Venue sur le tard à la photographie, cette Bruxelloise passée par le management et l’architecture d’intérieur publie Mothers and Daughters chez Lannoo. Un premier recueil consacré aux liens complexes qui unissent mères et filles. Portraits édifiants.

Elles n’ont reçu aucune directive : pas besoin de se forcer à sourire, on n’est pas devant le sapin de Noël. Pas de dress code, surtout apparaître au monde comme on souhaite qu’il nous perçoive. On se place comme on veut, on s’enlace, on s’embrasse, on se tient à distance, c’est elles qui jugent. Elles viennent de partout : amies de la photographe, amies de ses amies, femmes de ménage, voisines, couples croisés à la pharmacie, à la banque, dans la rue. Une heureuse diversité : on n’est pas dans une de ces pubs qui nous font croire que mères et filles sortent de la même promotion. Le dispositif est simple comme bonjour, sec, frontal, un mur blanc, regard vers l’objectif, punto e basta. Et pourtant : quelle multitude de récits condensés dans ces images. Avec force et délicatesse, Anne-Catherine Chevalier révèle la complexité de cette relation constitutive de la psychologie féminine. Sans autres légendes que le prénom de ces femmes dont on ne connaît que le visage, ces clichés murmurent les ambivalences profondes de leur lien sur un air de je t’aime moi non plus. C’est la magie de ces portraits, que de souligner avec si peu de mots la touchante maladresse à revendiquer une identité radicalement différente quand la ressemblance, même fugace, saute aux yeux, que de nous laisser deviner, à la faveur d’infimes détails, un maintien, une coiffure, un vêtement, des histoires à haut potentiel dramatique. Comme le rappelle la psychanalyste Hendrika C. Freud, auteur de Electra vs Oedipus. The Drama of the Mother-Daughter Relationship, dans un texte qui accompagne le recueil que publie Anne-Catherine Chevalier chez Lannoo :  » Depuis l’Antiquité classique, la relation mère-fille a fait couler beaucoup d’encre (…). Mères et filles constituent une source d’inspiration inépuisable.  » Anne-Catherine Chevalier ne s’est visiblement pas laissé impressionner par la copieuse bibliographie qui entoure ce sujet qu’on croyait éculé jusqu’à voir la réponse à la fois touchante et édifiante que cette dernière apporte à son questionnement de départ :  » Que transmet-on comme message de la féminité à sa fille ?  »

PAR BAUDOUIN GALLER

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