Pourquoi les amours de vacances virent souvent au fiasco? L’avis de 3 sexologues

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Isabelle Willot

Serions-nous programmés pour tomber amoureux en vacances? Ces histoires, dont on aime se souvenir avec nostalgie, ont bien peu de chances de durer toute la vie. Et c’est peut-être même mieux comme ça. Trois sexologues nous expliquent pourquoi.

Il n’y a pas plus vu et revu que ce pitch-là. Parce que c’était elle, parce que c’était lui, un peu de plage par-ci, de mojito par-là, tout s’embrase… et puis s’éteint, mais pas trop vite, comme pour mieux laisser sur les lèvres ce petit goût de trop peu qui embellira les souvenirs et fera rêver, en mode « et si? », d’une autre fin.

Avec l’été revient donc l’éternel fantasme des amours de vacances, inépuisables source d’inspirations pour les tubes guimauves qui une fois dans l’oreille ne vous lâchent jamais. La raison n’y fait rien, les applications de rencontre non plus: ces aventures sous le soleil ont encore aujourd’hui des saveurs à nulles autres pareilles.

Rares sont celles qui débouchent pourtant sur une relation stable. Et c’est peut-être d’ailleurs pour cela qu’on n’y renonce pas. Nous avons demandé à trois sexologues ce qui nous pousse ainsi à tomber dans le panneau.

Pascal de Sutter, sexologue, fondateur de l’académie des arts de l’amour

Tout est propice aux rencontres. « Pendant l’année, on a parfois peu d’opportunité en dehors du milieu du travail… ce qui en plus est plutôt mal vu aujourd’hui. En vacances, en revanche, les gens sont dans un état émotionnel plutôt positif. Ils sont là pour s’amuser, avoir du plaisir, vivre sans les contraintes du quotidien. Et sont donc plus réceptifs aux relations à caractère amoureux ou sexuel ».

Les sens sont en éveil. « L’environnement a un impact sur le comportement humain : souvent, il fait beau, les journées sont plus longues, les soirées sont parfois un petit peu arrosées. Les hommes comme les femmes vont faire un peu plus d’efforts de présentation, ils sont un peu plus dénudés, l’ambiance est plus sensuelle, la vue, l’odorat sont stimulés de manière positive. Même dans les couples stables et établis, on observe une augmentation des rapports sexuels pendant les vacances: ils sont moins stressés et ne sont plus dans l’ambiance métro boulot dodo avec les enfants ».

Les contraires s’attirent. « En vacances, on peut être amené à rencontrer des gens de milieu et de culture que l’on ne côtoie pas d’habitude. La différence fait partie des stimuli à caractère sexuel. On est aussi moins exigeants que d’ordinaire: on se dit que c’est juste pour les vacances. Les critères ne sont pas moins élevés, ils sont juste différents, le côté physique ou le charisme vont sans doute primer sur l’intellect. C’est aussi en partie pour cela que cela dure rarement toute la vie ».

En amour on ne prête qu’aux riches. « Si vous êtes en manque, si l’autre sent un besoin, un désespoir, ce côté  » affamé  » agira comme un repoussoir. Mais il faut aussi que votre radar soit en mode ouverture. C’est comme cela que deux personnes qui dans le métro ne se seraient peut-être même jamais regardées peuvent avoir un coup de foudre en se croisant sur la plage. Il faut être conscient de sa propre valeur et c’est un challenge ».

C’est un beau roman , c’est une belle histoire. « Le facteur essentiel c’est ce goût de trop peu: c’est lui qui rend le souvenir plus vivace. Même s’il y a une petite tristesse au moment de la séparation, une petite déception que l’autre ne donne pas suite, c’est toujours moins douloureux qu’un divorce! Parce que les attentes étaient moins élevées, il n’y aura pas la même rancoeur que vis-à-vis d’une personne avec laquelle on a vécu ».

Caroline Styns, sexologue au Louise Medical Center à Bruxelles

Il suffira d’une étincelle. « Que ce soit à la plage, à la montagne, ou dans des conditions de sports extrêmes, dès que l’on est dans un contexte intrinsèquement différent du quotidien, l’amour est facilement au rendez-vous. Les gens ont conscience de faire des rencontres et de vivre une relation qui sans doute n’aurait jamais pu se produire dans la vie « réelle ». L’autre, parce qu’on le découvre justement hors du quotidien, de ses soucis, de son travail, est forcément idéalisé, plus encore même que lors de n’importe quel début d’histoire ».

