de la fraîcheur aux notes florales et lui confèrent son côté « abstrait« .

La simplicité du flacon graphique, noir et ivoire, légèrement modifié au fil des ans, mais gardant sa simplicité intemporelle, tranche avec les présentations opulentes de l’époque. « Je mettrai tout dans le parfum, rien dans la présentation », déclarait Gabrielle Chanel.

Dans une publicité apparue au New York Times en 1928, le parfum de Chanel était comparé à ses tenues « jeunes et modernes ».

Pour une publicité dans des magazines américains en 1937, Chanel choisit d’incarner elle-même le N°5.

A son portrait réalisé par le photographe François Kollar en 1937 au Ritz est associé alors ce texte: « Gabrielle Chanel est avant tout une artiste de vie. Ses robes, ses parfums sont créés avec un parfait instinct dramatique. Le N°5 est comme une douce musique qui souligne une scène d’amour. Il enflamme l’imagination et laisse une trace ineffaçable dans les souvenirs des acteurs ».

Dans les décennies suivantes, le cinéma et les actrices se le sont appropriés, contribuant à l’aura qui fait que ce « parfum des parfums » est parmi les plus vendus au monde.

Une photo de Marilyn Monroe se parfumant le décolleté au N°5 est utilisée en 2013 pour la publicité du parfum qu’ont également incarné Suzy Parker, Catherine Deneuve, Carole Bouquet, Nicole Kidman et dans la toute dernière campagne publicitaire, Marion Cotillard, dansant sur la Lune.

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