Christine Laurent
Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

(*) A noter sur ce sujet passionnant le remarquable dossier  » Soin de soi, souci de soi  » de « La Revue des Deux Mondes  » de mai 2005.

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D’abord, respirer un bon bol d’air. Mais, attention, pas l’air de la campagne. Plutôt celui des villes, plus salubre et moins encombré de miasmes. Eviter aussi les fumées, les odeurs trop fortes, l’atmosphère irrespirable de certaines pièces. Pratiquer le plus souvent possible un peu de marche rapide aux heures tempérées de la journée et prolonger l’exercice physique avec quelques sauts à la corde à n£uds. Terminer par un bain, le soin des dents et des oreilles (sic). Veiller aussi à maintenir un équilibre alimentaire. Préférer la volaille et le poisson à toutes les autres viandes. Mais pas de gloutonnerie ! Respecter les 150 jours maigres par an, et opter pour deux repas par jour au lieu de quatre. Rayon repos, résister à la si tentante sieste pour privilégier une nuit réparatrice de 8 à 10 heures de sommeil…

Non, ces conseils pertinents ne sortent pas tout droit du sac à malice du gourou d’une éphémère starlette de Hollywood qui, en les moulant dans un style très IIIe millénaire, compterait les couler dans un futur best-seller juteux. Ils nous viennent tout droit du viie siècle, au c£ur même du Moyen Age. Réunis dans le  » Regimen sanitatis « , ils sont le fruit de la réflexion et de la sagesse de médecins aux fulgurantes intuitions. C’est que les médiévaux, davantage coachs que docteurs, n’avaient pas pour ambition première de réparer  » les pannes du corps « , mais surtout de maintenir leurs semblables  » en santé « . A l’époque, en effet, (et bien avant les découvertes de Freud), la santé se voulait d’abord art de vivre, tension permanente et maîtrisée vers l’harmonie avec son milieu. A mi-chemin entre la médecine et la philosophie. Avec pour corollaire, une nécessaire et indispensable prévention.

Certes, si au xxie siècle, l’omnipuissante déesse Hygie régit plus que jamais nos vies, la relation à notre si précieux bien-être a subi de sacrés bouleversements. Aujourd’hui, non seulement nul n’est censé ignorer les règles de la santé, mais celle-ci est devenue aussi droit ET surtout devoir. Le corps, désormais ustensile de bonheur et source de beauté et de longue vie, doit se plier à toutes les exigences : régimes, performances, chirurgie esthétique… Le soin de soi comme diktat. A l’opposé de la culture antique qui le voulait sagesse. Et un exercice d’autant plus stressant que le temps de vie s’étire et que même à 80 ans, il est interdit de se laisser envahir par les rides et les capitons. Pas question, non plus, d’être malade, la maladie s’apparentant à une perte de contrôle, à un accident, un échec. Alors qu’elle est au c£ur même de l’expérience de vie.

Bien sûr, robustes, vigoureux, résistants, délicats, fragiles, vulnérables, nous ne sommes pas égaux face à elle. Mais la santé, c’est aussi se payer le luxe biologique de tomber malade et de s’en relever, rappellent les spécialistes (*). Une bien bonne nouvelle qui dope le moral ! Car, comme le notait avec malice Jacques Prévert, on a beau avoir une santé de fer, on finit toujours par rouiller.

Christine Laurent

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