Petite-fille de la grande pionnière de la beauté du xxe siècle, Aerin Lauder marche sur les pas de sa légendaire aïeule et lui rend un bel hommage à travers la nouvelle ligne Private Collection, fidèle au parfum créé, en 1973, par Estée Lauder herself. Weekend a rencontré, à New York, cette héritière surdouée.
Big Apple. Depuis son bureau haut perché, au 39e étage d’un gratte-ciel surplombant Central Park, Aerin Lauder, héritière de l’empire des cosmétiques fondé par son incroyable grand-mère Estée, en 1946, ne domine qu’une partie infime de son très vaste patrimoine. Au sous-sol de l’immeuble, sous les plafonds moulurés du rayon beauté, la jeune femme nous dévoile ses trésors les mieux gardés, sorte d’amulettes familiales. Il y a des poudriers et des miroirs anciens, des pendentifs, des petits boîtiers dorés aux allures de bijoux renfermant des concrètes (des parfums solides), et de précieux flacons sertis de pierres semi-précieuses, tout droit sortis de l’univers raffiné d’Estée Lauder, décédée en 2004, à l’âge de 97 ans. Un comptoir tout entier rend, lui, hommage à Private Collection Tuberose Gardenia, le dernier jus de la marque américaine. Il célèbre l’héritage de la famille Lauder, transmis de génération en génération, et c’est Aerin qui l’a conçu en souvenir de son aïeule.
» Le concept d’une « collection privée » a été lancé par ma grand-mère en 1973, rappelle Aerin, vice-présidente et directrice artistique de la société depuis 2004. Je n’avais alors que 3 ans… J’étais trop petite pour en comprendre l’enjeu, mais si j’avais été une cliente ou que j’avais eu l’âge d’être dans le métier, j’aurais pensé que l’idée était géniale. » La légende du parfum ? Il aurait d’abord été créé par Estée Lauder pour elle-même, puis pour son cercle d’amies et de proches, avant d’être lancé sur le marché en distribution restreinte. Selon Aerin, la formule garde tout son sens aujourd’hui. » Les femmes actuelles sont à la recherche de quelque chose de spécial qui les différencie, assure-t-elle, assise sagement derrière son élégant bureau années 1930, recouvert de miroirs triangulaires ciselés et légèrement piqués, acheté chez un antiquaire. C’est pour cela que tout ce qui est vintage, vêtements ou accessoires, est tellement désirable. «
Le lien entre tradition et air du temps
Le teint hâlé, ses cheveux châtains tombant naturellement sur ses épaules… Tout chez elle respire la patine familiale, personnifie le passage de flambeau entre les trois générations de Lauder à la tête de l’entreprise, consacre le lien entre tradition et air du temps, primordial pour se maintenir dans un environnement commercial ultracompétitif. Aujourd’hui, Aerin incarne, aux yeux des fans de la marque, l’élégance à l’américaine, le sens du classique intemporel made in Park Avenue, la très chic avenue du centre de Manhattan où elle réside… Très loin du quartier populaire du Queens, où sa grand-mère, une femme de tête au destin extraordinaire, a commencé, juste après la Seconde Guerre mondiale, à confectionner des onguents dans sa cuisine, tout en étant supervisée par son oncle chimiste.
La fabuleuse ascension d’Aerin était sans doute prédestinée. Elle est la première petite-fille d’Estée Lauder, qui avait, elle, eu deux fils : Leonard et Ronald, tous deux très impliqués dans la société. Dès sa naissance, en 1970, cet amour d’enfant devient le joyau familial, couvé et protégé, sur le berceau duquel se penche tout le gotha mondial. Elle grandit, avec sa s£ur Jane – de deux ans sa cadette -, entre Washington DC, New York et Vienne, en Autriche, où son père Ronald occupe le poste d’ambassadeur des Etats-Unis, avant de revenir aux affaires comme président d’Estée Lauder International et des Laboratoires Clinique.
Souvenirs… et nouveaux défis
Ses étés, Aerin les passe avec sa grand-mère à Palm Beach, en Floride, ou bien encore dans la somptueuse propriété familiale des Hamptons, la » Côte d’azur » de New York. Cette héritière d’une entreprise qui pèse aujourd’hui 7 milliards de dollars (environ 4,6 milliards d’euros) bénéficie des privilèges, certes, mais doit répondre également aux attentes et aux exigences du clan, tout comme son cousin William, PDG du groupe depuis le décès de la matriarche. Un défi qu’elle assume en beauté, puisqu’elle a accepté de devenir, à 37 ans, le visage de la campagne publicitaire de Private Collection. C’est la première fois qu’un membre de la famille Lauder prête son image à la marque, voire mieux, » son âme « .
