Les lauréats du Prix de la Jeune peinture belge exposent au Bozar tout l’été. Revue de ces nouveaux talents aux boucles d’art.

Ils sont plasticiens. Ont moins de 35 ans. Et habitent depuis plus d’un an en Belgique. Tient-on là les valeurs montantes de la scène artistique de demain ? Possible. Quelques lauréats des éditions précédentes du Prix de la Jeune peinture belge n’ont en tout cas plus quitté le peloton de tête. On pense à Orla Barry, Hans Op de Beeck ou Benoît Plateus… Les places sont chères. Un jury international a retenu sept artistes, qui ont reçu 5 000 euros chacun pour produire une £uvre. Sur la base de ces nouvelles pièces, le jury a finalement tranché. Ou plutôt n’a pas tranché puisqu’il a exceptionnellement décidé de ne pas attribuer le Prix de la Jeune peinture belge Crowet (25 000 euros) qui couronne l’épreuve. Justification :  » Le jury a estimé que toutes les £uvres soumises à son jugement étaient d’un niveau d’excellence équivalent, mais qu’aucune d’elles ne pouvait justifier de se distinguer des autres par l’octroi d’un premier prix.  » Seuls les trois autres prix (chacun d’une valeur de 12 500 euros) ont donc été décernés. Reçue froidement par les artistes, cette décision polémique inédite n’entame pas le regard de Weekend, qui s’est laissé guider pour vous inviter dans les méandres de ces sept univers.

VIRGINIE BAILLY – Sur les traces de Cézanne

Les tableaux de Virginie Bailly (Uccle, 1976) sont la traduction picturale de l’image troublée qu’on découvre via une longue vue. Pour sa nouvelle £uvre, Virginie Bailly a décidé de mettre la butte du lion de Waterloo à l’épreuve de son dispositif. On songe alors directement à la Montagne Sainte-Victoire (Aix-en-Provence) de Paul Cézanne, qui inspire naturellement les réflexions de Virginie Bailly sur la perception fugace de la lumière.

KOENRAAD DEDOBBELEER et WILLEM OOREBEEK – Iconoclastes

Le très critique duo belgo-hollandais a dépensé le crédit du concours en repas. Ses dîners forment en effet l’unique motif de leurs vidéos intitulées  » Budget Eating « . On y voit défiler les assiettes et les verres et on y entend les artistes deviser de tout et de rien dans une ambiance de bistrot. Connu par quelques amateurs pointus de la scène artistique contemporaine pour son iconoclasme, Koenraad Dedobbeleer (Halle, 1975, associé ici à Willem Oorebeek, Pernis, 1953) gagne sa réputation de Diogène auprès du grand public.

GABRIEL LESTER – Entrer dans l’image

Allergique aux frontières, il pratique un  » art impur « . Depuis 2000, cet ancien étudiant en cinéma (Amsterdam, 1972) conçoit des installations inspirées du vocabulaire technique du 7e art. Au moyen d’un programme formel géométrique, il explore les notions de découpage, de montage et, partant, de rythme et de temps. Ses formes géométriques en 3d, on ne les découvre qu’au fur et à mesure que l’on longe le volume partiellement ajouré qui les cache.  » Je veux créer des £uvres qui soient vécues comme un événement auquel on se trouve mêlé plutôt que comme une « image » que l’on regarde « .

MIRA SANDERS – Au-delà de la toile

Le fou, le cowboy, le pianiste, l’espionne… Mira Sanders (Uccle, 1973) met en scène des personnages dans un petit film d’animation élémentaire. L’écran fait face à une série de quatorze dialogues mystérieux projetés en diapositives. Intitulée  » L’Atelier « , l’£uvre fait directement référence au célèbre tableau éponyme de Gustave Courbet, cette allégorie du travail de peintre considérée comme le manifeste du réalisme.  » Je fais référence à la peinture, mais je veux aller plus loin que la matière, plus loin que la toile « . De l’autre côté du miroir ? Pour cette £uvre, Mira Sanders a reçu le prix ING.

CEDRIC NOËL – Onirique

Son  » Modèle vidéographique de l’appareil rêve  » collectionne les rêves et en réalise la cartographie en les reconstituant sur support vidéo. Cédric Noël (Argenteuil, 1978) fait appel à des acteurs qu’il dirige dans des espaces remplis d’£uvres d’art prêtées par d’autres artistes. Pour donner une idée de l’expérience vécue par ses figurants, l’artiste a créé un espace semblable à ceux qu’il élève habituellement pour incarner ses balades oniriques. Cette réalisation lui a valu le Prix de la Jeune peinture belge – Emile et Stéphy Langui.

SARAH VANAGT – Le temps flou

Engagées, les vidéos de l’historienne (Bruges, 1976) montrent des enfants africains jouant sur la lave, ou des soldats racontant leurs traumatismes. Sur une pierre vieille de six cents ans sont projetés des visages d’enfants filmés le jour de leur naissance. A côté de cette projection saisissante (quels regards !), un écran diffuse un film qu’elle a récemment réalisé dans les ruines de Pompeï avec une caméra super 8. La texture de l’image et l’absence de touristes nous plongent dans un profond flou chronologique.

PIETER VERMEERSCH – L’innommable

Dans son £uvre illusionniste, Pieter Vermeersch (Coutrai, 1973) joue avec le temps et l’espace : ses clichés biaisent la perception de l’endroit et il peint la salle avec  » la couleur moyenne du Bozar « , c’est-à-dire un mélange des différentes couleurs que l’on retrouve sur les murs du palais. Une manière de ramasser en une couleur l’évolution du bâtiment, et donc, son histoire.  » C’est aussi une zone d’incertitude parce que cette couleur est unique mais on ne peut pas la nommer. Et pourtant elle existe.  » Il a remporté le prix du Palais des Beaux-Arts, qui lui permettra d’exposer à New York grâce aux Amis belges de l’institution résidant dans la prestigieuse mégapole américaine.

Baudouin Galler

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