Designer et créateur de mobilier, Jérôme Faillant-Dumas nous a ouvert les portes de son appartement parisien. Un univers raffiné où la rigueur poétique et l’originalité tonique jouent l’accord parfait.

Parquets anciens à chevrons, moulures, enfilades de salons… le ton semblait donné pour installer un très bel appartement classique. Sans ternir le charme de ces structures de base, Jérôme Faillant-Dumas a donné, avec la complicité de son épouse, libre cours à son amour des mélanges insolites et des associations chromatiques singulières. Les pièces se suivent, ne se ressemblent apparemment pas et sont pourtant reliées par un fil conducteur: une passion pour les détails raffinés et pour les meubles et objets « forts », achetés sur une impulsion sans a priori de style, de genre et, bien sûr, d’époque.

Dès l’entrée, tout concourt à créer un espace original et confortable. Dans le hall, les murs peints dans une teinte de fraise écrasée, sourde et chaude à la fois, donnent au volume pentagonal de la pièce une ambiance particulière. Des portes à doublebattant ouvrent sur le salon, sur la salle à manger, sur le bureau. Le regard du visiteur est d’emblée séduit par des perspectives multiples et colorées. « Regardez le salon, juste en face, conseille Jérôme Faillant-Dumas. La perspective se termine par une cheminée, qui fonctionne très bien et surmontée par une fenêtre. C’est une vraie curiosité de cet appartement. » Dans chaque pièce on retrouve en toile de fond des nuances de prédilection du designer, des « couleurs rentrées, comme de la poudre »: mastic tirant vers le vert céladon pour le salon et le bureau, vert de gris très dense pour la salle à manger. On s’attarde dans le salon. Canapé en velours rouge, garni de coussins violets, lit de repos, fauteuil recouvert d’un tissu léopard, table basse d’Yves Klein, les « Violons » en bois peint d’Arman, étoffes anciennes, livres d’art, souvenirs… Voilà en bref l’inventaire de cet espace chaleureux réservé à l’accueil, à la détente et à la conversation. Les pièces voisines, la salle à manger et le bureau, optent également pour un agencement métissé et peu conventionnel.

Dans la partie plus privée de l’appartement, les couleurs explosent, virevoltent et s’entrechoquent. Le rose « fraise écrasée » habille les longs murs distribuant les chambres, du velours vert pistache recouvre les portes du dressing. Dans la chambre, un mauve appuyé et très dense règne en maître. Il fait admirablement ressortir les nombreux tableaux, dont certains sont signés Pierre-Ludovic Dumas, grand-père du maître des lieux. La moquette, réalisée sur commande, reprend une belle rayure créée par Madeleine Castaing, célèbre inspiratrice de la vogue pour la déco du XIXe siècle. Deux confortables fauteuils, des tentures en velours vert d’eau, doublé d’un tissu violet, font de la chambre une pièce à vivre à part entière. Plus qu’une simple pièce d’eau, la salle de bains, tapissée de mosaïque vert menthe et décorée d’objets pleins de charme, donne envie de s’y attarder un long moment.

Dans tout l’appartement, on découvre, par touches, des meubles créés par Jérôme Faillant-Dumas: une table ronde et rouge en Plexiglas dans le salon, une table de travail lumineuse, en Plexiglas laiteux, munie de pieds en aluminium dans le bureau, un ensemble fauteuil et repose-pieds, recouverts de cuir framboise dans la salle à manger, une commode en chêne dans la chambre. Leurs lignes pures, sereines et intemporelles contrastent agréablement dans ce décor original et très personnel qui ne laisse aucune concession à la mode et aux tendances du moment. L’ensemble reflète très bien l’éclectisme qu’on apprécie tant aujourd’hui.

A la recherche de l’intemporalité

C’est en 1999 que Jérôme Faillant-Dumas a créé l’agence L.O.V.E. (Luxe, Objet, Visuel, Environnement), dont il assure aujourd’hui la direction artistique. Il conçoit le design des flacons de parfums et des produits de beauté ainsi que l’image de marque pour des maisons de luxe les plus prestigieuses. Récemment, il a ajouté une nouvelle facette à ses activités, l’édition de mobilier. « Travailler l’infiniment petit, un flacon de parfum, par exemple, relève de l’architecture, explique Jérôme Faillant-Dumas. Avec le temps, on a envie d’aller plus loin et continuer avec le moyennement petit: avec un meuble ou un objet de décoration. Une deuxième raison m’a également poussé à la création. Personnellement, je trouve que le mobilier que l’on nous propose, manque d’intemporalité. Or, j’ai la nostalgie du passé, des réalisations de Jean-Michel Frank, par exemple ( NDLR: designer-décorateur des années 1920-1930 qui s’est, entre autres, rendu célèbre en dessinant l’appartement parisien de Marie-Laure et Charles de Noailles, mécènes les plus prestigieux de la première moitié du XXe siècle). J’aime les meubles qui se distinguent par des proportions et une allure intemporelles, par une qualité de fabrication et un choix de matériaux exceptionnels. J’ai une préférence pour le chêne et le bois de palmier, associés au métal ou encore le plexiglas associé lui aussi au métal. »

Cela dit, créer du mobilier « minimaliste » pour un décor « minimaliste » ne fait pas partie des aspirations de Jérôme Faillant-Dumas.  » Ce qui m’intéresse, souligne-t-il, c’est donner un sens contemporain. Ce sens existe par rapport à une opposition. La commode en chêne qui se trouve dans ma chambre pourrait être très belle dans un décor dépouillé, mais tel n’est pas mon objectif. Ici, face à ces moulures, tableaux anciens et étoffes colorées, elle est en contraste par rapport à d’autres périodes. C’est cela que j’appelle le sens contemporain, un mélange de meubles et d’objets et de beaux meubles, dont la beauté transcende le temps. »

Une boutique toute neuve vient d’être dédiée à ce style empreint d’intemporalité: les créations personnelles y côtoient meubles, tableaux, objets et textiles, chinés sur un coup de coeur. Rien n’y est figé, le passé épouse le présent. Jeux de couleurs, mariages d’époques diverses, rigueur de l’agencement et raffinement de détails y cohabitent dans une harmonie parfaite, suivant les principes d’esthétique de Jérôme Faillant-Dumas.

Barbara Witkowska, Photos: Antoine Moreno [{ssquf}]

Carnet d’adresses en page 68.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content