A MA GAUCHE, MARC MOULIN, TOUCHE-à-TOUT MéDIATIQUE ET CO-SCéNARISTE DE LA PIèCE DE THéâTRE  » PSY  » ACTUELLEMENT à L’AFFICHE. A MA DROITE, DAVID SERVAN-SCHREIBER, AUTEUR DU RéCENT  » GUéRIR LE STRESS, L’ANXIéTé ET LA DéPRESSION SANS MéDICAMENTS NI PSYCHANALYSE « . çA PASSE OU çA CASSE ?

David Servan-Schreiber n’a rien d’un charlatan ni d’un gourou illuminé. Fils de Jean-Jacques Servan-Schreiber (le célèbre homme politique français fondateur de  » L’Express « ), ce neuropsychiatre de renom affiche un parcours étonnant qui va de la France aux Etats-Unis. Aujourd’hui chargé de cours à la faculté de médecine de Lyon I et professeur de psychiatrie clinique à l’université américaine de Pittsburgh, David Servan-Schreiber a récemment jeté un pavé dans la mare scientifico-littéraire en publiant un livre au titre un brin provocateur :  » Guérir le stress, l’anxiété et la dépression sans médicaments ni psychanalyse  » (Robert Laffont). Passionnant, cet ouvrage bien construit prône une  » nouvelle médecine des émotions  » basée sur sept méthodes simples validées par des études scientifiques rigoureuses.

Heureux hasard de l’actualité culturelle, la psychanalyse est précisément au c£ur de la nouvelle pièce  » Psy « , actuellement à l’affiche du Théâtre de la Toison d’or, et dont Marc Moulin est l’un des quatre auteurs. C’est donc avec un plaisir non dissimulé que Weekend Le Vif/L’Express a confié le livre de David ServanûSchreiber à l’écrivain-musicien belge pour une lecture attentive de ce manifeste qui secoue déjà le monde médical…

Marc Moulin : J’ai beaucoup aimé votre livre. C’est tellement limpide, facile à lire… On a presque envie d’en faire un livre de chevet. C’est une expression qui est peut-être un peu surannée, mais je le vois bien dans cette optique-là : un livre posé à côté de soi et qu’on aime bien reprendre…

David Servan-Schreiber : Merci !

M.M. : Je suis évidemment impressionné par cette démarche, parce qu’on a eu l’habitude d’avoir, pendant des années, la médecine académique d’un côté et les médecines intuitives de l’autre. Mais vous, vous faites la fusion entre les deux et votre ouverture d’esprit me semble très intéressante. J’imagine que cela doit vous valoir pas mal de raideur de la part du monde médical…

D.S.-C. : J’ai déjà fait face à ce type de raideur dans certaines universités où j’ai appliqué ces méthodes, mais ce qui me frappe, c’est qu’il s’agit au fond d’un mouvement planétaire qu’on ne peut plus arrêter. Et c’est ça qui me donne aussi beaucoup d’espoir. Je viens de passer vingt ans au Canada et aux Etats-Unis où j’ai dirigé, ces dernières années, à la fois un centre de recherches en neurosciences et un service de psychiatrie où j’étais également médecin et où je soignais des gens. C’est dans cet équilibre que j’ai vu naître une nouvelle médecine que l’on ne pourra plus arrêter et dont l’objectif consiste précisément à intégrer les méthodes de traitement naturel à la médecine conventionnelle. Mais pour ce faire, il ne faut intégrer que des méthodes qui ont été évaluées et prouvées scientifiquement, même si elles sont généralement présentées comme non conventionnelles. Donc, à mes yeux, il n’y a pas véritablement de disjonction avec les médecines occidentales. Je n’ai pas écrit ce livre dans un esprit d’opposition, mais bien de dialogue avec une base sur laquelle nous sommes tous d’accord : nous voulons que les patients aillent mieux. Dans mon livre, c’est uniquement la rationalité. Il n’y a pas d’ésotérisme.

