Depuis deux décennies, Sophie Helsmoortel innove. Avec sa boutique bruxelloise Cachemire Coton Soie, ses choix si justes et son sens de l’excellence. Quand on aime, on a toujours 20 ans.

Le trac est permis, même si elle porte la sagesse sur ses épaules, c’est son prénom qui veut ça. Sophie Helsmoortel, à chaque nouvelle saison mode, ressent ce truc physique qui vous noue le ventre. Comme quand elle était petite et qu’elle montait sur scène pour un pas de deux, quelques pointes et un jeté à mourir de sensualité et d’élégance. Car oui, elle vient de la danse, de ce monde qui vise l’excellence, qui vous architecture le corps, le squelette, le cerveau, qui vous fait dire, même si vous n’avez plus jamais enfilé de chaussons :  » l’exigence m’accompagne « . Elle habitait Anvers, il y a quarante ans,  » même plus « , dans une toute vieille maison datant de 1600, que ses parents  » un peu avant-gardistes  » avaient choisie, près du port, du quartier des bordels et, quatre rues plus loin, de l’école de danse de l’opéra. Elle y est entrée, elle devait avoir 9 ou 10 ans  » et la sauce a pris tout de suite « , son univers sera celui-là, sa discipline, ses rêves de carrière professionnelle, avec, sur les murs de sa chambre, des posters de Rudolf Noureev et de Margot Fonteyn.

Et puis Sophie Helsmoortel s’est mariée, a eu des enfants (trois),  » très jeune « , travaillé dans le prêt-à-porter au milieu des années 80, beaucoup voyagé, fréquenté les boutiques pointues de Paris et Milan et en est revenue à chaque fois plus frustrée de ne pas trouver le même esprit en Belgique. Elle tombe par hasard sur une petite boutique à Bruxelles –  » un cordonnier remettait son commerce « , elle pense ses choix pendant neuf mois et ouvre Cachemire Coton Soie, en octobre 1991. Un nom comme  » une évidence  » pour mieux annoncer la couleur et un seul fil conducteur : proposer tout ce qui manque ailleurs, sélectionner la différence, soit un pantalon en flanelle gris, une chemise blanche d’homme mais pour femme, des pulls en cachemire italien, des chaussures plates, les agendas Smythson of Bond Street et les parfums Creed.

Petit à petit, elle élargira  » la palette « , ouvrira un temps une autre boutique à Anvers et créera même sa marque Blanc Kelly, rapport à Grace Kelly, une collection de chemisiers, de l’ordre de ceux que l’on emprunte aux hommes mais qui vous vont à merveille parce que parfaitement pensés, parfaitement coupés. Elle déménagera aussi, pour s’installer dans une maison près de la place Brugmann, avec petit jardinet à l’avant et grandes vitrines à angles droits, qu’elle offrira comme support à l’artiste Jean-Luc Moerman ou comme écrin aux petites robes noires de Didier Ludot – c’est dire si son rapport à l’art contemporain et à l’amour des élégantes années 60 est fort.

Son talent, c’est d' » assembler des choses qui de prime abord ne devraient pas être ensemble et qui forment un tout cohérent  » – un collier de nacre XXL signé Fiona Paxton, un chino maltinto 100 % made in Italy, des souliers Heschung faits pour durer, un chapeau rose fleuri Fred Bare. On trouvera tout cela dans sa boutique, sauf le joli couvre-chef, qui se range plutôt au rayon souvenirs et que Sophie Helsmoortel a posé sur l’étagère de sa bibliothèque noire, dans son bureau, au premier étage. À côté, la même capeline mais en mauve et deux petites cages à oiseau rose et jaune pâle,  » un clin d’£il un peu kitsch « , des pommes de pin,  » je m’étais mis en tête de les collectionner « , quatre paires de lunettes, alignées, une rouge, une blanche, une bleue et une noire, une grenouille qui joue à saute-mouton sur un rocher, et là, tout au-dessus, un livre d’enfant, offert par sa fille, l’histoire d’une petite demoiselle en tutu rose titré Sophie’s Ballet Class. La vie, comme une arabesque.

Carnet d’adresses en page 144.

PAR ANNE-FRANÇOISE MOYSON

 » L’EXIGENCE M’ACCOMPAGNE. « 

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