Influencée davantage par Londres que par Paris, la Flandre décline une scène food totalement décomplexée. Cuisines ouvertes, chefs rock’n’roll et préparations inspirées… Jamais le nord du pays ne s’est senti aussi bien dans son assiette.

Quand on évoque la scène food flamande en Belgique francophone, c’est immanquablement Anvers qui monopolise la conversation. Mais s’il est indéniable que la ville sur l’Escaut a tout compris des dernières tendances, il faut aussi reconnaître que de bonnes vibrations se font sentir ailleurs également : que ce soit à Gand, à Ostende ou à Hasselt, on assiste aujourd’hui à une étonnante multiplication des tables. New italian food, bars à soupes, wine bars, fusion food, wok dishes… Tous les plaisirs gourmands sont permis.

C’est sans hésiter à Hasselt que cette nouvelle mouvance est la plus frappante. Au fil du temps, la capitale du Limbourg impose un modèle qui fait parler de lui : transports urbains gratuits et promotion intensive de la culture. A tel point que la presse néerlandophone ne jure plus que par  » het nieuwe Hasselt « . Signe fort de cette mutation, la limbourgeoise affiche depuis peu une concentration inédite de restaurants branchés qui ne désemplissent pas, midi et soir. Le contraste est d’ailleurs frappant entre les codes classiques d’une ville de province et des adresses qui ne dépareilleraient pas à Londres ou à New York. Ces nouvelles cantines affichent des décors et cartes totalement en phase avec les aspirations du moment et constituent, en outre, une véritable ouverture sur le monde.

k Bar Tre

Le Bar Tre sacre le culte du moi à travers un nouveau décor dû à l’architecte Vittorio Simone. Aux murs sont accrochés les portraits en noir et blanc – en grandeur nature – des trois hommes derrière le concept : Dino, le père, ainsi que Cesare et Francesco, les fils. Si Dino évoque Robert De Niro, les cheveux longs de Francesco rappellent immanquablement tout le charme de l’italian lover. Chaises en zebrano, sol en pierre foncée et jeu sur la transparence, la sobriété sied comme un gant au Bar Tre. Idem pour la carte qui se veut simple et franche du collier : une série de mets italiens dans la pure tradition d’une cuisine facile d’accès. Le basilic, les tomates, les olives, les brocolis et les carpaccios règnent ici en maître. La sélection des vins italiens vaut franchement le détour. Elle rend un bel hommage aux terroirs du pays. Il faut compter environ 40 euros le couvert.

Bar Tre, 19, Botermarkt, à 3500 Hasselt. Tél. : 011 22 88 13. Internet : www.bartre.com

k A Food Affair

A l’image du panneau rouge que l’on trouve à l’entrée de cette cantine inspirée, la décoration de A Food Affair est lumineuse. Laurent Locquit et Helen Schaap ont réussi une petite perle atmosphérique dans un cadre exigu. Sans verser dans la caricature, on a là des lignes contemporaines truffées de petites touches qui font mouche. On pointera la fenêtre laissant entrevoir ce qui se passe en cuisine, le cadre en bois auquel est suspendu un rideau de bambous ainsi que les sets de table en caoutchouc. Le tout sur fond de bois exotique précieux. La carte est légère et enjouée avec une section de plats  » Wok it for me « , privilégiant la très trendy méthode de cuisson ou le wok. On sourit tout particulièrement en découvrant le Vlaamse Wok qui mélange légumes du cru et sauce locale à la moutarde Tierenteijn. L’adresse fait également la part belle aux tapas et autres dégustations miniatures inspirées par la Thaïlande et l’Italie. Il faut compter 25 euros le couvert.

A Food Affair, 25, Korte Meer, à 9000 Gand. Tél. : 09 224 18 05. Internet : www.afoodaffair.be

k Greenway

Le créneau de la cantine saine du midi est l’un de ceux qui se sont le plus développés en Belgique. Au programme : décoration aux lignes contemporaines, nourriture fraîche et public trendy. Avec Greenway, Gand a poussé la démarche un peu plus loin encore. Paul Floorizone, le patron, défend ici un vrai catéchisme  » fast-good « , à moins de 10 euros le couvert. La carte qu’il a élaborée exclut la viande, promeut les légumes biologiques et s’inspire largement des cuisines du monde. Même si on est dans le registre du repas de midi pris sur le pouce, on fait son chemin parmi bioburgers végétariens, nouilles, riz, pâtes et sandwichs ayant l’équilibre diététique en ligne de mire. Certaines des préparations conviennent mêmes aux envies végétaliennes, du nom de ce régime alimentaire plus radical que le végétarisme. Le cadre aux couleurs flashy, orné de gros plans de légumes, parfait une atmosphère très conviviale… à siroter avec un jus de fruits frais à la main.