M.M. : C’est très clair. Même si sur la couverture de votre livre, vous utilisez un titre qui fait de vous un Monsieur anti-Prozac…

D.S.-C. : Je n’ai eu aucune honte à appeler mon livre  » Guérir  » parce que je sais que c’est vrai. Je sais que ça paraît présomptueux, mais ne pas l’appeler  » Guérir « , cela aurait été mentir. Oui, la médecine que je décris dans le livre est une médecine qui marche sans médicaments ni psychanalyse. Et les études scientifiques que je mentionne sont là pour le démontrer. Mais attention, je ne dis pas :  » Ne prenez pas de médicaments et ne faites pas de psychanalyse.  » Non ! Parfois, il est utile de passer par là. Et je ne me sens pas non plus en opposition avec mes collègues. Je dis simplement qu’il y a d’autres méthodes à explorer. Au fond, c’est quoi cette nouvelle médecine si ce n’est l’expression d’un mouvement planétaire qui est celui de l’écologie et de l’agriculture biologique ? Nous voulons utiliser la capacité de la Terre à se régénérer et nous voulons, pour notre corps, une médecine écologique. C’est ça qui s’exprime.

M.M. : Vous parlez d’ailleurs d’intelligence émotionnelle à ce sujet. C’est drôle parce que, avant, on faisait volontiers la distinction entre hémisphère gauche et hémisphère droit dans le cerveau. Or, aujourd’hui, on fait la différence entre le néocortex qui est le siège du langage et de la pensée û si j’ai bien compris ! û et le cerveau émotionnel…

D.S.-C. : Oui, mais ce n’est pas moi qui l’ai inventé ! Effectivement, il y a une intelligence rationnelle qu’on appelle communément le QI et une intelligence émotionnelle qu’on appelle le QE. En clair, le QE représente la gestion de ses propres émotions. A l’âge adulte, le QI ne se développe plus tandis que le QE peut encore évoluer tout au long de la vie. La bonne nouvelle que je donne dans ce livre, c’est que l’on peut développer chacun son intelligence émotionnelle et que l’on peut donc changer radicalement son rapport au stress, à l’anxiété et à la dépression. C’est quelque chose que la médecine conventionnelle fait peu. En psychanalyse, on ne nous enseigne pas à faire fructifier nos émotions…

M.M. : A propos de psychanalyse… Je pense que l’on nous a réunis parce que je viens de participer à l’écriture d’un spectacle qui s’appelle justement  » Psy « . Nous sommes quatre auteurs et nous avons chacun écrit un acte de cette pièce. En fait, il ne s’agit pas d’une seule histoire mais plutôt de quatre sketches distincts. Je ne voudrais pas dévoiler la vie privée des autres mais je pense être le seul des quatre à n’avoir jamais été chez un psy. En ce qui me concerne, ma contribution à cette pièce est plutôt une réflexion sur la mort. Le cabinet du psy n’est qu’un prétexte en définitive. Il se fait que j’ai dû écrire cet acte bien avant de lire votre livre. Donc, il ne m’a pas influencé. Peut-être en aurait-il été autrement si je l’avais lu avant…

D.S.-C. : C’est le genre de spectacle qui me plairait parce que moi, contrairement à vous, j’ai été sur le divan pendant dix ans ! J’en garde un bon souvenir. J’ai appris beaucoup de choses.

M.M. : A mon avis, vous n’apprendrez pas grand-chose dans ce spectacle… ( Rires.)

D.S.-C. : Détrompez-vous ! Justement, il est très intéressant pour nous, médecins, de voir le regard des gens, des artistes, des acteurs de la société sur la psychanalyse et la médecine en général. C’est essentiel ! D’ailleurs, la vague sur laquelle on se trouve maintenant, à savoir cette fusion, c’est le public qui l’a créée. Donc, c’est vous, les artistes, les acteurs de la société, qui faites évoluer les mentalités et qui forcez la médecine à se regarder et à se transformer. C’est vous qui forcez les gens comme moi à se transformer. Vous savez, j’étais un pur et dur de la médecine conventionnelle. J’étais un pur produit du système. Et ce sont des influences extérieures qui m’ont finalement obligé à regarder mes propres axiomes et à m’apercevoir, au fond, que je ne devais pas maintenir un écart entre moi et mes méthodes…

M.M. : J’ai été sur votre site Internet (www.guerir.fr). Il est très bien ! J’ai même fait le petit test que vous proposez sur l’anxiété, le stress, la dépression et le traumatisme émotionnel…

D.S.-C. : Et ça va ?

