Barbara Witkowska Journaliste

Célèbre par ailleurs pour ses  » Vingt-Quatre Heures  » et ses rillettes, Le Mans ne manque toutefois pas d’attraits touristiques. Le temps d’un week-end, elle vous invite à vous enrichir sur le plan culturel et à prendre un bon bol d’air.

Nous connaissons tous la célèbre formule d’Alphonse Allais qui voulait  » mettre les villes à la campagne pour qu’elles s’aèrent et les campagnes à la ville pour qu’elles se cultivent « . Une boutade qui va comme un gant à la ville du Mans. Aussi vaste et étalée que Lyon, elle compte six fois moins d’habitants, soit 154 000 Mancelles et Manceaux. Depuis la mi-novembre, le tram est de retour. Une ligne de 12 km traverse la cité dans tous les sens. Elle est silencieuse et écologiquement correcte, car les deux tiers du parcours s’effectuent en site propre engazonné. L’implantation du tramway a permis de restructurer la ville et de repenser le partage des rues. Automobilistes, piétons et cyclistes, chacun y trouve désormais son bonheur, on circule avec plaisir et on respire ! Eclectique, Le Mans séduit les branchés, les amoureux de la nature et les amateurs de l’Histoire et des vieilles pierres. Pour prendre la température de la vie moderne, on flânera au quartier Saint-Nicolas. Le nez en l’air, pour admirer les jolies maisons des xviie et xviiie siècles. Leurs rez-de-chaussée ont été investis par des boutiques. Mode et accessoires, mais surtout déco, design, objets insolites, fleuristes et art du thé, il y a de quoi piocher quelques bonnes idées et faire des emplettes originales. On pousse la porte du  » temple  » du design de Thierry Julien. Cet esthète au look très parisien vient d’acquérir un superbe hôtel particulier de 1745, dont la structure intérieure n’a jamais été modifiée. L’état du bâtiment laissait plutôt à désirer. Au début, Thierry voulait le restaurer mais très vite il s’est plu dans ce décor défraîchi. Le mobilier et les objets contemporains de designers européens, artistiquement exposés sur trois niveaux, créent un contraste étonnant avec le fond mat et poussiéreux. On y fait vraiment de belles découvertes. L’Epicerie du Pré est un autre rendez-vous incontournable. Manu Viton a réalisé un vieux rêve en créant ce café-cantine au concept inédit dans cette maison de caractère du xvie siècle, flanquée d’un jardin. Ici, on mange bio (tartines grillées, soupes, salades, plats mijotées de nos grands-mères), on boit  » politiquement correct  » (inutile de demander un Coca ou un Fanta) et… on cause. Les murs sont tapissés de livres. On peut en emporter un à condition de le remplacer par un autre. Manu Viton a mis sur pied différentes animations : improvisations théâtrales, jeux d’écriture, café philo, café tricot, débats de société… Il y a un piano et une guitare pour les musiciens. L’endroit ne désemplit pas. Bobos, étudiants, retraités et punks en raffolent.

