Barbara Witkowska Journaliste

Nathalie Elharrar, Estelle Yomeda et Cyd Jouny… Après avoir ouvré pour les autres, ces trois jeunes créatrices lancent leur propre griffe. Zoom sur les futures  » grosses pointures  » de la chaussure.

Des collections pur luxe

Nathalie Elharrar

Les hits. Elles sont griffées La Rare. Parmi les fabuleuses créations de Nathalie Elharrar, on épingle le modèle Cordelia, hissé sur un talon compensé en bois laqué de 12 cm, l’escarpin iconique Ditta, équipé d’une semelle rigide en chrome sur plateau et talon de 14 cm, et le modèle Kika, perché sur un original talon  » stiletto  » en métal et bois clouté. Sans oublier les bottines sexy-rock’n’roll Theodora (les préférées de Nathalie) et les cuissardes scénographiques de superhéroïne Superlena.

Sa différence. Une vision très personnelle de la chaussure à la frontière de plusieurs univers. On y retrouve, notamment, l’iconographie glamour des années 1950, incarnée par la pin-up Betty Page, l’ambiance des BD des années 1960 et les performances techniques utilisées dans l’architecture contemporaine, celle de Frank Gehry, par exemple.  » Je dessine des chaussures pour les femmes qui ont des attitudes et des postures, s’enthousiasme Nathalie Elharrar. Mes chaussures vont les affirmer davantage même si elles les entravent. Je me positionne dans le vrai luxe où il n’y a pas de rapport utile à l’objet.  » Sa marque de fabrique ? Un anneau métallique. Placé sous la semelle, il  » décale  » le modèle et délivre un message ambigu.

Bio express. Après avoir étudié le design industriel à Toulouse, Nathalie découvre une école de chaussures (aujourd’hui disparue) et se destine à la création, sa passion depuis toujours. Son parcours professionnel est impressionnant : Carel, Balmain, Michel Klein, Thierry Mugler et Karl Lagerfeld (auprès de qui elle restera cinq ans) font appel à sa force créative. Prête pour l’aventure en solo, elle lance sa propre marque en mars 2007. Nathalie enseigne également  » l’art jubilatoire de bien chausser les dames  » à l’Institut français de la mode à Paris.

Estelle Yomeda Le rétro-chic parisien

Les hits. Une collection forte et sexy, saupoudrée de charme nostalgique et d’une note d’humour. Les lignes sont souples et graphiques. Les n£uds et les clous, ornements fétiches d’Estelle Yomeda, se font démesurés. Côté matières, le lin se marie au daim velours, au cuir vernis et à la toile rayée. Les coloris banane, chocolat et sable sont réveillés par des teintes plus vitaminées comme le fuchsia, l’orange et le citron vert. Les talons ? Ils sont raisonnables (8 cm maxi) et bien  » dodus  » pour arpenter les trottoirs d’un pas vif et énergique.

Sa différence. Fille d’une mère alsacienne et d’un père togolais, Estelle Yomeda crée des chaussures à son image :  » métissées « . C’est elle qui relance le  » bout rond  » dès 2000 et innove dans le métissage des matières. Lins, feutres, soies, velours et cuirs cohabitent toujours sans fausse note dans une palette chromatique harmonieuse et appétissante. L’opus qui l’a rendue célèbre ? Les mules bleu électrique à très grosses fleurs que portait Björk au Festival de Cannes en 2000.

Bio express. Dans une vie antérieure, le travail de cette artiste plasticienne de formation portait sur le végétal, la ligne et le geste. Ses idoles s’appelaient alors Cy Twombly, Nils Udo et Basquiat. Puis elle a appris le métier de bottière au côté de Maurice Arnoult, bottier mythique de Belleville, près de Paris, et l’a peaufiné au studio Yves Saint Laurent, en y réalisant des chaussures de A à Z. De cette époque date sa passion pour de la belle ouvrage. Sa philosophie ? Continuer à explorer le savoir-faire artisanal car  » il y aura toujours une clientèle pour des choses où la main de l’artisan est primordiale « .

Cyd Jouny Le sport chic rock’n’roll

Les hits. Sa signature : Dahos’s by Cyd Jouny. Ludique et décliné dans un éblouissant patchwork bleu-blanc-rouge, le modèle Mendhis est une vraie tennis en toile vulcanisée passée au four pendant 45 minutes (cette technique a été mise au point par Converse en 1908 !) et hissée sur un talon. Dans le même esprit, le modèle Cash s’habille de noir ou de blanc et adopte quelques clous pour une touche rock. Et, enfin, le modèle Madness est une version glamour, détournée des Creepers, chaussures fétiches des punks londoniens dans les années 1975. Plus junior, les bottines Hitomi conjuguent des talons dorés et une toile imprimée zèbre.

Sa différence.  » Je détourne les basiques en y apportant des innovations, explique Cyd Jouny. Toutes les chaussures vulcanisées que l’on trouve aujourd’hui sur le marché sont à bout rond, casual et chaussantes. Mon intervention consiste dans la forme très nouvelle du bout carré et dans le talon au design exclusif. Il est stable et solide, parfaitement adapté à la morphologie des jeunes filles qui commencent à porter les talons.  » Le look colle de très près à toutes les tendances musicales, pop, rock, punk et disco. Enfin, on citera un excellent rapport qualité/design/prix.

Bio express. Des études d’arts appliqués à Paris, une formation dans une école du cuir, puis Cyd Jouny dessine, en 1993, les premières baskets à talons aiguilles de 12 cm. Madonna et Nina Hagen en raffolent. Puis Véronique Leroy, Jean-Charles de Castelbajac et Loris Azzaro font défiler leurs mannequins chaussés par Cyd Jouny. Enfin, la jeune créatrice vole de ses propres ailes et crée avec son amoureux Frédéric Coupet la griffe Dahos’s by Cyd Jouny, destinée, en théorie, aux 15-30 ans. La toute première collection, en vente actuellement, séduit aussi les quadras, voire les quinquas.

Barbara Witkowska

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