Greenway, 42, Nederkouter, à 9000 Gand. Tél. : 09 269 07 69. Internet : www.greenway.be

k Café Théâtre

Tout comme La Riva ou Lux à Anvers, Gand fait aussi valoir un restaurant imposant en forme de temple gastro. Le lieu est de ceux que ne renierait pas sir Terence Conran, fondateur d’Habitat et concepteur de plusieurs enseignes mégalomanes à Londres. Pour cause, le Café Théâtre est logé au sein du bâtiment qui abrite l’Opéra royal, soit un cadre spectaculaire à la hauteur de plafond renversante. L’esprit des lieux se veut néo-brasserie avec des influences décoratives issues de l’univers de l’opéra bouffe. L’adresse se divise en deux parties : l’une est un bar habillé de cuir aux tonalités sombres, l’autre un restaurant aux murs terracotta. La scénographie est maîtrisée jusque dans les moindres détails avec des toilettes évoquant les hammams marocains. Les chaises, elles, sont des répliques exclusives de celles qui ont fait fureur durant septante-huit ans au Lido de Paris. La carte respire l’air du temps à coups de carpaccios, tartares et autres emprunts world. Mention spéciale pour le tartare de b£uf qui passe pour l’un des meilleurs du pays. L’addition tourne autour de 50 euros le couvert.

Café Théâtre, 5-7, Schouwburgstraat, à 9000 Gand. Tél. : 09 265 05 50. Internet : www.cafetheatre.com

k Michel Peeters

Le magnifique magasin au bardage en bois de Michel Peeters se présente comme un bastion de la résistance à la mondialisation du goût. Ici, le fromage est considéré avec toutes les attentions que nécessite un produit vivant variant au fil des saisons et des affinages. Ancrée depuis 1936 à Gand, cette maison recèle une histoire de famille qui se transmet de père en fils. Ici, on cultive tout un savoir accumulé au fil des ans et étayé par un réseau de petits producteurs artisanaux. Pour preuve, l’endroit jouit du label pointu  » Cercle des Fromagers Affineurs  » qui ne compte que deux membres en Belgique. On en prend toute la mesure en regardant la vitrine : une gourmande variation sur les couleurs et les textures du fromage. Pour compléter son offre, Michel Peeters s’est spécialisé dans les accords vins – fromages. Il propose ainsi une belle série de bouteilles venues de France avec un soin tout particulier pour le vignoble de Loire. L’adresse décline également quelques produits d’épicerie fine.

Michel Peeters, 9, Hoornstraat, à 9000 Gand. Tél. : 09 225 69 68.

k Lepelblad

Imaginée par deux amies, Cathy De Ganck et Marian Dumon, Lepelblad respire la décontraction. Les deux pièces en enfilade plantent une cool atmosphère grâce à laquelle on se sent très vite chez soi. îuvres d’art à l’esprit de recyclage, répliques de chaises années 1960 signées Panton, tables en bois naturel, cuisinière Aga, soupières ornant un vieux buffet : l’association rustique – contemporain signe une scénographie décalée. Dans la seconde salle, on aperçoit la cuisine par une petite lucarne. Cette perspective permet de comprendre l’esprit des lieux dominé par les produits de saison. Omelette paysanne, plats simples mijotés, soupe du jour ou ciabatta généreuse, Lepeldblad respire le home made dans un très sympathique rapport qualité-prix (entre 10 et 15 euros le couvert). C’est particulièrement vrai avec les succulents desserts, entre cake au citron et riz au lait. Service non-stop entre 11 et 19 heures.

Lepelblad, 40, Onderbergen, à 9000 Gand. Tél. : 09 324 02 44.

k Tierenteijn

Sous-titrée à juste titre  » fabrique de moutarde « , cette enseigne typiquement gantoise s’avère incontournable. Logée dans une belle maison classée, Tierenteijn s’enorgueillit d’une histoire qui remonte à 1790, année où la recette de la moutarde maison a été créée. Indémodable, cette institution voit aujourd’hui encore défiler les Gantois de tout âge avec à la main un pot en grès rechargeable servant à réapprovisionner toute la famille en moutarde. Travaillant de façon artisanale, Tierenteijn confectionne le précieux nectar en sous-sol. Celui-ci est acheminé en magasin grâce à un système de pompe. Ce procédé ingénieux permet de se passer de l’adjonction de conservateurs. D’autres produits garnissent les étagères séculaires de cette maison dont l’emblème est une demi-lune bleue : bonbons d’antan, vinaigres artisanaux, cornichons, câpres, sirop de sureau… Sans oublier quelque deux cents épices différentes.

