C’est l’histoire d’une mère, Marie-Chantal Regout, qui confie à ses deux filles la marque Rue Blanche, qu’elle a créée il y a près de trente ans. Le récit d’une filiation, qui se réalise de façon organique et dynamique.

Dans un studio bruxellois, où a lieu le shooting du jour, les deux soeurs sont concentrées, pantoufles d’hôtel aux pieds, pour ne pas salir le décor virginal. Traquant le moindre détail, l’attitude un peu trop figée du mannequin, tout ce qui risquerait de compromettre le résultat. L’objectif ? Immortaliser les photos pour le webshop de Rue Blanche. La griffe, celle que leur mère a lancée il y a près de trois décennies, est depuis quelques mois leur nouveau terrain de jeu.

Tout s’est décidé l’été dernier. Durant des vacances familiales, Marie-Chantal Regout demande à ses filles comment elles imaginent la marque dans le futur. La question est posée sans arrière-pensée, on ne parle alors pas de reprise. Mais la créatrice, sexagénaire, ne cache pas son essoufflement, son envie d’autre chose. De quoi faire germer un défi dans les têtes de sa progéniture : et si c’était elles qui se chargeaient de rajeunir le label ?  » Les gens ont tendance à penser que c’est un joli cadeau qu’elle nous faisait. Mais il pouvait tout aussi bien être empoisonné « , confie Astrid, qui a préféré se prémunir de toute mauvaise surprise, en prenant le temps d’étudier les chiffres de l’entreprise. Certes, l’enseigne aux lignes épurées jouit d’une solide réputation, mais elle subit des pertes depuis quelques saisons ; de quoi nécessiter un coup de fraîcheur et de professionnalisation. Cela tombe bien, les deux demoiselles, à même pas 30 ans, ont de l’énergie et quelques belles idées à revendre.

Qui plus est, leurs profils sont complémentaires, autant qu’Astrid est blonde et Aude, brune. La première, ingénieur commercial de formation, a enchaîné deux masters en marketing et management, avant d’effectuer un stage pour la griffe branchée Acne Studios et de travailler tour à tour pour la marque de parfum suédoise ByRedo et Omega Pharma. La seconde est quant à elle diplômée en communication à l’ECS Bruxelles, avec un master en stratégie d’entreprise. Elle s’est ensuite chargée des relations publiques de Rue Blanche, en mettant notamment en place la plate-forme d’e-shop. Les caractères s’ajustent également. L’une est fonceuse, l’autre privilégie l’observation et la minutie. Quant au frérot, graphiste, il préfère garder son indépendance, tout en aidant ses sisters pour tout ce qui touche au côté visuel.

Vendu ! En septembre 2015, Astrid donne sa démission et rejoint sa cadette, quelques mois plus tard, au sein de l’entreprise familiale.  » Notre mère ne nous a jamais forcé la main. On bénéficiait d’une totale liberté. Mais elle est évidemment aux anges ! Elle n’a d’ailleurs jamais été autant présente au bureau « , sourient-elles. Si Marie-Chantal prend davantage en charge l’aspect créatif, avec la styliste Céline Collard, ses deux filles gèrent tout ce qui touche au management et à la communication.  » Tout se fait dans l’échange « , poursuivent-elles. Leur maman a depuis toujours attaché beaucoup d’importance au mix des générations.  » Quand elle organisait un dîner, les enfants s’asseyaient avec les adultes. Il n’a jamais été question pour elle de jouer un rôle de matriarche qui saurait tout. Elle fait confiance à la jeunesse.  » De quoi rendre plus faciles les premières grandes décisions : revendre la boutique de la rue Dansaert, à Bruxelles, pour réinjecter du cash dans l’entreprise, en ouvrir une nouvelle dans le quartier Louise, revenir en septembre à Dansaert, dans un espace plus intime, exactement là où avait été inauguré le premier concept store.

Avantage de taille : Astrid et Aude ne risquent pas de commettre de faux pas, tant elles connaissent l’ADN de l’enseigne.  » Notre mère nous emmenait partout avec elle, dans ses bureaux, les usines, les stocks. Elle nous a appris à observer et apprécier les plus petites choses, que ce soit la couleur d’une porte, un look, le toucher des matières.  » Le tout en suivant son instinct et sans s’encombrer de chichis inutiles.  » Elle nous le dit d’ailleurs souvent : cool ! « , racontent celles qui se donnent deux ans, pour voir si Rue Blanche montre déjà quelques premiers signes positifs d’évolution, suite à leur arrivée.

PAR CATHERINE PLEECK

 » NOTRE MÈRE NE NOUS A JAMAIS FORCÉ LA MAIN. ON BÉNÉFICIAIT D’UNE TOTALE LIBERTÉ.  »

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