Baptiste Giabiconi, héritier de Karl Lagerfeld, revient pour nous sur leur amour hors normes

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A 30 ans, celui qui fut pendant onze ans la muse de Karl Lagerfeld publie un livre de souvenirs qui lève le voile sur la relation particulière qui le liait au créateur de la maison Chanel. Un amour hors normes, nourri d’une fascination réciproque, qui a bouleversé toute sa vie.

« Personne ne peut s’imaginer devenir la muse de Karl Lagerfeld. Avant de croiser sa route, il était pour moi cet homme au catogan, mystérieux et reconnaissable entre tous, le big boss de la maison Chanel. Intouchable. Je suis arrivé à Paris, moi le petit gars de Marseille, sorti d’un milieu modeste, avec une soif de réussir mais sans savoir comment j’allais y arriver. Il y a un destin pour chacun, des lignes de vie qui se croisent. Au début de la mienne, j’ai eu la chance de faire de belles rencontres, en particulier celle de Karl Lagerfeld. Je ne me suis jamais privé de ses conseils. Il me guide encore aujourd’hui dans ce que je fais et j’espère pouvoir accomplir la même chose. C’est pour cela que j’ai ouvert Wonderwall, une agence qui gère entre autres l’image de Léa Elui, l’une des influenceuses les plus populaires d’Europe. Pour partager à mon tour mon expérience avec de jeunes talents. »

« J’avais besoin de me sentir transcendé par quelque chose de plus fort que moi »

« On est le produit des faits marquants de son existence. La séparation de mes parents m’a sans doute fait grandir trop vite. Enfant, j’étais pressé de devenir adulte. Je n’ai jamais été nostalgique de cette période de ma vie. Très jeune, j’ai ressenti l’envie d’être libre, passionné. Je me suis toujours senti singulier. J’avais besoin de me sentir transcendé par quelque chose de plus fort que moi. Ma vie a véritablement commencé le jour où j’ai rencontré Karl, le 8 juin 2008. Une date que je porte tatouée sur mon coeur en chiffres romains. »

« La foi m’accompagne depuis l’âge de 12 ans. Cette croyance dans le Christ ne me lâchera jamais. C’est elle qui m’a permis, toujours, de surmonter les moments difficiles. C’est un cadeau de la vie qui m’a aidé à dépasser la perte de l’homme que j’aimais profondément. Karl n’était pas croyant mais je sais, moi, que je le reverrai là-haut. Ecrire ce livre aura pour moi fait oeuvre de thérapie. L’occasion de revivre tous les bons moments que nous avions passés ensemble. C’est mon devoir de faire perdurer la mémoire du Karl que je connais, un homme brillant, généreux qui n’était jamais dans le jugement mais dans l’écoute. Un vrai patriarche pour les membres de la famille qu’il s’était choisie. »

« J’étais amoureux de l’amour que nous avions l’un pour l’autre. Un amour atypique. Passionné et platonique. Complètement sorti de nulle part. Du même ordre, m’a-t-il confié un jour, que ce qu’il y avait eu entre lui et Jacques de Bascher (NDLR : dandy parisien qui fut le compagnon de Lagerfeld), la folie destructrice en moins. Il y avait une fascination réciproque, je suppose. On aimait simplement passer du temps ensemble, on se comprenait d’un seul regard. Je ne lui parlais pas de mes flirts, de mes histoires de coeur, c’est une règle qui s’est instaurée implicitement entre nous. Il n’était pas jaloux, il me voulait juste auprès de lui le plus souvent possible. J’ai été le témoin privilégié de ses moments de création, de ses questionnements aussi. Lui qui a eu 1000 vies, il se retrouvait en moi. La différence d’âge entre nous – nous avions 57 ans d’écart – ne nous a jamais dérangés. Moi, j’étais une page blanche sur laquelle tout était encore à écrire. Il est devenu le modèle sur lequel je me suis calqué. Cette empreinte me colle à la peau et j’en suis fier. »

La lutte contre l’homophobie reste et restera l’un de mes plus grands combats

« Les regards sur mon corps ne m’ont jamais gêné. Il y a pire à supporter. Ce corps, je l’ai façonné grâce au sport, à la musculation, ça ne dépendait que de moi d’en faire ce que je voulais, de mettre toutes les chances de mon côté pour réussir. La beauté est un concept bien subjectif. La perfection physique ne suffit pas, au final ce qui compte, c’est ce que l’on dégage. J’ai appris à m’endurcir face aux critiques. En revanche, la haine homophobe qui s’est déversée sur les réseaux sociaux suite à la sortie de mon livre me scandalise et je ne laisse pas passer. La lutte contre l’homophobie reste et restera l’un de mes plus grands combats. »

« Il y a un âge pour en faire des caisses. Vous croiserez toujours des gens pour vous dire que vous en faites trop. Et peut-être que c’est vrai par moment. A 18 ans, j’avais le sang neuf d’un garçon plein de fougue et d’envies, je prenais plaisir à me dévoiler, à choquer parfois par les tenues que je portais. Ce n’était pas prémédité, je prenais du plaisir, c’est tout. C’était aussi une manière pour moi d’être à la hauteur de Karl, car lui aussi en faisait trop, tout le temps. »

« Vieillir, c’est un privilège. J’ai eu le meilleur mentor pour comprendre que la vie n’est pas un sprint mais une course de fond, même si aujourd’hui la crise que nous traversons nous rappelle cruellement que tout peut s’arrêter d’un jour à l’autre. Pour durer, ce qui compte, c’est la pertinence et cela implique de ne pas se précipiter. C’est dans les dernières années de sa vie que Karl était à son apogée. Son secret, c’était de toujours avoir un coup d’avance sur son temps. »

Karl et moi, par Baptiste Giabiconi avec la collaboration de Jean-François Kervéan, Robert Laffont.

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