Tierenteijn, 9, Groentenmarkt, à 9000 Gand. Tél. : 09 225 83 36.

k Belga Queen

Tous ceux qui craignaient de voir Antoine Pinto radoter à Gand ce qu’il avait déjà imaginé à Bruxelles en ont été pour leur frais : depuis son ouverture en 2004, le Belga Queen de la ville au bord de la Lys affiche une vraie personnalité. Même si la carte basée sur les terroirs belges est la même, l’atmosphère particulière gantoise signe une adresse à mille lieues du clonage. Cette atmosphère particulière, l’enseigne la doit au bâtiment dans lequel elle a pris place : le Korenstapelhuis, soit un ancien entrepôt à blé datant du xviie siècle. L’infrastructure de cet entrepôt a engendré l’émergence d’autres matières. Bois et pierre en abondance donnent un relief inédit au décor. Ici encore, Antoine Pinto a tout dessiné lui-même, des sièges à la vaisselle. Au vu de l’ensemble, on ne peut nier que derrière les différentes influences à l’£uvre, celle du designer français Philippe Starck se distingue nettement. On notera la table d’hôte située au deuxième étage en prise directe sur la cuisine ouverte, idéale pour apprécier l’expérience au mieux. Une expérience tournant aux alentours de 60 euros le couvert.

Belga Queen, 10, Graslei, à 9000 Gand. Tél. : 09 280 01 00. Internet : www.belgaqueen.be

k Fort Napoléon

Adresse improbable avec vue sur le port et les dunes, Fort Napoléon a des allures de bout du monde. C’est particulièrement vrai le soir, lorsque la nuit gomme les repères visuels. Le phare d’Ostende caresse alors l’horizon par son pinceau lumineux. Un sentier mène jusqu’au restaurant logé dans un véritable fort militaire construit en 1810 sous l’ordre du Petit Caporal devenu Empereur. Il a fallu cinq années de rénovations pour que le Fort offre un visage attrayant au grand public. Les concepteurs ont eu l’excellente idée d’y loger un restaurant et de demander à Fabiaan Van Severen d’en concevoir la scénographie. Le mot n’est pas trop fort tant l’architecte a réussi une parfaite intégration misant sur le verre et la transparence. La partie restaurant se présente comme une excroissance lumineuse dialoguant élégamment avec la pierre. Aux fourneaux, Rudi De Coster envoie une cuisine française de bon niveau excellant lorsqu’elle rend hommage à la mer toute proche (environ 60 euros le couvert). La nourriture s’y décline également en version bistro pour un grignotage éclairé. Aux beaux jours on peut aussi dîner en terrasse.

Fort Napoléon, Vuurtorenweg, à 8400 Ostende. Tél. : 059 33 21 60. Internet : www.fortnapoleon.be

k T Restaurant

Christophe Smets s’est fait un nom à Hasselt. Il est celui par qui world food et fusion food ont pénétré au c£ur de la capitale du Limbourg. En deux restaurants bien étudiés, ce chef développe un style qui séduit le public jeune et trendy. C’est avec Taratata, sa première adresse, qu’il a lancé les bases de son approche dominée par des lignes minimalistes et un décor compact. T Restaurant s’inscrit dans la même mouvance. L’architecte d’intérieur Bart America a signé l’endroit, soit une ambiance marmoréenne rendant hommage aux années 1930 qui culmine avec des répliques de chaises Mies van der Rohe. L’étage est assez convaincant avec trois tables permettant d’assister aux chorégraphies des deux chefs s’activant en cuisine. La carte, qui tourne autour de 40 euros le couvert, décline influences thaïs, asiatiques et italiennes mais également touches créatives belgo-belges. On s’amusera des toilettes chromosomiques estampillées XX et XY et on soulignera un très intelligent système de  » early dining  » pour un repas avant le cinéma.

T Restaurant, 25, Botermarkt, à 3500 Hasselt. Tél. : 011 21 30 15. Internet : www.trestaurant.be

k Zuppa

Avec son physique de mannequin russe et son look mode, Heleen Timmermans séduit d’emblée. L’audace de ses 24 ans et une vraie maturité font le reste. Seule, elle a ouvert, il y a peu, le premier bar à soupes d’Hasselt. Avec un décor frais et judicieusement fonctionnel, l’enseigne affiche complet tous les midis. On aime les confortables fauteuils mauves qui invitent à prendre son temps. Rien n’a été laissé au hasard, la carte des soupes est courte pour mieux laisser place à la maîtrise : le potage épinards-mozzarella ne laisse aucun doute quant à la qualité des produits proposés ici. Le tout est servi sur un plateau accompagné de bon pain frais et d’un fruit. Difficile de faire plus diététique. A noter : l’addition reste sous les 10 euros.

