Puisant dans son histoire les codes de son renouveau, Moscou s’émancipe au contact d’artistes et d’acteurs iconoclastes qui jettent les bases d’une nouvelle donne russe, entre hyper- capitalisme et création ex-nihilo. Suivez-nous pour un week-end trendy et original.

Habituée à la folie des grandeurs, Moscou est depuis toujours une ville tentaculaire qui se conjugue au superlatif : preuve en est, la dimension de la place Rouge, du Kremlin et du Goum face auxquels on déambule comme des Lilliputiens. La force du pouvoir campe là, dans cette échelle démesurée qui semble inexorablement défier le temps. Et pourtant, la capitale russe affiche aujourd’hui, avec une détermination digne de l’armée Rouge, une volonté de s’ouvrir et de se moderniser. Preuve en est, l’île de Bolotny et son immense chocolaterie en brique rouge du XIXe siècle qui s’émancipent à deux pas des lieux du pouvoir : située entre l’immeuble des purges staliniennes et la cathédrale du Christ-Sauveur, l’ancienne Fabrique de Chocolat d’Octobre Rouge, haut lieu des révoltes bolcheviques de 1917, a récemment été reconvertie en une vaste plate-forme artistique. Bars, restaurants et galeries d’art y pullulent. La troisième biennale d’art contemporain a investi les lieux en 2009 et l’architecte Rem Koolhaas a été convoqué pour ériger, en un temps record, le Strelka Institute for Media, Architecture & Design. Non sans que quelques promoteurs immobiliers ne veuillent, au passage, tirer la couverture à eux et convertir certains espaces en lofts industriels pour oligarches… Entre créativité, pouvoir et oligarchie, ce nouveau cocktail Molotov semble fin prêt pour relancer Moscou à l’heure internationale. n

1. DORMIR AU RADISSON ROYAL UKRAINIA

Installé au sein de l’une des Sept S£urs – immeubles crypto-gothiques modelés entre 1948 et 1957, sur ordre de Staline, d’après l’Empire State Building de New York -, le Radisson Royal Hotel se découvre comme une adresse où le luxe a été orchestré en grande pompe. Passés les fastueux lustres et la collection de peintures d’époque dans le vaste hall en marbre, on découvre d’opulentes chambres habillées de velours bleu de Prusse ou de soie moirée. Une fois dans sa chambre, force est de constater que l’on se sent ici davantage dans un Four Seasons que dans un Radisson. Principal atout de l’hôtel, le bateau-croisière privatif permet de suivre le cours de la Moskva jusqu’au Kremlin pour découvrir la cité des tsars au fil de l’eau. Au retour, à la tombée du jour, le restaurant gastronomique italien, situé entre les pics gothiques qui coiffent la tour, offre une vue sans fin sur Moscou et sa nouvelle  » City  » en pleine construction.

Radisson Royal Hotel. 2/1, Building 1, Kutuzovskiy Prospekt. Tél. : +7 495 221 5555.

www.radisson-hotels.ru/royal-moscow

2. STATIONNER AU GARAGE

À l’image de Londres et de New York, Moscou transforme elle aussi avec élan entrepôts abandonnés et usines désaffectées en plate-formes de création artistique. Sous l’impulsion de Dasha Zhukova, fille d’oligarques passionnée d’art – et accessoirement compagne du milliardaire Roman Abramovitch -, la silhouette constructiviste de l’ancien garage de bus construit en 1926 par l’avant-gardiste Konstantin Melnikov s’est mué en une vitrine ultrapointue de l’art contemporain, tout simplement baptisée Garage. 8 500 m2 néo-industriels accueillent désormais le nec plus ultra de la scène artistique locale et internationale, enthousiaste à l’idée que l’art contemporain trouve enfin écho en Russie. Si les toiles colorées de Mark Rothko, les sculptures champignons de Carsten Höller, les films de Francesco Vezzoli ou l’exposition Russian Utopia y étaient présentés en 2010, cette année, les expositions How Soon is now ?, The New Decor et Vinyl : Records and Covers by Artists ont tenu le haut de l’affiche.

