Des années 2000 à la Britney des années 90: ce printemps, la mode sera nostalgique

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© Getty Images
Katrien Huysentruyt Journaliste

Aux défilés des collections du printemps 24, l’influence des années 2000 et antérieures n’a échappé à personne. Et si la mode a toujours été cyclique, cette vague de nostalgie semble aujourd’hui plus profonde.

Alors que la fin des nineties règne actuellement sur les podiums et sur TikTok, d’autres décennies résonnent simultanément. En tête : les années 2000, y compris le total look denim à la Britney Spears et Justin Timberlake de 2001 que l’on retrouve chez Alexander McQueen, Glenn Martens pour Diesel, Valentino et Chanel. Les créateurs jettent également leur dévolu sur un passé plus lointain.

Ainsi, Maison Margiela, Victoria Beckham, Proenza Schouler, Helmut Lang, Loewe et Bottega Veneta ont exhumé des combinaisons de travail des eighties. Pas de saison mode non plus sans références aux années 70, ici chez Dries Van Noten, Roberto Cavalli et Michael Kors. Nicolas di Felice, pour sa part, s’est inspiré de l’iconique space age d’André Courrèges. Enfin, Marni, Miu Miu et Missoni ont créé des minirobes de style sixties. La nostalgie est bel et bien de mise.

En psychologie sociale, ce sentiment est considéré comme un mécanisme de défense neurologique qui nous protège des pensées et des situations négatives. Constantine Sedikides et Tim Wildschut, deux professeurs britanniques qui ont participé à un programme de recherche autour de ce phénomène, ont constaté que la nostalgie stimule la connexion avec les autres, mais aussi avec nous-mêmes. Elle aide à voir dans le passé un sens et une continuité. Elle favorise également l’optimisme, l’inspiration ou la créativité, des caractéristiques liées à la force mentale. Regarder en arrière donne l’énergie d’aller de l’avant.

La nostalgie peut reposer sur des événements positifs d’antan, vécus ou imaginés. L’anémie est la nostalgie d’une époque que l’on n’a jamais connue.

Le Prince de Bel-Air © Getty Images

Anti-stress

De quoi répondre immédiatement à la question de savoir pourquoi la société actuelle est imprégnée de nostalgie. Les gens n’aiment pas les changements qui les rendent anxieux de l’avenir. Cela renforce l’attrait du temps passé, où tout semblait aller pour le mieux. Ainsi, tout en rêvant, nous érigeons un mur de défense contre toutes les menaces – des pandémies aux crises climatiques et énergétiques, en passant par les guerres. La numérisation accélérée et l’impact de l’IA nous déstabilisent eux aussi. Et le fait de se remémorer une période apparemment plus calme contribue donc à rétablir la confiance et la stabilité.

S’il est une plate-forme sur laquelle les tendances à la nostalgie se succèdent à la vitesse de l’éclair, c’est bien TikTok. Comment un public majoritairement jeune peut-il être nostalgique d’une époque qu’il n’a jamais connue ? Selon le philosophe américain Felipe De Brigard, ce sentiment va au-delà des expériences personnelles et englobe les désirs.

La mémoire l’engage de manière créative. La nostalgie peut reposer sur des événements positifs d’antan, vécus ou imaginés. Celle d’un temps que l’on n’a jamais connu s’appelle l’anémie. La fausse mémoire est influencée par des histoires et de la propagande sur le passé. Sur cette base, notre cerveau crée une simulation de ce à quoi aurait pu ressembler ce lieu ou cette époque, et l’on en ressent la nostalgie. Ce mécanisme fonctionne surtout lorsque l’on n’est pas satisfait du présent.

Victoria Beckham

Déclenchement digital

Ainsi, nombreux sont ceux qui pensent que la vie était meilleure sans les réseaux sociaux. Pour la Génération Z, l’appel des années 90 et 2000 ne réside pas nécessairement dans un survêtement en éponge, des sourcils taillés ou des jeans taille basse, mais dans l’attrait d’une époque plus simple, où la vie semblait plus facile. Cela alimente également l’amour pour des supports non numériques comme les cassettes (vidéo) et les vinyles ou les écouteurs sans Bluetooth.

Toutefois, c’est précisément la technologie qui déclenche la nostalgie d’une époque plus lente et sans connexion. On peut rester en contact avec de vieux amis par l’intermédiaire des réseaux sociaux, rechercher sur Google un souvenir flou, regarder en continu n’importe quel type de série, de film ou de musique, ou acheter en ligne aux enchères des gadgets vieux de trente ans. Dans un monde changeant et imprévisible, les tendances évoluent encore plus vite et le cycle se raccourcit. Qui n’a pas, lors de la pandémie, fait défiler avec émotion les sorties entre amis qui avaient eu lieu quelques mois auparavant seulement ?

Courrèges


La Génération Z fait vibrer son anémie à travers les scénarios fictifs de Friends, Le Prince de Bel-Air, Sex and the City et une vaste archive numérique de photos vintage de paparazzi et de tapis rouges. Ou par le biais du passé mythifié de The Crown, The Super Models et That ’90s Show. Le succès des expos 90’s à la Huis van Alijn, à Gand, 1997, Fashion Big Bang au Palais Galliera de Paris et sans doute Naomi au V&A de Londres plus tard dans cette année alimentent et prouvent la nostalgie collective.

Pour la Génération Z, l’appel des années 90 ne réside pas dans un survêtement en éponge, mais dans l’attrait d’une époque plus simple, où la vie semblait plus facile.

Entre-temps, les producteurs surveillent de près l’évolution de la tendance. Après tout, ce sentiment est très lucratif car il crée un fort attachement émotionnel aux produits. Qu’il s’agisse du film Barbie, de la relance de la peluche Furby ou du retour des cartes Pokémon, les objets qui évoquent la nostalgie sont souvent des jouets, en raison des souvenirs de l’insouciance de l’enfance. Ce mécanisme est aujourd’hui activement cultivé par les spécialistes du marketing, pour commercialiser des boissons gazeuses, mais aussi pour récolter des votes pour les partis politiques.

Britney Spears & Justin Timberlake © WireImage
Défilé Chanel printemps 2024

Rester ou avancer

Les chercheurs y voient donc un revers de la médaille, soit un lien entre la nostalgie et le succès des campagnes populistes et des conservateurs promettant un retour au bon vieux temps, même si cette version édulcorée n’a jamais vraiment existé. Tout ce qui favorise les liens au sein d’un groupe peut en outre accroître les sentiments négatifs à l’égard des étrangers – idéal pour la propagande nationaliste. Et ce alors que la nostalgie sert justement à nous inspirer et à nous motiver pour l’avenir. En pensant au passé, au présent et au futur, nous créons de nouveaux liens. Elle peut dès lors favoriser la créativité et être une force de changement positif.

Pour en revenir à la mode, là aussi, les revivals ne sont jamais des copies aveugles de l’original. Pour la saison prochaine, Fendi fait un clin d’œil aux créations de Karl Lagerfeld pour l’été 99. Gucci renvoie à l’été 96 et à l’ère Tom Ford. Quant à Donatella, elle a puisé dans l’héritage de Gianni Versace et s’est inspirée de 1995. Ainsi, les souvenirs qui forment l’identité de la maison deviennent la base de nouvelles histoires.

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