Zuppa, 13, Botermarkt, à 3500 Hasselt. Tél. : 011 42 65 76.

k Bouchon

Avec un certain esprit de néo-brasserie, Bouchon se profile comme l’une des enseignes les plus abouties d’Hasselt. Le cadre sur deux niveaux – le premier gris, le second blanc – se découvre comme une véritable réussite. C’est probablement l’étage qui permet le mieux d’apprécier l’esprit des lieux. On s’y trouve dans une sorte de cocon voilé de rideaux blancs. De grandes photos orangées distillent des notes de couleurs pour une mise en scène très contemporaine. La carte affiche un double choix afin de combler envies classiques et plus aventureuses. En version sage, on opte pour les coquilles Saint-Jacques ou pour le foie gras. Côté audace, on a le choix entre une série de tapas inventifs et une fusion food qui n’hésite pas à proposer carpaccio de veau et chou-fleur mais aussi chutneys et granités en tout genre. Sous-titré  » food and wine bar « , l’endroit propose une très belle sélection de vins du monde. Le couvert s’affiche à 40 euros.

Bouchon, 24, Fruitmarkt, à 3500 Hasselt. Tél. : 011 23 45 74. Internet : www.bouchon.be

k Commerç 34

Pas de doute : le chef Kris Reekmans s’est fait plaisir avec Commerç 34, une cantine lumineuse joliment mise en scène. Les références font clairement allusion à Commerç 24, le fameux bar à tapas barcelonais. Installé au c£ur d’un écrin de bois précieux et de verre, l’espace s’étire tout en longueur avec quelques petites notes  » design  » comme des chaises Philippe Starck. Sobre et éclairée avec beaucoup de justesse, cette cantine séduit tant le midi que le soir. L’assiette exprime deux influences majeures : la Thaïlande et l’Italie (un répertoire italien qui se mâtine ici de touches locales grâce à l’utilisation de légumes de saison). La belle cuisine en partie ouverte permet d’observer le travail de Kris Reekmans qui ne transige pas sur son principe fondateur de préparation minute. Le tout pour une expérience tournant aux alentours des 35 euros.

Commerç 34, 34, Fruitmarkt, à 3500 Hasselt. Tél. : 011 22 81 33. Internet : www.comerc34.be

k Macchiato

C’est the  » place to be  » d’Hasselt. Ici, on a tout compris de la petite restauration du xxie siècle et Macchiato ne désemplit pas depuis son ouverture. Dominé par le rouge et le noir, le bois et la pierre, cette cantine du midi décline des lignes sobres sans froideur. Les mets servis pourraient être qualifiés de  » italian casual food « , soit des préparations d’inspiration italienne à la simplicité imparable et gourmande. Avec des panini et de très  » street food  » piadine – sorte de galettes de pain non levée et garnies – on assiste à une association alimentaire signant la rencontre de la richesse des produits italiens et de l’esprit des tapas espagnoles. Le tout pour un déjeuner emballant sous les 15 euros.

Macchiato, 17, Botermarkt, à 3500 Hasselt. Tél. : 011 21 42 25.

Michel Verlinden

Dans le numéro du 17 mars prochain, Weekend* eating traquera les adresses au décor brut de décoffrage, à Bruxelles.

k Ostend Queen

Un coup d’£il tout d’abord sur le casting. Trois personnalités de la planète gourmande ont chacune  » griffée  » cette enseigne à sa façon. La cuisine est signée par Pierre Wynants du célèbre Comme chez Soi, à Bruxelles, le plus ancien chef triplement étoilé hors de France. Le cadre a été conçu par Antoine Pinto ( voir Belga Queen). Quant au troisième complice, il n’est autre que Filippo Baldan, l’un des meilleurs barmen de Belgique. A l’image de ce triumvirat d’exception, l’Ostend Queen et son décor d’une grandiloquence aéroportuaire s’affichent sans fausse note. La carte, dédiée aux poissons et au terroir ostendais, est délicieuse. Et c’est un régal de pouvoir goûter au talent de Pierre Wynants à des prix abordables (50 euros le couvert). Le tout dans un cadre d’exception : le Kursaal sur la terrasse duquel l’Ostend Queen est niché était l’un des lieux les plus prestigieux d’Europe en 1852. Sans oublier la belle vue sur la mer qui, elle, n’a pas de prix.

Ostend Queen, Kursaal, place de Monaco, à 8400 Ostende. Tél. : 059 29 50 55.

Michel Verlinden

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