Garage, 19A, Ulitsa Obraztsova. Tél. : +7 495 645 05 20. www.garageccc.com

3. AIMER LE DESIGN DE DIMA LOGINOFF

Jouant allègrement avec les codes russes – une lampe en forme de poupée matriochka ou du mobilier qui s’approprie les codes de la danse classique -, le jeune designer Dima Loginoff rafle toutes les récompenses. Depuis sa sortie de l’International Design School moscovite et de l’Institute of Interior Design Rhodec londonien en 2008, il a été nommé Young designer of the Year aux ELLE Décor International Design Awards 2010 avant d’être récompensé à Maison & Objet, à Paris, en septembre dernier. Sur place, il dévoilait Curl My Light (une lampe dont les traits épais semblent figés en trois dimensions), Dounyasha (une collection de fauteuils inspirés des ballets du Bolchoï) ainsi que la très graphique Cage Lamp (photo), l’iconoclaste Chaos Coffee Table et l’anguleuse Nude Box qui prend des airs de rocking-chair minimaliste. Celui que l’on s’est empressé de surnommer le Jaime Hayon du design russe ne devrait pas tarder à refaire parler de lui à travers cette fois de nombreux projets d’aménagements intérieurs.

http://dimaloginoff.com

4. SHOPPER TRENDY AU KUZNETSKY MOST 20

Située dans un bâtiment historique converti en magasin trendy par Brodsky Bureau, l’agence d’architecture russe la plus talentueuse du moment, la boutique Kuznesty Most 20 (KM20) s’est imposée à la pointe de la tendance. À la fois concept-store et café branché, on découvre au sein de cet espace minimal blanc optique les dernières collections des marques de mode les plus en vue : Adam Kimmel, Marios Schwab, Dover Street Market, Commuun, Ashish ou Raf Simons tandis qu’un DJ anime l’arrière-boutique en passant quelques vinyles underground. Baigné de lumière naturelle zénithale et construit à partir de cagettes et de lattes de bois peintes en blanc, le café ressemble à une installation architecturale temporaire. Dans le même esprit, la jeunesse russe s’y retrouve pour assister, au choix, à un concert improvisé, au lancement d’un fanzine ou à un happening déguisé…

20, Kuznetsky Most Prospect. Tél. : +7 495 623 7888. www.kuznetskymost20.ru

5. ÉTINCELER À LA MAISON BACCARAT BY STARCK

Début 2008, la cristallerie Baccarat s’est offert le luxe de rempiler avec Philippe Starck pour qu’il habille (et déshabille…) une ancienne officine créée au XVIIIe siècle sur un décret du tsar Pierre le Grand, rue Nikolskaya, à deux pas de la place Rouge. Murs décapés délibérément laissés à l’état brut et ambiance aristocratique décadente collent à la peau de ce décor féerique, où la pureté et la fragilité du cristal contrastent, dans la Cristal Room à l’étage, avec les veines historiques qui courent le long des murs en pierre de taille et cette vaste cheminée sculptée en bouche d’ogre qui se gorge de feu le soir venu. Passé le rez-de-chaussée où les collections de bijoux, arts de la table et accessoires sont exposés, le visiteur découvre un univers ciselé de reflets : là, les tables du restaurant gastronomique proposent une cuisine française inspirée des goûts russes, emmenée par les chefs français David Desseaux et David Hemmerlé. Une grande dame historique se nourrit de son passé pour faire briller le présent.

Baccarat. 19-21, Nikolskaya street. www.baccarat.fr

6. ZOOMER SUR LE FUTUR AU STRELKA

Au c£ur de Moscou, en attendant la transformation de l’île Bolotny en appartements et bureaux, le Strelka Institute for Media, Architecture & Design a investi, depuis le printemps dernier, les anciens locaux en brique de la célèbre Fabrique de Chocolat d’Octobre Rouge. Piloté par l’architecte néerlandais Rem Koolhaas (photo), le projet offre enfin une plateforme éducative d’échanges et de dialogue sur des disciplines quelque peu empesées par l’histoire russe. Think tank contemporain établi sur la base d’une fondation, Strelka devient de facto une extension universitaire où architectes, intellectuels, designers et professionnels des médias se rejoignent pour imaginer, sans contraintes politiques, le futur urbain de Moscou et de la Russie.