La campagne dans la ville

Située à 50 minutes en TGV de Paris, Le Mans attire le week-end de nombreux Parisiens désireux de prendre l’air. Les espaces verts sont innombrables. Le plus important, Arche de la Nature, se déploie à 10 minutes du centre-ville. Ce domaine de 450 hectares a été aménagé il y a dix ans pour  » les loisirs, le sport, la détente et l’éducation à l’environnement « . Dans la forêt, immense, on se balade à pied ou en véhicule hippomobile, tiré par des percherons. Les citadins y apprécient particulièrement les haltes éducatives : le jardin potager où l’on peut réapprendre à cultiver des légumes bio ou la Ferme de la Prairie où l’on admire des animaux de races locales et peu communes, tels le mouton bleu du Maine ou l’âne normand. Au centre-ville toujours, le Jardin d’horticulture est une autre halte pour le plaisir des yeux et la quiétude de l’âme. Il a été dessiné il y a 150 ans par le paysagiste Adolphe Alphand (1817-1891). Complice du baron Haussmann qui a modernisé Paris au xixe siècle, Alphand est l’auteur, notamment, du parc Monceau à Paris. Ce superbe jardin de 5 hectares, destiné, au début, à la grande bourgeoisie du Mans qui voulait avoir  » un salon où l’on cause  » en plein air, il est aujourd’hui public. On y déambule avec plaisir au milieu des arbres et des parterres magnifiquement entretenus. On termine par la visite du Jardin du Petit Bordeaux, situé un peu en dehors de la ville, où Sylvie et Michel Berrou habitent une ancienne maison sarthoise de 1750. Ils ont commencé à créer ce jardin il y a vingt ans. Avec les années, il a pris de belles dimensions puis a été ouvert au public. Le maître des lieux est un guide passionnant et intarissable. Il parle volontiers des 3 800 espèces et variétés de fleurs, d’arbustes et d’arbres (dont 65 variétés d’érables) et des différentes atmosphères, compositions et scènes paysagères qu’il a réalisées au fil du temps. Un vrai régal pour les amoureux des jardins.

Rendez-vous avec l’Histoire

Le quartier historique est le  » clou  » de la visite du Mans. Baptisé Cité Plantagenêt, il est le  » berceau  » de la célèbre dynastie qui a régné sur l’Angleterre de 1154 à 1485 et composée de fortes têtes et de personnalités d’exception. Tout commence le 17 juin 1128 à la cathédrale du Mans, fraîchement élevée en style roman. Geoffroy, comte du Maine et d’Anjou y épouse en grande pompe Mathilde, petite fille de Guillaume le Conquérant. Lorsqu’il part à la chasse, Geoffroy aime planter dans sa coiffe des rameaux de genêts et l’entourage le surnomme rapidement Plantagenêt. Henry, fils de Geoffroy et de Mathilde épouse, en 1152, Aliénor d’Aquitaine, une beauté aux yeux verts. Deux ans plus tard, Henry monte sur le trône d’Angleterre sous le nom d’Henry II. Il donne à Aliénor trois fils, dont le futur Richard C£ur-de-Lion. Devenu roi d’Angleterre, celui-ci épouse Bérengère de Navarre en 1191 et part aussitôt en Palestine combattre l’Infidèle. Epouse oubliée et délaissée, Bérengère s’installe au Mans où elle vivra paisiblement pendant vingt-cinq ans. Un an avant sa mort, elle demande aux cisterciens de construire l’abbaye de l’Epau, son futur lieu de sépulture. Elle y repose toujours.

Les Manceaux sont très attachés à leur histoire mouvementée et riche en rebondissements. Chaque été, des spectacles ( » Les Chimériques « ) de grande qualité, des projections vidéo ( » La Nuit des Chimères « ) sur la façade de la cathédrale et sur les murailles romaines, techniquement époustouflantes, font revivre le souvenir de ces héros pittoresques. Cela dit, tous les chefs-d’£uvre du patrimoine sont bien sûr accessibles toute l’année. En commençant par l’imposante et extraordinaire cathédrale Saint-Julien avec sa façade romane et son ch£ur gothique, en déambulant au musée de Tessé où l’on admire l’Email Plantagenêt (portrait de Geoffroy datant du xiie siècle), en flânant au musée ethnographique de la reine Bérengère et en terminant par une halte  » zen  » à l’abbaye de l’Epau. La balade dans les ruelles tortueuses du quartier historique est un bonheur. Il faut prendre son temps pour contempler une centaine de maisons à colombages (ou à pans de bois), datant du xve au xviiie siècles, les unes plus belles que les autres. Ce décor authentique ne cesse d’inspirer les cinéastes. Cyrano de Bergerac (1990) avec Gérard Depardieu, Le Bossu (1997) avec Fabrice Lucchini et Daniel Auteuil, Molière (2007) avec Romain Duris, Jean de la Fontaine (2007) avec Lorànt Deutsch et Philippe Torreton… tous ont été tournés ici. Plus de 20 films d’époque pour 15 césars récoltés à ce jour !

Barbara Witkowska

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