Perchées à 2 000 m, au pied de la ligne de faîte du massif du Mgoun, dont les sommets proches des 4 000 m arborent leur manteau neigeux, une vallée calcaire à fond plat s’étire sur 25 kilomètres : les Aït Bouguemez. Ici on l’appelle  » la vallée des gens heureux « . Située dans le Haut Atlas marocain, dans la province d’Azilal, la vallée des Aït Bouguemez réserve à ses visiteurs un accueil chaleureux, des paysages enchanteurs et surtout un sentiment profond d’authenticité. Ici, il est permis de remonter le temps.

La vallée des gens heureux

La population est regroupée dans une trentaine de villages. Les Berbères sont souriants et rieurs. De la bonhomie et de la gaieté naturelle de ses habitants, le site a hérité du surnom de  » vallée heureuse « .

Ici, il est fréquent d’être invité pour le thé. Si vous refusez l’invitation, faites-le toujours avec tact et respect. Les Berbères ne sont pas intéressés, mais seulement envieux et aiment se divertir. Si vous acceptez, il vous sera très difficile, par la suite, de refuser de partager le pain, beurre et huile d’olive (il est recommandé d’enlever ses chaussures si le sol est couvert de tapis).

Pour les remercier, plutôt que de donner de l’argent qui pervertit la relation, laissez un petit objet usuel. Avec quelques stylos à bille, vous contenterez certainement votre hôte et vous aurez le plaisir d’admirer le visage resplendissant de l’enfant à qui vous l’offrez.

Des journées bien remplies au rythme des saisons

La journée de la femme est bien remplie. Les tâches ménagères terminées, elle se charge de nourrir les animaux restés à l’étable. Cette fonction entend qu’elle trouve l’herbe, la fauche et la ramène sur le dos. Elle assure aussi la corvée du bois pour le feu ; en montagne, à cette altitude, il est impératif de préparer les saisons froides en le stockant. Elle cherche ainsi le bois mort, le casse et le transporte ensuite de la même façon. Il n’y a pas d’eau courante, elle doit alors se rendre au puits pour y trouver l’eau nécessaire à la vie de la maison et de l’étable. Le soir, le repas préparé, elle promène sa vache, l’emmène paître sur les sentiers et les bords des cultures.

Les enfants vont, à tour de rôle, à l’école au rythme d’un groupe toutes les deux heures. Ainsi, avec peu de moyens, tous, parfois après de longs déplacements à pied, ont droit à un enseignement. Il faut voir le ballet intermittent des enfants qui descendent des villages mallette au dos et ceux qui remontent leur session terminée.

Il est moins important pour les filles d’avoir une bonne scolarité. C’est sur les épaules des garçons que repose tout l’espoir familial. Quand elles ne vont pas à l’école, les filles aident leur mère. On estime que dès l’âge de 12 ou 13 ans, elles peuvent assurer la charge du foyer et s’occuper de la garde et de l’éducation des plus jeunes (il n’est pas rare que ce soit bien plus tôt). Les garçons, après les occupations scolaires, conduisent les troupeaux de chèvres et de moutons brouter en montagne.

L’homme gagne l’argent et le gère, il estime les besoins de chacun, se rend aux souks et fait les achats pour la famille. Il assure les travaux agricoles : charruer, planter, entretenir les champs et les irrigations, récolter et faire le battage des céréales. Les Aït Bouguemez sont aussi de remarquables bâtisseurs. Les murs de pierres sont assemblés sans mortier et les habitations, qu’ils agrandissent au fur et à mesure de leurs nécessités, sont construites en pisé avec des toits de terre. Ils ont aussi, dans des temps plus lointains, construit des greniers forteresses appelés  » igghrem ou tigremt « , élevés au sommet de hautes collines qui constituent un ensemble architectural unique. Les hommes plus âgés sont apparemment dispensés de tout travail. On les voit, souvent enturbannés, se regrouper et discuter avec bonne humeur ou, d’autre fois, se laissant vivre paisiblement en observant le paysage d’un point surélevé. Il persiste donc, là comme ailleurs, une grande différence entre l’homme et la femme âgés.

Pour le plaisir des yeux

Ce n’est pas le moindre des paradoxes en arrivant de la plaine de Marrakech, de découvrir un paysage très vert aux couleurs saturées, peuplé d’arbres fruitiers en fleurs aux senteurs parfumées. Pommiers, noyers et même peupliers nous rappellent des lieux plus familiers.

Le contraste est d’autant plus frappant que cette plaine est ceinturée de hautes collines arides aux strates apparentes. Les villages (bled), d’un étonnant mimétisme, s’y adossent. Construits en terrasses, ils se développent en hauteur. Des ruelles les traversent tandis que de petits sentiers permettent d’accéder aux maisons. Ils ont tous leur mosquée, parfois sans minaret à cause des intempéries et du vent d’hiver. Au loin, les sommets enneigés du massif du Mgoun culminent à près de quatre mille mètres (trois d’entre eux les dépassent même).

Bénéficiant de la fonte des neiges, la vallée est riche en eau. Au fond s’imbriquent une multitude de parcelles cultivées, véritable puzzle, autour desquelles elle s’écoule. Par un simple système de barrages, des petits canaux irriguent les cultures. Le blé, le maïs, les pommes de terre, les pommes et les noix constituent le gros de l’agriculture locale et assurent les besoins autarciques pendant les quatre mois d’hiver. Durant cette période, en effet, la vallée est isolée et coupée du reste du pays par la neige. Changements climatiques, réchauffement de la planète, les chutes de neige se font plutôt rares ces dernières années.

Reportage : Jean-Marie Vandeloise n

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