M.M. : Heu, l’anxiété, pas terrible… J’ai intérêt à faire gaffe ( rires) ! Mais justement, ne risque-t-on pas de vous critiquer à ce sujet ? Vous proposez une espèce de consultation sur Internet. Il y a tout de même une cinquantaine de questions et une évaluation en fin de test. C’est un peu une incitation à l’automédication !

D.S.-C. : Attention, il est stipulé qu’il s’agit d’un test et non pas d’un outil qui permet d’établir un diagnostic psychiatrique et qui dispense le concerné de toute consultation !

M.M. : Mais il donne une indication tout de même…

D.S.-C. : Oui, c’est une mesure mais il n’y a pas de diagnostic. Et je dirais que c’est utile. C’est comme prendre la température. On ne va tout de même pas empêcher les gens de le faire ! Si vous avez 38 °C de fièvre, il est temps d’aller consulter un médecin. Le thermomètre ne vous donne pas de diagnostic ! Il tire la sonnette d’alarme et vous incite à vous faire soigner par un spécialiste…

M.M. : C’est inattaquable. Au fait, pratiquez-vous toujours ?

D.S.-C. : Pour l’instant, non. J’enseigne, mais je ne pratique pas. C’est un peu compliqué parce que, aujourd’hui, je suis à cheval entre la France et les Etats-Unis. Quand je serai revenu en Europe, ce sera plus facile.

M.M. : Vous comptez revenir définitivement en Europe ?

D.S.-C. : Oui, c’est mon objectif. Cela fait vingt ans que je vis aux Etats-Unis, j’y suis parfaitement intégré et reconnu, j’ai même la double nationalité, mais je sens qu’il me manque quelque chose. Il me manque ce sentiment d’appartenir vraiment à une communauté. Une communauté qui me fait vibrer et avec laquelle je résonne. Or, en Europe, je ressens cette communauté. Donc, je suis en train de revenir, même si ce n’est pas facile…

M.M. : Mais pourquoi êtes-vous parti en définitive ? Y avait-il trop de Servan-Schreiber autour de vous ( rires) ?

D.S.-C. : Oui, peut-être. En fait, j’ai passé dix ans sur un divan et je ne sais toujours pas pourquoi je suis parti. Je ne le saurai jamais, mais vous avez sans doute raison : j’ai certainement eu peur de devoir grandir dans l’ombre de mon père, alors qu’aux Etats-Unis, personne ne connaissait mon nom. Et puis, j’ai fait mon chemin là-bas, tout seul, ce qui m’a donné finalement une certaine confiance que je n’aurais peut-être pas eu en restant en France. Donc, je suis heureux d’être parti. Je pense que c’était nécessaire.

M.M. : C’est intéressant ce que vous dites parce que nous avons un point commun. J’avais un père qui était extrêmement connu en Belgique, mais plutôt dans les domaines de la sociologie et de la philosophie ( NDLR : Marc Moulin est le fils de Léo Moulin, écrivain, professeur au Collège d’Europe ). Il avait une personnalité très forte. Mais au lieu de m’éloigner géographiquement, j’ai décidé de prendre mes distances sur le plan professionnel. Je me suis dirigé vers la musique et la radio…

D.S.-C. : Mais vous avez fait des études en sciences économiques…

M.M. : Oui. Sans doute pour lui faire plaisir. En fait, au départ, je voulais être architecte, mais comme l’architecture n’était pas enseignée à l’université, j’ai dû me diriger vers des études plus respectables, donc universitaires… ( Sourire.) Et puis, je me suis réfugié dans la musique. C’était un éloignement, comparable au vôtre…

D.S.-C. : Je suis désolé, mais je ne connais pas vos disques…

M.M. : Je me ferai un plaisir de vous envoyer le dernier.

Propos recueillis par Frédéric Brébant

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