Strelka Institute. 14, bldg. 5A, Bersenevskaya emb. Tél. : +7 495 771 74 37. www.strelkainstitute.com

7. MANGER ARTY À L’AKADEMIA

En vue du Kremlin, l’ancienne Chocolaterie d’Octobre Rouge accueille désormais Akademia, un restaurant déployé tout en longueur dans un espace de béton brut rythmé de colonnes d’acier. Dès l’entrée, on goûte au talent visionnaire du propriétaire des lieux, l’architecte, restaurateur et galeriste Evgeni Mitta, fils d’un des plus grands réalisateurs soviétiques et entrepreneur à succès, connu pour avoir lancé Suzy Wong Bar, Keks Café ou Lutch ces dix dernières années. Loin des décors bling-bling dont les Russes raffolent, on plonge dans un univers digne de Back in USSR des Beatles, mais avec un twist contemporain. Des dizaines de canapés Chesterfield vintage chinés en Belgique ou en Allemagne répondent à des £uvres d’art contemporain signées Pavel Pepperstein, AES, Valery Koshlyakov, Vladimir Dubossarsky & Alexander Vinogradov… Un lieu et une atmosphère uniques.

Akademia. Kamergersky pereulok 2. Tél. : +7 495 692 9649.

8. DÉCOUVRIR L’ART DANS LA RUE

Oxana Bondarenko fait partie de ces jeunes femmes libres dans leur tête comme dans leur vie : après avoir travaillé trois ans en tant que médecin en Russie, elle s’expatrie momentanément à Paris pour apprendre le français et étudier l’art contemporain. Au terme de ce cursus, elle travaille avec le commissaire Nicolas Bourriaud sur la notion de performance artistique et s’engage ensuite auprès de collectionneurs russes pour les aider à monter des fondations ou les conseiller dans leurs achats. Partageant désormais sa vie entre la Russie et la France, elle se passionne pour le Street Art et a notamment fait venir des artistes reconnus dans cette discipline comme Zevs, L’Atlas, YZ, C215 ou Jana & JS à Moscou pour leur faire réaliser des fresques en vue du Kremlin ou aux centres d’art contemporain Winzavod et Art Play grâce à la structure The July 16 qu’elle dirige…

http://thejuly16.com

9. SE RHABILLER CHEZ ALENA AKHMADULLINA

Ultracréative, presque atypique, la jeune styliste Alena Akhmadullina évolue dans un univers peuplé de fantasmes, songes et oiseaux fantastiques. À deux pas de la place Rouge, on pénètre dans sa boutique comme dans un monde merveilleux rehaussé de rouges cramoisis, bleus durs, poutrelles en métal martelé et dorures d’antan pour apprivoiser, sur deux étages, des coupes parisiennes et des silhouettes d’une élégance rétro. Prisée des fashionistas et des stars de la télévision ou des actrices moscovites, sa mode a même conquis les capitales européennes où elle a défilé de nombreuses saisons depuis 2005 à Paris et Milan. Dans son sillage, et celui de la Design Academy de Saint-Pétersbourg où elle a fait ses classes, la créativité russe est en marche.

Alena Akhmadullina. Nikolskaya, 10/2. Tél. : + 7 495 621 08 92.

http://alenaakhmadullina.com

10. DÎNER LÉGER AU BAR STRELKA

Attenant au nouveau Strelka Institute, le Strelka Bar ouvert en mai dernier est le nouveau bar à la mode. Déployé sur deux étages en été, grâce à une terrasse panoramique qui fait face à la cathédrale du Christ-Sauveur, il accueille de nombreux concerts live et des batailles de DJ venus des quatre coins du monde. Au rez-de-chaussée, un décor néo-industriel mêle banquettes en cuir capitonné, poutrelles métalliques, lustres en verre, briques et bois précieux. Tout pour réunir, en un seul et même lieu, intelligentsia et glamour moscovites. Côté cuisine, le parti pris est tout aussi exigeant : privilégiant les produits de saison et les producteurs locaux, on y découvre des mets rares à Moscou comme un taboulé de quinoa ou une salade de cresson, radis et £ufs de caille. L’heure est au rustic’chic !

Bar Strelka, 14, bldg. 5, Bersenevskaya. Tél. : + 7 495 771 7417.

www.barstrelka.com

PAR MARIE LE FORT

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