La haute couture s’ouvre enfin aux hommes, « de plus en plus d’hommes s’autorisent de la fantaisie »

Rahul Mishra
© Photo by Jana Call me J/ABACAPRESS.COM

Longtemps privilège des femmes, la haute couture s’ouvre à l’homme qui quitte le smoking noir et ose de plus en plus broderies, plumes et paillettes pour le tapis rouge et autres événements exceptionnels.

Des looks masculins vus pendant la semaine de la haute couture à Paris qui s’achève jeudi : « c’est récent et cela montre l’idée d’explorer la couture dans le champ du vestiaire masculin. Le tapis rouge aujourd’hui est aussi masculin que féminin, c’est un élément important », analyse Serge Carreira, maître de conférences à Sciences-Po, spécialiste du luxe interrogé par l’AFP. 

L’acteur américain Billy Porter, 53 ans, a cassé les codes avec ses tenues hybrides smoking-robe à crinoline tout comme Timothée Chalamet, en combinaison dos nu à Venise l’an dernier. « Il y a de plus en plus d’hommes qui s’autorisent de la fantaisie et à être plus coquets. C’est le retour de la culture du XVIIIe, lorsque les hommes, les rois et les aristocrates n’avaient pas peur de s’habiller et d’être flamboyants », a déclaré à l’AFP Pierre Alexandre M’Pelé, directeur éditorial de GQ France. 

Billy Porter ©JohnxPalmerx

Fluidité de genre

L’Américain Thom Browne et le Français Charles de Vilmorin, nouveaux entrants à cette semaine de la haute couture, ont mélangé les genres sur le podium le plus naturellement possible. Le premier avec des costumes gris, sa marque de fabrique, pour lui et pour elle, ainsi que des manteaux futuristes.

Le deuxième avec un vestiaire unisexe dans lequel des pièces peuvent être portées aussi bien par une femme que par un homme. « Si les autres ne le font pas forcément, il faut que je le fasse. Dans la vraie vie, il y a énormément d’hommes qui portent de la haute couture », a déclaré Charles de Vilmorin, 26 ans à l’AFP. Les collections de prêt-à-porter sont pour la grande majorité mixtes, mais la haute couture avec ses robes de soirée et talons vertigineux, était jusqu’ici un privilège des femmes. 

Défilé de Charles de Vilmorin automne-hiver 2023/2024 ©Christophe ARCHAMBAULT / AFP

Costume à paillettes à traîne blanche: le couturier indien Rahul Mishra n’avait initialement pas prévu de le faire porter par un homme. « Les vestes, les manteaux sur mesure n’ont pas été faits avec cette intention, mais quand nous sommes arrivés ici, nous les avons ajustés sur les garçons et ils avaient l’air incroyables », a-t-il confié à l’AFP. 

Le Libanais Georges Hobeika a lui aussi présenté quelques looks masculins comme un ensemble gris, pantalon, chemise, cravate, manteau accessoirisé avec une mini-pochette.

Le Néerlandais Ronald van der Kemp fait depuis la création de la maison en 2024 de la couture mixte parce qu’il aime » les gens excentriques ». 

« La fluidité de genre a sa place dans la haute couture. Il est temps », déclare à l’AFP le couturier français Julien Fournié. Il a « ouvert le propos » mardi en faisant défiler Romain Brau, comédien, performeur et figure LGBT. Couronné d’une tiare sur sa longue chevelure rousse, il portait un vertugadin géant tandis que les femmes avaient des looks militarisés.

« Fort potentiel »

« Les hommes veulent s’habiller en haute couture », assure-t-il. « Ceux qui ont du pouvoir d’achat vont à Londres se faire faire un tuxedo ou des costumes sur mesure qui restent très classiques. Ils veulent de la fantaisie, de la broderie, des pièces en cuir très travaillées », ajoute Julien Fournié. 

Une semaine de la haute couture homme, est-elle envisageable?  « Je ne me hasarderais pas sur ces chemins », dit Serge Carreira pour qui ces looks restent pour l’instant marginaux. « On n’y est pas encore, mais dans quelques année pourquoi pas », estime Pierre Alexandre M’Pelé, ajoutant que ce phénomène a « un fort potentiel ».

La maison italienne Dolce & Gabanna fait par exemple d’ors et déjà des défilés « alta moda » et « alta sartoria » (tailleur couture) pour ceux « qui ont envie de se montrer et ont des moyens pour ». Et si on ne voit pas d’hommes habillés en couture dans la rue, « c’est qu’ils ont des vies beaucoup plus extravagantes que les nôtres », conclut-il. 

Lire aussi: Premier défilé de Pharrell Williams pour Louis Vuitton: notre journaliste y était et raconte

Partner Content