Aerin se souvient que lors de sa petite enfance, elle dévalisait les armoires de sa grand-mère pour jouer avec ses sacs et ses robes de grands couturiers. C’est donc naturellement – à l’âge de 17 ans – qu’elle débute un stage chez Clinique, la première ligne de cosmétiques » hypoallergéniques » créée en 1968 par son oncle Leonard pour » stimuler » la maison mère, et qui est désormais le label le plus performant du groupe. » Les gens autour de moi étaient un peu intimidés de me voir ainsi débarquer, confie-t-elle. Mais, très vite, ils ont réalisé que j’étais très accessible et vraiment passionnée par le travail et les produits. » Le groupe Estée Lauder compte aujourd’hui des dizaines d’enseignes, telles que Aveda, Darphin, Aramis, Origins, La Mer, Bobbi Brown, Tommy Hilfiger, les parfums Tom Ford et Missoni, disponibles dans 14 000 points de vente répartis dans 130 pays.
» Le packaging et la publicité m’ont toujours intriguée, s’enthousiasme Aerin qui a finalement choisi d’intégrer les activités marketing. Il y a quelque chose d’hypnotisant dans cette partie du business. Le monde de la beauté est vraiment intéressant car il permet à la femme de se sentir bien dans sa peau en mettant un peu de rouge à lèvres, une goutte de parfum ou un peu de crème hydratante. Je trouve que j’ai de la chance de procurer ce feeling aux autres femmes. «
Aujourd’hui, il n’est plus nécessaire d’être armé d’un appareil photo équipé d’un gros zoom pour pouvoir contempler Aerin. Elle a été, en effet, pendant de nombreuses années, une des célébrités les plus en vue de la scène new-yorkaise. Ses nombreuses apparitions publiques (208, dit-on, en 2000) étaient traquées par toute la presse people. Aujourd’hui, pour Private Collection, le grand photographe de mode Craig McDean l’a shootée en noir et blanc… faisant naître la nouvelle femme Estée Lauder, bien ancrée dans le iiie millénaire. Bien que le portrait d’Aerin soit inspiré d’une photo de son aïeule, qui trône maintenant dans son bureau. » C’est une photo iconique qui montre bien la personnalité d’Estée, épingle la jeune femme qui succède aux stars comme Gwyneth Paltrow, Elizabeth Hurley, Liya Kebede et Carolyn Murphy en tant qu’égérie de la marque américaine. Je voulais un portrait similaire, le genre de photo que chacun a de soi à la maison. «
Son rôle d’ambassadrice de la dynastie l’oblige à être présente à des événements et des soirées, plusieurs fois par semaine. Mais comment cette jeune milliardaire, désormais maman de deux garçons de 6 et 8 ans, peut-elle jongler entre vie privée et vie publique ? » Je suis une mère active et le temps est précieux pour moi, explique Aerin, qui a épousé, en 1996, Eric Zinterhofer, séduisant financier de Wall Street et camarade d’université. Je travaille beaucoup et je n’assiste plus qu’aux événements qui sont vraiment très importants. Le reste du temps, je le passe avec mes enfants et mon mari. «
Ni bimbo, ni » socialite » oisive, Aerin dirige aujourd’hui une équipe de 80 personnes, sur les 21 500 que compte le groupe à travers le monde. » Je supervise le packaging, le merchandising et la publicité, depuis la décoration d’intérieur de la dernière boutique de Mumbai en Inde jusqu’aux campagnes pour les produits qui seront mis sur le marché l’année prochaine, précise-t-elle. Nous venons de terminer le packaging pour les fêtes de fin d’année, et c’est très excitant. «
Aerin aura l’été pour se reposer en famille et trouver de nouvelles sources d’inspiration dans ses lieux de détente favoris : sa maison des Hamptons, où elle a gardé les vases chinois et la tapisserie bleue si chers à Estée Lauder, et Palm Beach, en Floride. » Ces lieux, mais aussi le sud de la France, Londres et Paris, font tellement partie de l’histoire de la marque « , conclut celle qui inscrit dans l’avenir cette belle affaire de famille.
Elodie Perrodil