1. LE DESIGN, C’EST DE L’ART.

NON : C’est l’une des idées reçues les plus fréquentes. Or, le design n’est pas de l’art, que du contraire ! Et ce même s’il était autrefois appelé  » arts appliqués « , une définition somme toute valable qui présente l’avantage d’éviter l’écueil de l’anglicisme  » design « , un terme englobant à la fois le dessin et le dessein, le concept et la réalisation. Une idée difficile à exprimer en français, qui génère la confusion depuis… toujours. Intimement lié à la révolution industrielle, le design concerne la production en série. Le designer n’est pas un artiste, justement parce qu’à la différence de ce dernier, il doit se plier à toute une série de contraintes plutôt prosaïques, des innombrables exigences techniques au coût de fabrication, sans parler du transport, du stockage, du montage et de la fonctionnalité de son objet. Bien sûr, certains maestros ont élevé la discipline au rang d’art, et des séries limitées, éditions spéciales et pièces destinées aux vitrines des galeries viennent entretenir la confusion entre deux domaines aux frontières parfois poreuses…

2. LE DESIGN, C’EST TOUJOURS CHER.

OUI ET NON : C’est souvent un reproche fait aux produits labellisés  » design  » : leur coût. Est-ce vraiment cher pour ce que c’est ? Cela dépend des cas. Bien sûr, certaines marques sont tentées d’augmenter leurs prix en engageant par facilité des créateurs réputés pour rehausser le prestige de projets dispensables. Mais cet attrait pour les noms  » bankable  » n’explique certainement pas tout. Les grandes maisons ont l’habitude de recourir à des techniques de pointe et des matériaux haut de gamme, développant des produits qui demandent parfois des années de recherche très élaborée, qui permettent d’expliquer les sommes élevées affichées en boutiques. D’autant que le circuit de diffusion, très long et jalonné d’intermédiaires, vient s’ajouter dans le décompte final. Le secteur n’est donc pas cher ou élitiste de nature, mais ses exigences rappellent que, dans un monde où tout se rêve en low cost, certaines choses ont encore un prix. Pour le reste, il s’agit d’une affaire de sensibilité. Un meuble plein de personnalité et de suffisamment bonne facture pour durer des décennies coûtera peut-être finalement moins cher qu’une succession de produits moins onéreux mais banals, que l’on devra remplacer tous les cinq ans du fait de leur piètre qualité.

3. LE DESIGN, C’EST UN STYLE.

NON :Combien de fois n’entend-on pas ce mot utilisé comme un adjectif ? Tout devient  » deXsign « , pour peu qu’on puisse y trouver (biffer la mention inutile) des lignes fluides et épurées, un recours compulsif au blanc clinique et/ou une apparence vaguement futuriste. Cet adjectif devient un argument marketing creux mais vendeur, qu’on accole à n’importe quel produit du quotidien, de la brosse à dents à la cafetière dernier cri. Sans parler des intérieurs qui reçoivent cet épithète sous prétexte qu’ils se la jouent total look minimaliste. On ne le répétera jamais assez : la discipline ne s’exprime pas qu’à travers la maxime  » Less is more « , chère au légendaire Ludwig Mies van der Rohe. Ce n’est pas un style, mais avant tout une démarche. Une logique de production raisonnée, qui vise l’harmonie entre la forme et la fonction ; une manière de résoudre les problèmes du quotidien en accordant de l’importance à la beauté et à l’ergonomie du produit fini. En poussant cette logique à l’extrême, on pourrait même déclarer que chaque objet qui fut pensé et réalisé (la fameuse combinaison de  » dessin  » et  » dessein « , lire par ailleurs) avec bon sens peut être considéré comme  » design « . Cafetière et brosse à dents comprises.

4. LE DESIGN, C’EST PHILIPPE STARCK OU IKEA.

NON, ÉVIDEMMENT : Mais ils constituent deux pôles qui ont tendance à truster l’espace médiatique et l’imaginaire collectif sous nos latitudes. D’un côté, l’ogre français reste à peu près le seul designer ayant réussi à suffisamment marquer les esprits pour être connu du grand public ; de l’autre, le géant suédois écrase toute concurrence avec son inégalable force de frappe. Alors que d’aucuns les considéreraient comme deux opposés, ils représentent deux réalités complexes du design actuel, deux stéréotypes qu’il convient de nuancer. Car si l’enseigne bleu et jaune souffre souvent de son image cheap, elle n’est pas forcément synonyme de mal absolu pour de nombreux concepteurs, qui admirent son efficacité. Quant à Philippe Starck, dont le talent demeure incontesté, son omniprésence agace, et ses détracteurs les plus virulents lui reprochent de considérer son seul nom comme un argument de vente. Qui a tort, qui a raison ? Peu importe, tant qu’on n’oublie pas qu’entre les deux, des milliers de créateurs anonymes ou renommés font du bon boulot et méritent aussi qu’on s’intéresse à eux. A commencer par les Belges !

5. LE DESIGN, C’EST UNE QUESTION DE MODE.

OUI ET NON : Oui, quelque part, parce qu’en reflet de son époque, la discipline évolue au fil des préoccupations et des besoins de son public. Sans même parler des aspects esthétiques, des couleurs, motifs et matières jugées tendance d’une période à l’autre, pour le meilleur et pour le pire. Et non, parce que le bon design est intemporel. Indémodables, les grands classiques sont encore systématiquement repérables dans les intérieurs publiés par les magazines spécialisés. Le succès des best-sellers emblématiques et des nombreuses rééditions en témoigne – parfois au point d’occulter les vraies nouveautés -, tout comme la résurgence du vintage, qui s’est durablement installé. Plus que toute autre, notre société a célébré la combinaison de l’ancien et du nouveau, une alliance que l’on doit autant à la nostalgie qu’à la pertinence de modèles élaborés par les maîtres du siècle dernier. Il est d’ailleurs amusant de constater que dans la culture populaire, certaines icônes de Verner Panton ou Arne Jacobsen sont toujours connotées  » science-fiction « , bien que nées il y a une soixantaine d’années.

PAR MATHIEU NGUYEN

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