Littéralement vissé à son téléphone portable, l’homme du xxie siècle adopte désormais des comportements inquiétants. Mieux vaut en rire ?

L’info fera évidemment sourire, mais elle est pourtant sérieuse et, surtout, révélatrice de l’air du temps : à Chicago, un hôtel haut de gamme propose désormais une cure de désintoxication pour ses clients accros au Blackberry. Précision utile pour les non-initiés : le Blackberry n’est pas une boisson alcoolisée ni même une nouvelle substance illicite à la mode, mais une  » drogue  » branchée tout de même puisqu’il s’agit d’un petit terminal de poche qui permet à l’utilisateur d’envoyer et de recevoir ses e-mails en temps réel. Sans fil. Où il veut. Quand il veut. En clair, le Blackberry est un supertéléphone portable doté d’un miniclavier qui offre un accès permanent au Web et aux e-mails ( www.blackberry.com/fr). Le problème, c’est que le propriétaire d’un tel objet (généralement un homme d’affaires) en devient rapidement dépendant au point d’orienter toute sa vie professionnelle mais aussi son existence privée autour de cette précieuse petite machine. D’où le surnom de  » crackberry  » qu’on lui a donné outre-Atlantique, en référence à ce dérivé de la cocaïne aux effets tristement dévastateurs. Jadis lui-même victime de ce comportement obsessionnel, le directeur de l’hôtel Sheraton de Chicago a donc lancé un programme de désintoxication au Blackberry. Le concept est d’une simplicité affligeante : priver les clients de ce gadget dispensable jusqu’à ce qu’ils optent pour un GSM classique. Effets positifs garantis sur la vie de famille et l’entourage professionnel. Mais le problème, c’est que l’on peut tout aussi bien se mettre dans un état d’addiction avec un téléphone portable  » normal « . Une enquête récente menée à ce sujet par Mediappro dans neuf pays européens laisse, en effet, présager le pire puisqu’elle révèle que 95 % des jeunes âgés de 12 à 18 ans possèdent leur propre GSM et qu’ils  » trouveraient difficile de vivre sans  » ( www.mediappro.org). Une autre étude réalisée par Virgin Mobile sur un panel de 2 000 personnes en Grande-Bretagne confirme d’ailleurs cet état de fait en indiquant que  » 90 % des sondés sont obsédés par la nécessité de consulter leur téléphone portable au moins une fois par heure  » ( www.virginmobile.com). Pis, trois personnes interrogées sur cinq considèrent  » plus grave de perdre leur GSM que leur portefeuille ou les clés de leur maison « . Dans cette enquête révélatrice de nos m£urs contemporaines, un spécialiste des addictions interrogé par Virgin Mobile conclut :  » Les gens commencent à considérer leur téléphone portable comme un être humain parce qu’il symbolise le contact, l’amitié et l’attention. D’où les symptômes de stress et d’anxiété lorsqu’ils en sont séparés « . Anxiété, le mot est lancé. A ce sujet, les anglophones ont créé un néologisme pour souligner davantage encore notre dépendance à cet outil essentiel de la vie urbaine : la  » ringxiety « , un joli mot-valise qui mélange les notions de sonnerie et d’anxiété pour définir la situation risible où chacun plonge immédiatement les mains dans ses poches ou dans son sac lorsqu’une sonnerie de GSM se fait entendre en société. Rassurez-vous, pour contourner le problème et garder la tête haute, les Japonais ont déjà trouvé la parade : le 7 juillet prochain, la marque Citizen lancera une montre d’un genre nouveau sur le marché nippon. Grâce à un système de transmission sans fil Bluetooth, elle pourra en effet informer son propriétaire qu’il reçoit un appel ou un SMS sur son téléphone portable. Utile lorsque celui-ci est momentanément configuré en mode silencieux ou tout simplement enfoui au fond de sa veste ou de sa sacoche. Alors, définitivement piégé, l’homo téléphono-portabilis ? Pas sûr. Si les progrès technologiques laissent supposer que l’addiction ne va pas fléchir en la matière, certains humains entrent toutefois déjà en résistance en refusant désormais toute dépendance au GSM. Concrètement : ils l’ont rayé de cette vie dite moderne en choisissant fièrement l’inaccessibilité. Et si c’était ça, le vrai luxe, après tout ?

Frédéric Brébant

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