L'été, éternelle saison des amours ? L'avis de 3 sexologues
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Un jour à la fois. « Pour ceux et celles qui ont peur de l’engagement, nul besoin de spéculer sur l’avenir car la durée des vacances et de l’histoire est connue… Les retrouvailles si elles ont lieu, ne sont pas toujours à la hauteur des espérances : celui ou celle avec qui on espérait faire un petit bout de chemin peut ne plus du tout correspondre à nos attentes. Le maillot de bain coloré qui laisse place à une tenue plus stricte, c’est tout de suite moins sexy. Les rendez-vous romantiques sur la plage un cocktail à la main sont terminés, l’attirance peut ne s’appliquer qu’à un certain contexte et si l’on en sort on peut même se demander comment on a jamais pu craquer pour cette personne-là ».

On n’a que le bien que l’on se fait. « A condition de parvenir à ne pas trop se mettre la pression, ces histoires sont des parenthèses agréables, qui rendent la vie douce et légère, des moments saisis qui aident à tenir. Comme tout cela tient sur une période courte qui en plus s’est souvent bien passée, même les ruptures sont douces car elles sont dues au fait qu’on est obligé de se séparer une fois les vacances terminées: ces relations ne sont pas abîmées par les épreuves, le quotidien, le souci, le stress… Elles sont comparables à une sorte de feu de paille, c’est très intense, ça fait beaucoup de bruit, on en parle beaucoup mais ça s’éteint aussi vite que ça s’est embrasé. Revenir de vacances, c’est à la fois doux et triste, même s’il n’y a pas eu de rencontre, car il faut ensuite se replonger dans sa vie, on a du mal à tourner la page… Et c’est ce sentiment qui nous pousse finalement à penser déjà aux prochaines vacances ».

Puérile idylle. « Peut-on vraiment parler d’amour? Ce sont plutôt des idylles qui marquent encore plus lorsque l’on est adolescent. L’intensité est bien là, on vit une sorte d’escapade, les deux amoureux savent qu’ils ont peu de temps et doivent donc profiter à fond de tout ce qui s’offre à eux. Ils sont complètement centrés sur eux-mêmes et sur l’autre, tout ce qu’ils vivent est décuplé, les sensations, les sentiments, les émotions… Plus on est jeunes, plus ces histoires nous touchent et ont tendance à être idéalisées. C’est aussi ce que nous donne envie de les revivre adulte également ».

L'été, éternelle saison des amours ? L'avis de 3 sexologues
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Charlotte Leemans , sexologue à la Clinique de la Sexualité du Grand Hôpital de Charleroi.

L’excitation de l’interdit. « Comme ce sont des amours spontanées, pas vraiment officialisées, les amants se retrouvent souvent en cachette, cela donne à cette histoire un petit parfum d’interdit, pimenté parfois par le fait de faire l’amour dans des endroits insolites. On a l’impression de vivre un moment privilégié, d’autant plus unique que l’on sait bien, au fond de soi, que cela ne durera pas. Il y a du désir bien sûr… mais pas que car le couple ne se contente pas de faire l’amour, ils passent des moments ensemble, se découvrent ».

Mieux qu’en vrai. « L’humain a souvent tendance à déformer la réalité: il va idéaliser le moment agréable qu’il a vécu, amplifier le souvenir de manière positive… A l’inverse, il grossit aussi le trait quand c’est négatif. Du coup, il peut parfois s’attendre au pire et découvrir que les choses ne sont pas si mal que cela après tout ».

En tirer le meilleur. « Certaines personnes parviennent très bien à compartimenter leurs vies, à se dire là j’ai du plaisir, je le prends et quand je retourne à mon existence normale, et que cela s’arrête, je passe à la suite sans souci. Ces gens-là vivront très bien leurs amours de vacances. D’autres en revanche, ne supportent pas que ça se termine et sont à ramasser à la petite cuiller. Plus le sevrage est dur à vivre, plus ils hésiteront peut-être à retomber amoureux l’été suivant, ils se montreront plus prudents. En pratique, pourtant, c’est difficile de résister! On est bercé à la sauce romance dans les films, les séries, ces amours font partie de la mythologie des vacances. Même si la raison dit non, on craque pour cette bulle d’air, ce moment un peu magique et tant pis si le retour à la réalité peut s’avérer très violent ».

Parenthèses enchantées. « Plus on est jeune, moins on se résigne à ce que cela se termine. A 17 ou à 37 ans, on n’appréhende pas une telle aventure de la même manière. On peut être tenté de communiquer à distance, de garder contact… Et parfois cela débouche sur des relations par intermittence, un peu éphémères, où les amants se donnent de temps en temps rendez-vous dans des villes différentes et continuent leur idylle cachée ».

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