L’industrie textile au Bangladesh doit-elle craindre pour son avenir, après le massacre de Dacca?

Usine textile à Dhaka, Bangladesh © Reuters

La tuerie jihadiste perpétrée dans un café huppé de Dacca sème la crainte d’une fragilisation de l’industrie textile du Bangladesh, secteur clé de l’économie qui approvisionne en vêtements bon marché les grandes marques mondiales d’habillement.

La tuerie jihadiste perpétrée dans un café huppé de Dacca sème la crainte d’une fragilisation de l’industrie textile du Bangladesh, secteur clé de l’économie qui approvisionne en vêtements bon marché les grandes marques mondiales d’habillement.

Des hommes armés ont pris d’assaut le Holey Artisan Bakery, situé dans le quartier diplomatique de Dacca, et tué 20 clients pour la plupart étrangers et à coups de machettes, une attaque visant largement la petite communauté expatriée. L’organisation Etat islamique, qui a revendiqué la prise d’otages, a diffusé des images macabres de corps baignant dans une mare de sang. La plupart des victimes étaient italiennes et japonaises.

L'industrie textile au Bangladesh doit-elle craindre pour son avenir, après le massacre de Dacca?
© Reuters

« Cette attaque va détourner les étrangers » du Bangladesh, craint Faruque Hassan, vice-président de l’association des fabricants et exportateurs d’habillement du Bangladesh, qui représente 4.500 fabricants de vêtements. « L’impact de cette attaque va être très préjudiciable pour le secteur. Nous sommes extrêmement inquiets », a ajouté Hassan, dont le groupe Giant Group fournit des vêtements à des chaînes de distribution comme Marks&Spencer et Next.

Le Bangladesh, deuxième exportateur mondial de textile derrière la Chine, est déjà secoué depuis des mois par une vague de meurtres de membres de minorités religieuses, d’intellectuels et d’étrangers revendiqués par des groupes jihadistes.

La population bangladaise, confrontée à un paysage politique instable depuis son indépendance en 1971, craint de voir le chaos se propager. La police sous pression a arrêté 1.000 personnes en juin en réaction aux assassinats en série. « La crise des otages de Dacca est une tragédie terrible qui montre combien la sécurité s’est dégradée dans le pays », estime Sarah Labowitz, co-directeur du NYU Stern Center for Business and Human Rights à New York. La violence représente « une menace sérieuse pour l’économie », ajoute-t-elle. « Ce type d’attaque va certainement éloigner les acheteurs (de textile) pour quelques mois jusqu’à la saison d’achats des fêtes » de fin d’année.

Le Bangladesh, dont un quart des 160 millions d’habitants vit sous le seuil de pauvreté, affiche une croissance d’environ 6% pratiquement chaque année depuis 2000. Une performance largement portée par les exportations de textile qui représentent 80% des biens exportés chaque année. Le secteur emploie plus de quatre millions de personnes, essentiellement des femmes pauvres venant d’un milieu rural.

La chaîne suédoise H&M, qui s’approvisionne largement au Bangladesh, est « profondément attristée » par le carnage, a dit une porte-parole Ulrica Bogh Lind. « Nous suivons attentivement la situation à Dacca », a-t-elle déclaré à l’AFP.

Destin à la pakistanaise?

Le Bangladesh risque de souffrir des mêmes maux que son rival, le Pakistan, juge Ahsan Mansur, ancien représentant du Fonds monétaire international à Islamabad. « J’ai assisté au déclin d’une économie prometteuse devenue un point chaud du terrorisme. Cette attaque me rappelle cette époque, même si j’espère que cela ne va pas évoluer de la même façon », dit M. Mansur qui dirige désormais le Policy Research Institute, un think tank basé à Dacca. Quand la violence jihadiste s’est développée au Pakistan, se souvient-il, les premiers signes d’affaiblissement financier furent le départ des familles expatriées puis la chute du commerce et de l’investissement. « Que le Bangladesh soit perçu comme un carrefour potentiel pour le terrorisme peut sérieusement nuire au potentiel de nos exportations et à nos perspectives de croissance », estime-t-il.

Mais le Bangladesh est un pays résilient qui a surmonté de nombreuses crises: mouvements sociaux, blocage des transports, paralysie politique et accidents industriels. Ses exportations d’habillement ont progressé de 10% sur 12 mois clos fin juin, à 27,3 milliards de dollars.

L’effondrement du complexe textile du Rana Plaza, qui a tué 1,138 ouvriers en 2013, a choqué dans le monde entier, jetant une ombre sur le fonctionnement des chaînes occidentales d’habillement.

L'immeuble de huit étages Rana Plaza s'est effondré comme un château de cartes, à Savar, une ville à la périphérie de Dacca, le 23 avril 2013
L’immeuble de huit étages Rana Plaza s’est effondré comme un château de cartes, à Savar, une ville à la périphérie de Dacca, le 23 avril 2013© Image Globe

Cette tragédie les a obligées à améliorer les conditions de sécurité dans les usines de leurs sous-traitants locaux, où accidents et incendies sont fréquents.

Les spécialistes de l’industrie textile soulignent que la violence touche de nombreux pays émergents où la main d’oeuvre est bon marché, et que la menace jihadiste est mondiale. « Si les étrangers cèdent à la terreur, le terrorisme aura atteint son objectif politique », relève Devangshu Dutta, directeur général du cabinet de conseil en distribution Third Eyesight, basé à New Delhi.

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