Elle aime les défis, Pascale Renaux. C’est pourquoi elle s’est donné trois saisons pour arriver à créer un vrai style identitaire Maison Lejaby, corsetier créateur depuis 1930. Parcours d’une femme au plus près d’elle-même.

Elle a pris le train Paris-Bruxelles avec ses trésors glissés dans des pochons fourrés dans un grand sac noir, c’est voulu, elle avait juste envie de partager son émerveillement : admirez ce tout premier soutien-gorge façonné par la Gaby pour sa maison qui ne s’appelait pas encore Lejaby, une merveille de dentelle et de satin rose chair daté 1930,  » une petite chose aux bonnets complètement ajourés qui apporte le confort, le maintien et connaît alors un succès phénoménal « . Un raffinement libérateur en ces temps lointains où il était de mise de corseter les femmes, ce qui ne plaisait guère à la fondatrice inspirée, Gabrielle Viannay, cousette de son état, qui installa son premier atelier dans la salle de projection d’un dancing cabaret et conçut ses premières parures tandis que L’ange bleu de Josef von Sternberg défilait sur l’écran. C’est la légende qui veut ça, Pascale Renaux s’en fait la fougueuse conteuse, la transmission passera par elle.

Elle avait pourtant commencé par refuser ce poste de directrice de la création et de l’image qu’on lui proposait, il y a un peu plus d’un an.  » Je ne suis pas modéliste ni technicienne, je n’avais jamais travaillé dans le secteur de la lingerie ni de la corseterie, je pensais ne pas avoir suffisamment de connaissances mais j’ai collaboré avec Colette, la directrice de collection qui allait prendre sa retraite, c’est un trésor vivant, une femme géniale, elle m’a tout appris, et elle m’a dit :  » Tu peux le faire.  » Cela m’a confortée, ce oui venant de sa part.  » Elles ne trahiront pas le mantra,  » Lejaby, c’est une histoire de femmes « .

Jamais elle ne rechigne à plonger dans la nouveauté à pieds joints, en hauts talons toujours. Quitter sa zone de confort et apprendre chaque jour. Du coup, à 47 ans, quand Pascale Renaux affirme :  » Je suis aujourd’hui encore plus proche de ce que j’aime et de ce que je sais faire, c’est encourageant d’aller dans ce sens, non ? « , on ne peut qu’opiner. Elle déballe ses autres trésors, passés, présents et à venir. Voici Le Nuage, un soutien polyamide sans coutures, comme une seconde peau révolutionnaire, qui date de l’époque minimaliste mais qu’elle a réactualisé. Elle a emporté avec elle la pub de l’époque.  » Quand je l’ai vue, je suis tombée amoureuse, avoue-t-elle avec un brin d’emphase amusée. Les sous-vêtements sont le reflet socio-culturel de l’évolution des femmes. C’est d’ailleurs ce qui m’a toujours fascinée dans la mode : on peut être anthropologue rien qu’en analysant l’habit… Ce n’est pas seulement émouvant, c’est plus que cela.  » De là son peu d’intérêt pour les effets gratuits, surtout en corseterie :  » Un soutien-gorge, c’est comme une petite architecture en 3 D.  » Et si elle lui offre de la dentelle, c’est forcément celle de Calais, travaillée par l’un des cinq derniers artisans spécialisés du coin qu’elle vénère, elle n’ignore pas qu’ils sont en voie de disparition. Et que la maison revient de loin. Elle rêve d’en faire l’une des plus belles marques de lingerie française, comme du temps où Gruau dessinait pour Lejaby des pubs qui n’avaient rien à envier à celles qu’il esquissait pour Dior.

Pascale Renaux est de celles qui vont là où le vent les mène, fort naturellement, fort heureusement. Comme elle n’est pas nostalgique pour un sou, on fera court : enfance bruxelloise, début d’études d’interprète, rencontre avec Gilles Verlant avec qui elle anime la cultissime émission Rockline à la RTBF. Elle écrit pour Le Soir, ne  » calcule pas le coup  » et devient par la force des choses rédactrice de mode, s’installe à Paris, travaille pour Glamour puis pour Numéro, est directrice artistique du groupe Go Sport, crée une ligne de bijoux que l’on dirait sacrés et de fourrure forcément noire puis, fin 2014, débute une mission de consulting chez Lejaby, la suite vous la connaissez. Entre les lignes, on comprendra qu’elle est définitivement rock’n’roll, qu’elle se méfie des illusions – l’herbe n’est pas plus verte ailleurs -, qu’elle pourrait vivre n’importe où si elle a une bonne raison d’y être et qu’elle ne fait que ce qui est en accord avec elle-même, son élixir.

PAR ANNE-FRANÇOISE MOYSON

 » JE SUIS AUJOURD’HUI ENCORE PLUS PROCHE DE CE QUE J’AIME ET DE CE QUE JE SAIS FAIRE, C’EST ENCOURAGEANT D’ALLER DANS CE SENS, NON ?  »

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